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Un petit Noir, et ça repart

Les Étatsuniens sont revenus de la discrimination positive (« affirmative action »), Obama a bien pris soin de mener toute sa campagne sur des bases non raciales. Cependant, en France, les pipeuls qui se veulent tendance (Sarkozy et quelques autres hommes et femmes politiques), ainsi qu’une partie des medias, nous bassinent avec les minorités visibles, le droit à la différence, et militent pour davantage de « Noirs » (d’ailleurs, ils ne disent pas noirs mais blacks, ce qui revient à souligner le stigmate tout en prétendant le nier), de « Beurs », demain peut-être de lesbiennes unijambistes, de Juifs végétariens, de transsexuels auvergnats etc.

Canal+ est très en pointe dans cette vision des choses, dans ce combat. Il faut dire que, pour ce qui est du droit à la différence, cette station fait fort, mais de manière nuancée. Par exemple, dans l’émission de Denisot, en face de la bombe sexuelle qui présente la météo (des jeunes femmes généralement plutôt futées), il y a un chroniqueur d’origine nord-africaine, énormément obèse, pas vraiment beau. La répartition des rôles, le casting comme ont dit chez Canal, est très pensé : on n’a pas encore vu de boudin aux cheveux gras dans le rôle de Miss Météo. Mais on y a vu en bonne place Carla Bruni qui n’est pas, comme elle le prétend, une « immigrée », mais comme le rappelle vachardement Guy Bedos, « une milliardaire qui a un château au Cap Nègre. »

Il y a quelques jours, Anne-Élisabeth Lemoine, une chroniqueuse de l’émission de midi, se lance dans une diatribe d’autant plus facile qu’elle est portée par la vague Obama, à coups de statistiques irréfragables. « Il y a à peine », nous dit-elle, « 10% de présentateurs blacks à l’écran. » Et alors ? Une émission nulle n’est pas mieux défendue si son présentateur est noir ; une émission de qualité n’est pas non plus nécessairement gâchée parce que son présentateur n’est pas blanc. Puisque Canal+ aime les chiffres, la France compte 65 millions d’habitants. Y a-t-il, dans notre pays, 6,5 millions de Noirs ? Officiellement, on ne peut le dire car la Loi interdit de compter les gens selon leur couleur. Officieusement, c’est peu probable. Poser et répondre à la question revient de toute façon à situer le problème en termes de " race " . Or, il n’y a plus qu’Eric Zemmour, dandy réactionnaire au sens propre des termes, pour affirmer que l’humanité est constituée de races. J’imagine qu’après avoir passé son enfance à Drancy, il considère comme Noir tout individu ayant un grand-parent noir.

Ce n’est pas que la France n’ait pas de leçon à recevoir des États-Unis en la matière. Nous sommes en présence, chacun le sait, de deux histoires différentes avec, pour les États-Unis, ne l’oublions pas, la constitution d’un agrégat humain d’exclus (les Indiens puis les Noirs) pour que fonctionne - ou fasse semblant de fonctionner - un idéal égalitaire pour les non colorés : les Wasps (White Anglo-Saxon Protestants), les Juifs, les Italiens, avec un léger doute pour les Hispaniques. Si je joue au jeu dangereux des races et des couleurs, je suis personnellement un Caucasien, tout comme mon voisin berbère. Si je ne veux pas que ce Berbère appartienne à la même catégorie que la mienne, je crée une sous-catégorie en faisant appel à un concept inventé, comme par hasard, dans les années trente : l’europoïde.

Depuis la Révolution, la France s’efforce de fonctionner sur d’autres bases. Ce qui a permis à un Noir, soixante-deux ans avant l’élection d’Obama, de présider la Chambre Haute au moment où, dans le tiers des États-Unis, les " gens de couleur " étaient roués de coups s’ils voulaient prendre certains autobus. Très bon exemple de méritocratie républicaine, Gaston Monnerville, Antillais et n’appartenant pas même à la bourgeoisie de ces îles, étudia comme boursier dans le meilleur lycée de Toulouse, fut un brillant résistant, devint avocat puis homme politique de très bonne facture.

Au diable la pigmentation. Selon le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, on ne voit que 2% d’ouvriers sur les écrans français, alors qu’ils représentent le quart de la population. De même, on ne voit que 33% de femmes, alors qu’elles constituent 52% de la population. Tout est affaire de statut social, de culture, d’éducation. Ce n’est pas parce qu’ils sont d’origine nord-africaine que les Beurs sont sous-représentés à l’écran. C’est parce qu’ils sont, dans leur majorité, socialement marginalisés, donc (mais c’est une conséquence connexe) rejetés au-delà des frontières de la visibilité médiatique.

Dans les années 1945-1950, dans les Houillères du Nord/Pas-de-Calais, les mineurs constituant le premier volant de flexibilité, la première variable d’ajustement pour les patrons, ceux que l’on virait avec femme et enfants en moins de douze heures lorsque la demande en main-d’oeuvre diminuait brutalement, étaient de nationalité polonaise. Comme Chopin.

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