RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
11 

C’ est où la Birmanie ? Réponse de Jacques Richaud à "Pourquoi je n’ irai pas à la manif Birmanie" de Jean Bricmont, et débat avec Danielle Bleitrach.








Samedi 26 septembre 2007.


Ci-dessous la réponse de Jacques Richaud à l’ article de Jean Bricmont "Pourquoi je n’ irai pas à la manif Birmanie."

Cette réponse est suivie du débat entamé sur le site Socio 13 entre Danielle Bleitrach et Jacques Richaud. Puis, à la suite, nous pourrez lire des extraits d’ une autre contribution de Danielle Bleitrach en lien avec ce sujet et mis en ligne ce jour : Le credo de ce blog : s’engager mais comprendre dans quoi et pourquoi...

*** Si vous voulez contribuer au débat, il serait préférable de publier vos contributions en priorité sur le site Socio 13 puis, si vous le souhaiter, ici même.

LGS




- Réponse de Jacques Richaud à l’ article de Jean Bricmont "Pourquoi je n’ irais pas à la manif Birmanie.".


 Jacques Richaud 28 sept 2007 à 10:22

Difficile débat que celui-ci ! Je peux adhérer à la logique de toute une démonstration et pourtant ressentir un profond malaise devant l’argumentaire qui est :

"Par "manipulation" je ne veux pas dire que la situation n’est pas terrible en Birmanie, mais la question des priorités se pose."

La question des PRIORITES ! Cette terrible question des priorités et de la concurrence des causes, de la mise en balance des enjeux et des légitimités, de la concurrence des victimes que nous avons si souvent reproché à d’autres... Terrible choix qui à l’extrême peut nous mener à l’absurde décision de ne soutenir JAMAIS aucune cause au prétexte de l’existence d’une tragédie pire encore que celle qui nous interpelle à un moment donné... Au nom de ce principe nous devrions détourner le regard des misères qui nous sont les plus proches en raison de tragédies lointaines plus atroces ? Nous devrions ne pas voir la tête tranchée déjà tombée lorsque à côté on en est encore à la torture ? Ne pas voir la torture de l’un parce que se commettent des crimes de masse ? Ne pas comptabiliser et dénoncer le "petit" massacre minable face à l’entreprise de grande envergure criminelle étatique ?

J’avoue un malaise profond à cette théorisation de la non-solidarité visible pour de tels faits ; elle heurte doublement ma conviction : Ma conviction que chaque homme et chaque femme valent pour UN et mérite de n’être abandonné jamais (ni l’inconnu expulsable demain de nos villes, ni le très célèbre Mumiah qui risque la chaise électrique un matin brun aux USA bientôt). Ma conviction aussi, internationaliste d’une indispensable solidarité entre TOUS les peuples face à leurs oppresseurs... Que nous ayons été déjà défaillants dans l’expression de nombreuses solidarités qui nous semblaient nécessaires se trouve désormais être un argument pour allonger la liste ?

J’avoue que cette posture dérangeante pour justifier le non-signalement de son indignation, face à la dictature birmane ou face à tout autre pouvoir répressif, me dérange au plus profond de moi-même ; j’y vois comme la version de gauche d’un "utilitarisme" qui est au coeur de la pensée capitaliste ; une sorte de raisonnement "coût-bénéfice" ou "retour sur investissement" qui m’effraie, venant d’un homme aussi lucidement engagé souvent que Jean Bricmont.

Une autre phrase me heurte au plus haut point :

« Je préfère réserver mon temps et mes efforts à des causes que les grandes puissances ne soutiennent pas : les Palestiniens, l’opposition libanaise, les Irakiens, et le droit pour l’Iran à l’énergie nucléaire..... Je pense que ce serait une excellente "initiative citoyenne" de boycotter délibérément les manifestations auxquelles nous invitent nos médias. ».

Le temps de ce monsieur est certainement précieux, pour d’autres le jour qui vient sera peut-être le dernier face aux chars de l’armée ; il y a comme une insulte à révolté en péril ! Pour ce qui est de « l’excellente initiative citoyenne », j’admire cette invitation à l’indifférence qui ouvrirait la voie aux pires compromissions et silences demain... la « politique autrement » qui invoque la citoyenneté prend ici une triste odeur d’indifférence élevée au rang de vertu...Enfin depuis quand devrions nous conditionner nos postures politiques au traitement « médiatique » des événements qui nous interrogent ?

J’avoue ne pas croire tenable cette posture, sauf à se préparer à dire demain après l’écrasement de la révolte "qu’il devait en être ainsi", car le peuple n’était pas prêt à prendre la relève... Pour connaître un peu l’Asie après un an et demi de séjour en pays bouddhiste au Cambodge, je crois percevoir la vague profonde qui se soulève comme une fragile mais immense attente... Et nous détournerions les yeux ? En ce pays quelques minorités montagnardes exercent encore une résistance armée, mais l’immense majorité d’une population presque égale à celle de la France n’a d’autre pratique que l’attente d’une évolution démocratique qui fut un jour majoritaire et délégitimée par l’armée, devrions nous faire grief à ce peuple de ne pas s’être révolté par les armes ? Et si cette question était au fond, présente dans l’esprit de ceux qui expriment un certain dédain pour la Birmanie ? Et si la fascination de la violence révolutionnaire conditionnait pour une part notre empathie pour une cause ? Et si pour cette obscure raison nous préférions demander « c’est où la Birmanie ? »

Jacques Richaud


 socio13 Danielle Bleitrach 29 sept 2007 à 5:36

Il faut lire le livre de Bricmont, de surcroit par expérience je me souviens encore lui avoir envoyé la pétition sur les femmes afghanes, il m’avait répondu par une refus de la signer en m’expliquant que cette pétition ne servait qu’à préparer l’intervention des occidentaux, ce en quoi je me suis aperçu ultérieurement qu’il avait parfaitement raison. Quand je vois de surcroit le rôle joué par Reporters sans Frontières dans la montée de l’opinion publique je suis de plus en plus dubitative. Je ne refuse pas la solidarité mais je ne veux pas qu’on manipule systématiquement mon émotion.
Comme le soulignent les remarques ci-dessous de COMAGUER pourquoi Total et pas Halliburton de Dick Cheney ? Est-ce que l’affaire n’a rien à voir avec ce qui se passe au Nepal ?

Danielle Bleitrach

Voici un commentaire de COMAGUER sur le même sujet ou plutôt sur la campagne contre Total :

Haro sur Total ! Mais comme c’est étrange aucune campagne humanitaire sur Halliburton qui travaille au Myanmar et sur Cheney son ancien patron qui l’y a implantée et bien sûr si Total et la junte s’en vont Halliburton fera venir EXXON et CHEVRON. Pour les remplacer pendant ce temps les maoIstes s’approchent du pouvoir au Népal, au Bhoutan et la guérille maoïste se renforce dans les provinces du Nord-Est de l’Inde frontalières du Myanmar aucun rapport ?


 Jacques Richaud 29 sept 2007 à 8:21
MANIPULER LES EMOTIONS

Bien sur tu as raison de ne "pas vouloir laisser manipuler tes émotions" , mais dire cela avec Jean Bricmont contribue à théoriser une forme d’impuissance qui aurait vertu de non-compromission :

- Ne peut-on A LA FOIS s’intéresser aux femmes afghanes et dénoncer ceux qui instrumentalisent leur sort ?
- Ne peut-on A LA FOIS regarder le monde tel que nous le voyons et dénoncer toutes les duplicités de RSF ?
- Ne peut-on A LA FOIS dénoncer Halliburton et en même temps Total ?

Et pourquoi l’évidente "asymétrie" de jugement de certains devrait-elle fonder la raison de nos silences ? N’est-ce pas consentir à ceux là exactement la victoire d’une propagande que nous renoncerions à contrer ?

A nous d’éclairer les enjeux et dénoncer les duplicités, sans abandonner jamais les hommes et les femmes eux-mêmes à un sort qu’ils n’ont pas choisi et à une oppression dont ils souhaitent s’émanciper, en Birmanie comme en Irak, au Népal comme au Liban, en Chine comme aux USA peut-être demain, en Iran comme en Palestine aussi...

Non, décidément non, je n’approuve pas cette retenue qui serait une forme élevée de la bien-pensance et ne fait le jeu que des oppresseurs parce que nous serions impuissants à les démasquer tous. Je mesure bien sur la vanité et l’impact limité de nos actions de soutien ; je mesure combien nous soutenons plus parfois notre propre cohérence mentale que les combats asymétriques menés par des forces faibles contre des puissances immenses ; je mesure aussi la frustration induite par notre réelle impuissance souvent et que nous tentons inconsciemment d’éviter...

Mais je sais aussi, dans un monde ou la communication circule jusqu’au fond des jungles et des montagnes, que le sentiment des hommes et des femmes de devoir poursuivre un combat pour la justice, peut être conforté par un signal même faible, venu de loin, de très loin... J’espère que ceux qui affronteront demain la junte birmane pour la renverser enfin n’auront pas eu accès au texte de Jean Bricmont !

Je crois comme beaucoup que ce sont toujours les peuples eux-mêmes qui se libèrent et que toute forme d’ingérence humanitaire cache une imposture possible, je crois que les ONG, organisations dites "NON" gouvernementales, sont toujours des organisations "gouvernementales" plus ou moins camouflées... Dire cela AUSSI doit faire partie de notre combat. Mais l’internationalisme ne se peut brider lui-même, sauf à "déconstruire" et faire une réécriture révisionniste des combats des brigades internationales, de Fidel en Afrique ou du Che en Amérique latine...et de l’idéal communiste lui-même ! Sur tous ces sujets il y aurait à dire, sans désavouer l’engagement d’un seul de ceux qui y ont laissé leur peau, il y aurait même à dire que beaucoup de tous ceux là , à un moment ou a un autre ont vu leurs « émotions instrumentalisées », et alors ? Ils se sont levés pour cela, qu’espérons nous d’autre pour nous même et pour tous demain que de réveiller nos émotions qui sont les mots muets de notre dignité ?

Jacques Richaud.


 socio13, Danielle Bleitrach 29 sept 2007 à 8:29

Jacques, je viens de tenter d’élucider un peu ma position dans le texte sur le credo de ce blog...

Dans une certaine mesure cela va dans ton sens, mais sur le fond il y a un problème que tu n’analyses pas suffisamment et qui pour moi a lourdement pesé sur le combat par exemple contre la guerre en irak.
Le ni-ni, ni Saddam, ni G.W.Bush, est peut-être moralement exact mais politiquement nul. En effet le vrai problème n’était pas de dénoncer le régime de Saddam, ce grand massacreur de communistes en particulier, mais bien de refuser une invasion illégitime et assassine. Donc il fallait en rester là sans cautionner pour autant Saddam.
Simplement il faut avoir le courage de dire comme Samir Amin : toutes les guerres menées depuis 1991 relèvent du crime de guerre et devraient relever d’un tribunal de type de celui de Nuremberg.
C’est une question de droit international, de Charte de l’ONU. mais là je te renvoie à mon texte credo.

Danielle Bleitrach




Le credo de ce blog : s’engager mais comprendre dans quoi et pourquoi... par Danielle Bleitrach.


Samedi 29 septembre 2007.


(...) Mon premier credo est de juger en fonction de la capacité de nuisance et de me méfier de ceux qui sont en situation de dominer notre vie et nos opinions, de ne leur accorder aucun crédit a priori non parce qu’ils sont capitalistes, impérialistes, puissants mais parce que conserver leur position passe par la perpétutation d’une injustice qui m’est intolérable. (...)

La position de Jean Bricmont a l’immense mérite de dénoncer l’émotion médiatique que les occidentaux sont toujours en situation d’exercer sur l’opinion publique et ce pour des raisons de gros sous. 90% des nouvelles et des informations nous parviennent par la propagande occidentale. Internet n’est qu’un mince filet sans cesse disqualifié par des rumeurs orientées.

Jacques Richaud voit dans la position de Bricmont un refus de solidarité. Je ne crois pas que ce soit le cas, Jean Bricmont est comme Chomsky de sensibilité anarchiste et il suggère de n’appuyer que tous ceux que ne soutiennent pas les institutions et les impérialistes, ce qui laisse un champ considérable à "exercice de la solidarité. (...)

Donc pour en revenir à la Birmanie, il est clair que la junte au pouvoir n’a pas pour vocation de satisfaire les besoins de la population Birmane et que la colère des Birmans est légitime. Mais dans le même temps, il paraît tout aussi évident que les puissances occidentales et pas seulement Total mais Halliburton de Dick Cheney veulent continuer à piller, et que toute la campagne qui est orchestrée risque d’être un contre-feu à leur profit qui se soldera par le massacre de populations innocentes. Comme le fait remarquer très justement COMAGUER, nous souffrons d’un grave déficit d’information sur ce qui se passe réellement en Asie. Au Népal proche la rébellion de la guérilla communiste gagne du terrain, la révolte des bonzes partie de Thaïlande est-elle un contre-feu ? (...)

- Lire l’ article et participer au débat http://socio13.wordpress.com


*** Si vous voulez contribuer au débat, il serait préférable de publier vos contributions en priorité sur le site Socio 13 puis, si vous le souhaiter, ici même.






Birmanie : c’est en ne soutenant pas le peuple birman que l’ on fait le jeu de Washington, par Vincent Présumey.



Birmanie - Total, démocratie et à -côtés : la course aux richesses du Myanmar a commencé, A. d’ Argenzio, P. Pescali.

Birmanie : Kouchner n’a pas vu d’esclaves mais Total les indemnise, par Maxime Vivas.






URL de cet article 5504
   
Cinq Cubains à Miami
Maurice LEMOINE
6 octobre 1976, La Barbade : un attentat détruit en vol un DC-8 de la Cubana de Aviación (soixante-treize morts). 12 avril au 4 septembre 1997 : une série d’explosions frappe les hôtels de La Havane. A l’origine de ces actions terroristes qui, depuis 1959, ont fait plus de 3 400 morts à Cuba : Miami ; la très honorable « Fondation » ; quelques personnages ténébreux : Luis Posaril, Pepper Nández, Jorge Maskano, le docteur Orlando… Une même obsession les habite : en finir avec le régime et (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

La seule véritable passion qui mérite qu’on se laisse guider par elle est le non-conformisme.

Julian Assange

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.