RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Les vies paralleles de Bébert et de Charles-Edouard.








Mardi 3 juillet 2007.


"Les chanceux sont ceux qui arrivent à tout... Les malchanceux sont ceux à qui tout arrive."
Eugène Labiche


Mon ami Bébert fait partie des malchanceux.
Il travaille à l’usine mais il a appris qu’après cinquante ans on est trop vieux, pas assez rentable, pas assez souple et qu’il a intérêt à ne pas la ramener. Il se demande comment il va pouvoir cotiser pendant 42 annuités si on l’empêche de travailler.

Son fils a réussi des études qui l’ont conduit au chômage. Lors des entretiens d’embauche pour un premier emploi on lui demande toujours s’il a de l’expérience professionnelle. Finalement, il fait de l’intérim dans un fast-food où on vous demande surtout... de la boucler.

Sa femme est malade et elle se démoralise à l’idée de creuser le trou de la sécu.

Les trois ont voté au second tour des élections présidentielles de 2007 contre Sarkozy avant d’apprendre que leur candidate n’avait jamais cru aux 35 heures ni au SMIC à 1500 euros.

Le fils aurait préféré un candidat comme Kouchner. Mais, bon, son parti ne l’a pas retenu parce que les sondages disaient que Ségolène allait gagner tranquillou-Gilou. Elle a perdu et Kouchner est ministre de Sarkozy.

Bébert a chargé la voiture, attelé la caravane et a dit à ses voisins, pour se marrer : « On part passer quelques jours sur un yacht, à Malte ». En vérité, il va à Narbonne-plage, si la voiture ne tombe pas en panne, si la caravane n’est pas couchée par le vent, si sa femme n’est pas opérée.

A son retour,après deux coups de soleil et des piqûres de moustiques plein les bras, il sait qu’il va affronter quelques soucis : la TVA qui augmente, les prix aussi, le gamin qui déconne à force de désespérer, le voisin chômeur de longue durée qui écoute la télé à fond et qui gueule « j’irai plus, à l’ANPE » et lui-même qui va sans doute être convoqué chez le DRH qui va lui annoncer la mauvaise nouvelle, lui offrir un entretien gratuit avec le psychologue, lui proposer des stages de formation, un plan de reconversion et peut-être un travail à Dunkerque ou en Birmanie. Bébert criera : « La Birmanie, pas question » et il acceptera Dunkerque.

Il se demandera si, au cours de sa vie, il a lutté comme il fallait dans sa boîte et s’il a voté comme il fallait pour défendre les types comme lui et leur famille. Il va en conclure que non et il va déprimer, Bebert.

Chômage familial, maladie, pannes, moustiques, hausses des prix, dépression. Bébert fait partie des malchanceux à qui tout arrive.

Heureusement, la France compte aussi des chanceux qui arrivent à tout.

Charles-Edouard vit à Neuilly et il a quelques points communs avec Bébert. Sa femme a été opérée plusieurs fois : des seins, du nez et des pattes d’oie au coin des yeux. Lui, il fréquente aussi les DRH, dans les réunions de DRH puisqu’il est DRH d’une usine de papa. Il sait ce que c’est qu’une panne de moteur puisque c’est arrivé une fois à son jet privé, heureusement avant le décollage. Il est familier des caravanes puisqu’il en croise parfois dans le désert à bord de son 4X4 au cours des raids des anciens de Science po, promotion Henry Ford. Comme la candidate de Bébert, il n’a jamais cru aux 35 heures ni au SMIC à 1500 euros.

Comme Bébert, il est prêt à changer de région si nécessaire. Il a même des projets d’usines en Pologne et au Maroc.

Par contre, il ne se demande jamais s’il a bien fait d’adhérer au MEDEF, de voter pour des gens soutenus par le MEDEF. La fortune que lui a léguée son père ira à ses enfants avec une jolie plus-value. C’est normal, il l’a gagnée pour eux à la sueur de son front ou de celui des Bebert.

Charles-Edouard va créer un journal pour que tous les Bébert de France qui le liront trouvent c’est pire ailleurs.

Charles-Edouard ne déprime pas. Un psychanalyste de luxe travaille à lui faire admettre le drame de sa vie : la perspective de la mort. Comme un vulgaire Bébert.

Que souhaiter à Charles-Edouard ? Que beaucoup de Bébert, de chômeurs, d’ouvriers, d’étudiants, d’enseignants, de cadres continuent à croire que tout est de leur faute, que les lois de l’économie sont gravées dans l’airain, qu’il faut accepter de vivre pauvres pour que la France reste un pays riche. Souhaitons-lui aussi qu’aucun Bébert ne découvre que le quotidien Le Monde n’est plus celui de Beuve-Méry, Libération celui de Jean-Paul Sartre et que la quasi totalités de nos médias appartiennent à deux marchands d’armes et à un gars du bâtiment. Souhaitons-lui que ceux qui n’ont presque rien protestent, mais sans remettre en cause le système, quand ceux qui ont tout leur enlève le peu qui reste des conquêtes sociales du passé.

Que souhaiter à Bébert ? La baisse du prix des crèmes solaires et des lotions anti-moustiques, mais surtout la rencontre avec des esprits éclairés qui leur apporteront la bonne nouvelle : Karl Marx n’est pas mort. Il paraît qu’il dort et qu’on peut le réveiller.

Pour cela, à la rentrée, il va falloir faire du bruit.

Maxime Vivas




Sarkozy et l’arme du déficit budgétaire... comme son ami Bush, par Danielle Bleitrach.






- Dessin : Alex Falco Chang.


URL de cet article 5231
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui au libre débat (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Partout où règne la civilisation occidentale toutes attaches humaines ont cessé à l’exception de celles qui avaient pour raison d’être l’intérêt.

Attribuée à Louis Aragon, 1925.

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.