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Découverte de l’Amérique et Histoire officielle : Faces et masques.





Rebellion, 10 octobre 2005.


Christophe Colomb a-t-il découvert l’Amérique en 1492 ? Ou bien ce sont les Vikings qui l’ont découverte avant lui ? Mais, avant les Vikings, ceux qui vivaient là , n’existaient-ils donc pas ?

L’Histoire officielle nous raconte que Vasco Núñez de Balboa a été le premier qui a vu les deux océans du haut d’une montagne du Panama. Mais ceux qui vivaient là , étaient-ils donc aveugles ?

Qui a donné leurs premiers noms au maïs ; et là la patate, et à la tomate, et au chocolat, et aux montagnes, et aux fleuves de l’Amérique ? Hernan Cortés ? Francisco Pizarro ? Mais ceux qui vivaient là , étaient-ils donc muets ?

On nous a dit et on continue de nous dire que les émigrants du Mayflower sont venus peupler l’Amérique. Mais l’Amérique était-elle donc inhabitée ?

Comme Christophe Colomb ne comprenait pas ce que les Indiens lui disaient, il a cru qu’ils ne savaient pas parler.

Comme ils étaient nus, comme ils étaient pacifiques et comme ils donnaient tout en échange de rien, il a cru qu’ils n’avaient pas d’intelligence.

Et comme il était sûr d’être entré en Orient par la porte de derrière, il a cru qu’il était en présence d’Indiens de l’Inde.

Ensuite, au cours de son second voyage, l’Amiral a dicté un arrêté qui stipulait que Cuba était une partie de l’Asie.

Ce document est daté du 14 juin 1494 et il stipule que les équipages de ses trois caravelles reconnaissent que telle est la vérité et que quiconque osera soutenir le contraire sera condamné à cent coups de fouet, à dix mille maravédis d’amende et à avoir la langue tranchée.

Le notaire, Hernan Pérez de Luna, a signé l’acte et au bas de la page ont signé aussi les marins qui savaient signer.

Les conquistadors exigeaient que l’Amérique fût ce qu’elle n’était pas. Ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient, mais ce qu’ils voulaient voir : la fontaine de jouvence, la ville de l’or, le royaume des émeraudes, le pays de la cannelle. Et ils ont décrit les Américains comme ils avaient cru, auparavant, qu’étaient les païens d’Orient.

Christophe Colomb a vu, sur les côtes de Cuba, des sirènes avec des visages d’homme et des plumes de coq, et puis il a été convaincu que, non loin de là , les hommes et les femmes avaient tous une queue.

En Guyane, selon Sir Walter Raleigh, les gens avaient les yeux sur les épaules et la bouche au milieu de la poitrine.

Au Venezuela ; selon Frère Pedro Simón, il y avait des Indiens avec des oreilles si longues qu’elles traînaient par terre.

Sur les rives du fleuve Amazone, selon Cristóbal de Acuña, les natifs avaient les pieds à l’envers, avec les talons devant et les orteils derrière et, selon Pedro Martà­n de Anglerà­a, les femmes se mutilaient un sein pour pouvoir tirer à l’arc plus facilement.

Anglerà­a qui a écrit la première histoire de l’Amérique, mais qui n’y a jamais mis les pieds, a aussi affirmé que dans le Nouveau Monde il y avait des gens avec des queues, comme Christophe Colomb l’avait dit, et que leurs queues étaient si longues qu’ils ne pouvaient s’asseoir que sur des sièges percés.

Le Code Noir interdisait la torture des esclaves des colonies françaises. Mais si les maîtres fouettaient leurs noirs ce n’était pas pour les torturer, mais pour les éduquer et quand ils s’enfuyaient, ils leur coupaient les tendons.

Elles étaient émouvantes les lois des Indes qui protégeaient les indiens dans les colonies espagnoles. Mais bien plus émouvants encore étaient le pilori et le gibet plantés au centre de chaque Grand Place du Centre Ville.

Elle était rudement persuasive la lecture de la sommation qui à la veille de tout assaut livré à toute bourgade expliquait aux Indiens que Dieu était venu sur Terre et qu’il avait mis à sa place Saint Pierre et que Saint Pierre avait pour successeur le Saint Père et que le Saint Père avait fait don à la reine de Castille de tout ce territoire et que c’était pour cela qu’ils devaient quitter les lieux ou payer un tribut en or et que s’ils refusaient ou s’ils tardaient à s’exécuter bataille leur serait livrée et qu’ils seraient faits esclaves, eux, mais aussi leurs femmes et leurs enfants. Malheureusement cette sommation était lue en rase campagne, à l’extérieur du bourg, en pleine nuit, en langue castillane et sans interprète, en présence du notaire, mais sans la présence d’un seul Indien parce que les Indiens, à cette heure-là , ils dormaient à quelques lieues de là sans se douter le moins du monde de ce qui allait leur tomber dessus.

Jusqu’à il n’y a pas très longtemps, le 12 octobre c’était le Jour de la Race. Mais est-ce qu’une telle chose existe ?

Qu’est ce que la race ? Est-ce autre chose qu’un mensonge utile pour dépouiller et exterminer son prochain ?

En 1942, quand les Etats-Unis sont entrés en guerre, la Croix Rouge de ce pays a décidé que le sang noir ne serait pas accepté dans ses banques du sang. On évitait ainsi que le mélange des races, interdit au lit, se fît par voie d’injection. Mais quelqu’un a-t-il jamais vu du sang noir ?

Ensuite, le Jour de la Race est devenu le Jour de la Rencontre. Est-ce que les invasions coloniales sont des rencontres ? Celles de hier et celles d’aujourd’hui, ce sont des rencontres ? Ne faut-il pas les appeler plutôt des viols ?

Peut-être l’épisode le plus révélateur de l’histoire de l’Amérique est-il advenu en l’année 1563, au Chili. Le fortin de Arauco était alors assiégé par les Indiens ; la garnison n’avait plus ni vivres ni eau, mais le capitaine, Lorenzo Bernal, refusait de se rendre. Du haut de la palissade, il cria :

- Nous, nous serons de plus en plus nombreux !
- Avec quelles femmes ? demanda le chef indien.
- Avec les vôtres. Nous leur ferons des enfants qui deviendront vos maîtres.

Les envahisseurs ont appelé cannibales les anciens Américains, mais plus cannibale encore était le Cerro Rico de Potosà­ dont les puits de mine dévoraient de la chair indienne pour alimenter le développement du capitalisme de l’Europe.

Et on les a appelés idolâtres parce qu’ils croyaient que la nature est sacrée et que nous sommes tous frères de tout ce qui a des jambes, des pattes, des ailes ou des racines.

Et on les a appelés sauvages. Sur ce point au moins ils ne se sont pas trompés, car ces Indiens étaient tellement ignorants qu’ils ne savaient pas qu’il leur fallait demander un visa, un certificat de bonne conduite et un permis de travail à Christophe Colomb, à Cabral, à Cortés, à Alvarado, à Pizarro et aux émigrants du Mayflover.

Eduardo Galeano
Brecha


 Source : Rebellion www.rebelion.org

 Traduction Manuel Colinas



L’Amérique latine déclare son indépendance, par Noam Chomsky.

Mexique : une aussi longue ingérence US, par Comaguer.

Guatemala : Jacobo Arbenz, le digne humaniste, par Thibaut Kaeser.



Abracadabra. Pour ouvrir les portes, par Eduardo Galeano, + dix textes d’ Eduardo Galeano.

Eduardo Galeano est né à Montevideo, en Uruguay, il y a une soixantaine d’années. Il a fondé et dirigé plusieurs journaux et revues en Amérique latine . En 1973, il s’est exilé en Argentine avant de rejoindre l’Espagne. Il est retourné vivre en Uruguay en 1985.

Outre son oeuvre journalistique considérable, il est l’auteur de nombreux ouvrages dont plusieurs ont été publiés en français :

- Les Veines ouvertes de l’Amérique latine (Plon, 1999)
- Vagamundo (Actes sud, 1985)
- La Chanson que nous chantons (Albin Michel, 1977)
- La trilogie Mémoire du feu - Les Naissances, Les Visages et les masques, Le Siècle du vent (Plon 1985 et 1988)
- Jours et Nuits d’amour et de guerre (Albin Michel 1987)
- Une certaine grâce (Nathan, 1990)
- Amérique, la découverte qui n’a pas encore eu lieu (Messidor, 1992)
- Le Livre des étreintes (La Différence 1995)
- Le Football, ombre et lumière (Climats, 1998)











 Peinture : Margari


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Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières sur le pied de guerre. Si le peuple américain permet un jour aux banques privées de contrôler le devenir de leur monnaie, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, les banques et les compagnies qui fleuriront autour des banques priveront le peuple de tous ses biens jusqu’au jour où ses enfants se retrouveront sans toit sur la terre que leurs parents ont conquise.

Thomas Jefferson 1802

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