J’ai découvert les conséquences tragiques de la « soumission volontaire » à travers l’expérience de Milgram, réalisée en 1963 par le psychologue américain Stanley Milgram, pour évaluer le degré d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime. J’ai été frappée du degré de souffrance qu’un individu est prêt à infliger à quelqu’un qui ne lui a rien fait, uniquement parce qu’une autorité, qui se pare de la science, lui dit de le faire.
« L’expérience met en jeu trois personnages :
– un élève, qui s’efforce de mémoriser des listes de mots et reçoit une décharge électrique en cas d’erreur ;
– un enseignant, qui dicte les mots à l’élève et vérifie les réponses. En cas d’erreur, il envoie une décharge électrique destinée à faire souffrir l’élève ;
– un expérimentateur, qui représente l’autorité officielle, vêtu d’une blouse de laboratoire et sûr de lui.
L’expérimentateur et l’élève sont en réalité deux comédiens (seuls l’ignorent les personnes recrutées comme « enseignantes »).
Si certains « professeurs » ont refusé d’appliquer le plus haut niveau de souffrances à leurs « élèves », pratiquement aucun n’a refusé de se prêter à l’expérience.
L’obéissance à l’autorité nous est inculquée dès l’enfance dans nos sociétés patriarcales où les mères ne sont pas en reste. Personnellement, j’avais une peur bleue de mon père et ensuite de toutes les autorités, jusqu’à ce que j’en prenne conscience et que je me soigne ! Il n’en était pas de même dans les sociétés amérindiennes, par exemple, qui étaient généralement très tolérantes avec les enfants parce qu’elles comptaient plutôt sur la pression du groupe et la solidarité nécessaire à la survie pour inciter les enfants à respecter les règles et les traditions de la tribu. D’ailleurs, les Amérindiens n’avaient de chefs qu’en temps de guerre, et ces derniers étaient alors élus et remplacés dès qu’ils perdaient l’estime ou la confiance des leurs.
Le Conseil scientifique de Macron
Lorsqu’il est apparu que la gestion calamiteuse, voire criminelle, de la crise sanitaire commençait à susciter la colère dans le pays, Macron s’est doté d’un Conseil scientifique. Créé le 10 mars dernier, ces experts fantomatiques (on ne savait rien d’eux), ont servi de paravent à Macron, le 16 mars, pour annoncer le confinement (une privation de liberté dont la légalité était douteuse puisque décidée, en dehors de toute législation, par la Macronie) et le maintien des élections municipales, deux mesures contradictoires et difficiles à avaler. Il s’est abrité aussi derrière eux pour justifier l’injustifiable pénurie de masques. Comme le précise Jacques Monin sur France culture « Il les cite cinq fois, "Un consensus scientifique et politique s’est formé pour maintenir la premier tour des élections municipales" réaffirme-t-il notamment. "Nos décisions ont été prises sur la base de recommandations scientifiques" martèle-t-il. A l’écouter, on peut se demander si l’on n’est pas dans une cogestion de la crise. "Nous avons décidé avec les scientifiques de réserver les masques en priorité pour l’hôpital et la médecine de campagne" explique le Président. Quant à la suite de la crise, "en lien avec les éclairages donnés par les scientifiques" dit-il, "Il faudra nous adapter".
Comme dit le philosophe et sociologue Geoffroy de Lagasnerie dans l’émission « Interdit d’interdire » de Frédéric Taddei : « Quand un État ne peut pas gérer les choses en termes de prévention, il les gère en termes de répression ». Il est symptomatique, à cet égard, que le gouvernement ait lancé, début mars, des commandes de gaz lacrymogène plutôt que des tests de coronavirus.
Puis, s’en sont suivi l’instauration, le 23 mars, d’un état d’urgence sanitaire sans dies ad quem, qui selon l’aveu même du Monde « bouscule l’état de droit », puis la répression policière et la pluie d’amendes, notamment dans les quartiers populaires, et enfin les « dérogations » au droit du travail et au droit pénal. Tout cela avec la bénédiction du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État, des institutions supposées nous protéger contre ces soi-disant « aménagements, assouplissements, dérogations », qui sont en réalité des violations de nos droits et/ou de la Constitution qui bouleversent et parfois détruisent la vie des Français.
C’est d’autant plus regrettable qu’une grande partie de tout cela aurait pu être évité. Selon Frédéric Bizard, le président de l’Institut de santé, malgré le peu de létalité du virus, la panique s’explique par deux facteurs : la méconnaissance du risque (on ne connait pas le virus) et l’incontrôlabilité du risque (on n’a pas de vaccin). Toutefois, notre confinement est « un des plus stricts, des plus infantilisants et des plus longs ». Le confinement général qu’on impose aux Français est, selon lui « une stratégie de dernier recours, une approche médiévale ». La Suède, le canada, l’Allemagne et les pays d’Asie n’ont pas confiné leur population. Ces pays ont réussi à contrôler l’épidémie grâce à des dépistages massifs. Pour Geoffroy de Lagasnerie, le choix de la Macronie s’apparente à une forme de « rituel d’expiation sacrificielle ». Apparemment, nous expions leur incurie.
Cela va de pair, me semble-t-il, avec une polarisation sado-masochiste de la population française. On sait que chaque fois qu’une population ou une minorité est dépouillée de ses droits et/ou en position de faiblesse institutionnelle, cela favorise les tendances sadiques de ceux qui ont la main sur elle. « Le sadisme et le mal pervers existent à l’état latent chez tout le monde, susceptibles d’être réveillés et activés dans les situations extrêmes. » La vulnérabilité des uns réveille les tendances sadiques des autres.
C’est certainement une des composantes de l’expérience de Milgram. Et c’est une des composantes de plus en plus visible de notre société. On voit avec quelle joie cruelle la Macronie, sa police et sa justice se lâchent contre les opposants, les SDF, les immigrés, les quartiers populaires, derrière le panache blanc du préfet Lallement. On le voit dans la progression de la méfiance, de la surveillance, de la délation. On le voit dans les pressions perpétuelles et décomplexées des dominants pour plus de contrôles, plus d’interdictions, plus de durcissement, plus de répression, et toujours moins de liberté pour le peuple. Et pourquoi s’en priveraient-ils ? Le Conseil scientifique, la haute-administration, l’UE, l’OTAN, le Conseil Constitutionnel et tous les corps d’État trouvent cela très bien...
Et évidemment cela déteint sur nous. Cela réveille le flic en chacun de nous. On se met à surveiller ses voisins, on va même jusqu’à dénoncer ceux qui, à nos yeux, ne respectent pas assez bien le confinement. Et pourquoi nous en priverions-nous ? La police, les médecins et les éditorialistes qui squattent les plateaux de TV et passent leur temps à attiser les peurs, nous y encouragent vivement...
Ils sont si contents de nous tenir enfermés, à leur merci, que s’ils n’avaient pas besoin de nous pour faire tourner le pays et faire fructifier leur capital, ils ne nous relâcheraient pas de sitôt !
La situation devient dangereuse. Beaucoup craignent que les possédants ne profitent de cette crise pour instaurer une forme de dictature au service des « forces économiques fascisantes » (une expression de Geoffroy de Lagasnerie), qui constituent l’Etat profond de beaucoup de pays, dans cette période de recomposition géopolitique. Leurs techniques de répression et de reprise en main sont très au point. Elles ont été perfectionnées dans les colonies et, si Israël est en pointe dans ce domaine, c’est justement parce que son occupation de la Palestine lui permet de tester son armement et ses techniques de répression et de surveillance sur les Palestiniens. L’Union Européenne s’apprête d’ailleurs, toute honte bue, à installer des logiciels espions israéliens dans tous nos iPhones.
La désobéissance civile
La soumission volontaire n’est plus de mise. Il faut se lancer dans la désobéissance civile. Elle n’a pas besoin d’être violente. Gandhi a libéré l’Inde de la colonisation anglaise sans tirer un seul coup de fusil, simplement en désobéissant au pouvoir colonial.
Plus près de nous, Jérôme Baschet cite l’expérience des zapatistes au Mexique. Alors que, à l’instar de beaucoup de chefs d’état de l’occident, Andrés Manuel Lopez Obrador, prenait la situation à la légère, « les zapatistes du Chiapas ont surpris par la précocité et la clarté de leur réaction. Dans son communiqué du 16 mars, l’EZLN déclare l’alerte rouge dans les territoires rebelles, recommande aux conseils de bon gouvernement et aux communes autonomes de fermer les caracoles (centres régionaux) et invite les peuples du monde à prendre la mesure de la gravité de la maladie et à adopter « des mesures sanitaires exceptionnelles », sans pour autant abandonner les luttes en cours ... C’est aux communautés elles-mêmes qu’il est revenu de prendre les décisions qu’elles considéraient pertinentes, en fonction de la situation particulière de chaque lieu. Cette expérience – qui n’est assurément pas la seule en son genre et qui s’est sans doute reproduite dans bien des régions où les traditions communautaires amérindiennes restent fortes – permet de mieux se représenter ce que pourrait être une organisation de santé populaire et auto-organisée. »
En France, Bernard Friot, économiste et sociologue, prône la désobéissance dans les entreprises et la résistance de la base contre les directions. Interviewé par Benoit Delrue, co-réalisateur du film Un Pognon de dingue, il explique qu’il faut mettre la retraite à 50 ans, car c’est l’âge auquel les travailleurs sont rejetés du marché de l’emploi. Ces jeunes retraités, en pleine possession de leurs moyens professionnels et dotés de leur allocation de retraite, pourraient alors, soit :
– Travailler dans des associations ou des Scops qui n’auraient à payer que leurs cotisations. Ce qui permettrait « de sortir de la marginalité toutes les entreprises dans lesquelles il n’y a pas de pression du Capital, parce qu’elles sont alternatives à la logique capitaliste, mais qui sont menacées de récupération, de rachat par des groupes capitalistes.
– Rester dans leur entreprise pour se charger de l’auto-organisation des travailleurs. Comme les délégués syndicaux non-licenciables, ils seraient des salariés protégés, et pourraient organiser la résistance aux Directions, au New public management dans les services publics, au management dans les entreprises capitalistes ...
Voilà, conclut Bernard Friot, une proposition pour une offensive née de la conscience claire avec le coronavirus que nous ne pouvons plus fonder notre vie commune sur le capitalisme ... Les travailleurs sont conscients que le travail concret est au cœur de leur existence et ils souffrent de ne pas en avoir la maîtrise. Donc il s’agit, entreprise par entreprise, d’organiser cette maîtrise de leur travail ... Il s’agit que, au quotidien, nous soyons dans la désobéissance aux directions des entreprises ou des services publics. C’est un premier point... La question de la conquête de la démocratie politique est aussi à l’ordre du jour car la Vième République, organisée autour d’un « génie », est incapable de gérer une crise, à la différence des communes qui, elles, fonctionnent très bien dans cette situation.
Il est clair qu’en France, l’Etat, dans sa forme actuelle, est soit impotent, soit nuisible, soit les deux. Les communautés locales et les personnels ont beaucoup mieux géré la crise que l’Etat, dont presque toutes les interventions ont été catastrophiques. Malgré les plaintes qui s’accumulent (selon Fabrice Di Vizio, il y en aurait désormais 28 !), la Macronie semble avoir repris pied. Puisque le peuple vit heureux confiné et que la base s’occupe de la pandémie, elle a pu retourner se consacrer à ce qu’elle fait de mieux : pondre des ordonnances. Par contre, la médecine scientifique n’a pas encore refait surface. Comme le note Olivier Glardon, dans un article intitulé L’hydroxychloroquine, enjeu d’une lutte de pouvoir ? : « Face au déferlement du SARS-CoV-2, la médecine scientifique a fait preuve d’une incompréhensible sidération. Plus de trois mois après les premiers cas, aucune directive de traitement fiable n’est à disposition au niveau mondial. Chaque unité hospitalière a développé ou réactivé dans l’urgence ses propres procédures de soins, plus empiriques que fondées sur des évidences expérimentales. » A quoi nous servent les trois Hauts-conseils, le Conseil scientifique, toutes ces agences de santé surpeuplées de haut-fonctionnaires surpayés ? A rien ! Là aussi, c’est la base qui fait face, via le système D et le surmenage, en suivant l’exemple du professeur Raoult.
Partout, en effet, ce sont les élus locaux, les soignants, les travailleurs les plus méprisés, les plus mal payés, les bénévoles, bref tous ceux que la Macronie ne voit même pas, qui ont pallié au désarmement sanitaire et à toutes les carences de l’Etat. La crise n’était pourtant pas une fatalité. Si la Macronie avait écouté les personnels hospitaliers, les Gilets jaunes, les syndicats, les travailleurs, tous ceux qui se sont battus pour les retraites, les chômeurs, les sans-papiers, le pays aurait été prêt et nous ne serions pas confinés ad aeternam, sans même un plan de sortie du confinement.
Tout le pays voit cela et la Macronie et son aréopage de technocrates aussi prétentieux qu’incompétents ont perdu le peu de crédibilité qu’il leur restait. Du coup, on voit se multiplier les actes de désobéissance. Clamant « Les masques contre le coronavirus ne seront pas nos baillons », des scientifiques enjoignent à la désobéissance civile pour le climat et se retrouvent en garde à vue. A Marseille on teste tous ceux qui le souhaitent, sans se soucier de ce que dit l’Establishment médical. Des médecins prescrivent l’hydroxychloroquine en catimini. Une maison de retraite organise des visites, malgré l’interdiction officielle. Des vacanciers profitent de la nuit pour délocaliser leur confinement à la campagne au grand dam du maire. Et il y a fort à parier que les parents ne renverront pas leurs enfants à l’école le 11 mai comme l’a demandé Notre père qui est à l’Elysée !
Espérons que nous ne nous arrêterons pas là ! Espérons que le coronavirus nous aura fait prendre conscience de notre pouvoir, de notre force, de nos capacités, « en même temps » que de l’inutilité et, somme toute, de la fragilité de cette classe de parasites qui nous opprime et nous suce le sang depuis tant d’année ! Espérons que nous ne retournerons pas docilement travailler comme des esclaves pour augmenter leur richesse ! Espérons que les travailleurs s’organiseront pour reprendre en autogestion les centaines de petites entreprises qui ne manqueront pas de faire faillite en 2020 (on s’attend à une hausse de 25% du nombre de faillites) à cause de l’inertie, de la dévotion criminelle au CAC 40, et de la stupidité de notre haute-bureaucratie digne de l’Union soviétique !
Espérons que nous nous unirons pour résister, désobéir, reprendre le pouvoir sur nos vies et sur la vie du pays et construire une société libre et juste, une société respectueuse de la nature et de l’humain !