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Lombart, le PDG de France Télécom qui ne soignait pas les "épidémies" de suicides, est innocent.

Comme Jacques Verges, qui refusait que l'on juge Massu et Bigeard sans, avant eux, condamner Mollet et Mitterrand, le soldat Lombart, ex-garde chiourme à France Télécom rendu responsables des multiples suicides de ses employés, est innocent. Ou presque.

Enfin la vérité sur les suicides de France Télcom

Le 21 décembre dernier Didier Lombard, PDG de France Télécom, a décidé de faire appel de la condamnation qui le frappe, après les suicides en série observés dans son entreprise. Au nom de la défense des Droits de l’Homme – noyau français et sacré – nous pensons que Lombard est innocent. Et qu’il doit être défendu tout autrement. Nous glissons donc quelques conseils à son conseil, vedette des prétoires, afin qu’il obtienne sans peine la relaxe que son client mérite....

Lettre ouverte à Maître Jean Veil

Petits conseils à un grand maître

Maître,

Ne sachant rien du droit, ni d’ailleurs du tordu, nous sommes présomptueux en nous adressant à vous, ténor qui vocalise au barreau,. Nous savons aussi le poids que, vous et votre famille, jouent dans la République, tout du moins dans la fraîche écume de son histoire. Et l’honneur premier de Simone Veil reste d’avoir, en son temps alors qu’elle était magistrate, épargné un surplus de souffrance à certains prisonniers algériens, membres du FLN.

Le 21 décembre le jugement est donc « tombé », puisque les décisions de justice, comme la pluie et les feuilles, « tombent ». France Télécom est condamné à une amende de 75 000 euros et ne fera pas appel. Didier Lombard, et deux de ses sous fifres, sont déclarés coupables de « harcèlement moral institutionnel ». Cela nous apparait inadmissible, c’est une décision inique.

Vous avez eu raison de faire appel mais nous vous conseillons de changer de défense. Il vous faut plaider « coupable », il vous sera ensuite facile de démontrer que Didier Lombart n’est qu’un rouage dans cette histoire, et pourrait même passer pour une victime.

Regarder Lombard et son air de mal décoffré. Ce n’est qu’un second couteau, un porte-flingue, le chef d’atelier de décisions qui le dépassent. Par sa « gestion » il participait, dit la justice, à une politique de « harcèlement » qui provoquait la mort... Très bien, mais c’est à la Virenque, à l’insu de son plein gré. Au travail comme un bœuf à la charrue, il ne s’est rendu compte de rien, d’aucune malice.

Nous vous faisons maintenant confiance pour démontrer aux magistrats que cet homme sans imagination, comme il en d’autres « sans qualités », n’a fait qu’appliquer la loi, celle du capital. Comment le lui reprocher ? Le monde des affaires est peuplé de ces « yes mens » comme le CAC40 les aime. On ne peut juger Bigeard ou Massu sans juger Guy Mollet et François Mitterrand, on ne peut condamner Lombart sans condamner la clique, la chaine de commandement qui a programmé le drame. En mettant en exergue l’exemplaire carrière de Lombart, en tant que fantassin du marché, vous renvoyez l’accusation vers cette dernière et épargnez par-là votre client si injustement frappé.

Levez la tête, Maître, c’est la tectonique idéologique qui a entrainé ce Pdg à commettre l’irréparable. Même le très précieux Wikipédia en convient, les suicidés de France Télécom sont une des conséquences de l’ouverture à la concurrence, ou pour reprendre les mots de l’encyclopédie « la transformation de son métier de fournisseur de service public en situation de monopole à celui de prestataire de services aux consommateurs, sur un marché en concurrence s’est faite... avec certaines difficultés ».

Pratiquez une défense de « rupture », désignez les vrais coupables... Là se tient votre future victoire.

Vous devriez convoquer à la barre les présidents successifs de France Télécom. Les deux derniers ont acculé Didier Lombart à cette politique criminelle. Pour commencer, Thierry Breton est un bon candidat. Auréolé de son titre tout neuf de Commissaire européen au Marché intérieur, il serait, toujours d’après Wikipédia, à l’origine des « tensions » qui se sont manifestées chez l’opérateur. Pendant sa présidence d’octobre 2002 à février 2005, France Télécom a été privatisé, et c’est lui qui a lancé le changement de stratégie, celle « poursuivie par Didier Lombard ». Vous pourriez aussi convoquer à l’audience Michel Bon, un autre personnage clé de l’époque. Voilà du beau poisson, du gros, de l’inspecteur des Finances grand cru, artiste discret mais qui est l’homme à l’origine de « l’ouverture à la concurrence », à l’origine aussi du plan N. Et cet ancien président de Carrefour a été choisi pour ça, pour « flinguer les coûts ». Breton et Lombard deviennent inconsistants, des lampistes tout au plus.

Mais de qui ces éradicateurs détiennent-ils leur pouvoir ? Qui est chargé de les contrôler ? Montez d’un barreau. Tous les gouvernements récents sont impliqués dans le drame. Michel Bon, le mal nommé, a été à la fois adoubé par Juppé et DSK. En homme du sérail vous savez que les gouvernements jouent un rôle actif dans le système, même quand ils se proclament « socialistes », ils sont sans honte les défenseurs de la libre entreprise. En 1996 Alain Juppé, et son ministre des finances Jean Arthuis, ont laissé transformer le statut de l’entreprise en société anonyme, permettant la privatisation de l’entreprise. Dans la foulée, en 1997, le gouvernement « de gauche » de Lionel Jospin et DSK, a pris l’initiative de privatiser « France Télécom ». La presse, celle qui convient, a même jugé alors que c’était mesure était « une grande réussite ». Le temps de mettre en œuvre la machine et, finalement, ce sera à Jean-Pierre Raffarin d’achever la démolition sous les bravos de Nicolas Sarkozy alors patron de Bercy.

Maître, nous connaissons votre déontologie, celle qui vous interdit de mettre en cause vos clients. Il y a dans cette liste des prédateurs de France Telecom, un certain nombre d’entre eux. DSK, Sarkozy pour ceux que l’on connaît. Il vous semble difficile de les faire traduire devant la Cour ? Ne vous faites pas de bile, grimpez encore.

DSK, Juppé et Jospin ne sont que fretin menu sur l’échelle des coupables. Eux aussi ont obéi aux ordres, ceux de l’Europe, l’oukase de la « politique concurrentielle ». Et là on entre dans le dur, ou dans l’éther. Faites venir au tribunal les responsables de la « préservation et la promotion de la concurrence loyale ». Cette « concurrence loyale et non faussée », que les Français, lors du référendum de 2005, ont refusée mais que l’Europe a fait entrer par la porte dérobée.

En 2013 cette institution a pris l’initiative de mettre le marché des télécommunications en situation de concurrence totale. Elle ne peut se proclamer « responsable mais pas coupable ». Tout part d’un traité trop souvent oublié, l’Acte unique de 1987. Jacques Delors croise alors l’enthousiasme du MEDEF européen, l’European Round Table, et relance la concurrence au niveau du vieux continent. L’Angleterre de Margaret Thatcher applaudit, suivit par Helmut Khol, rien que des politiciens connus pour l’amour qu’ils portent au sort des ouvriers et employés, à l’art du bien vivre ensemble.

Encore un barreau de monté, mais n’ayez crainte, l’Europe n’est pas en cause, votre maman peut dormir en paix parmi les grands hommes, vous n’aurez pas à mettre en cause tout ce beau linge. Le vrai coupable est encore un barreau plus haut. « L’ordo libéralisme » en forçant la concurrence est responsable de « l’épidémie » des suicides de France Télécom. En solo elle guide l’Europe depuis les années 1980, depuis l’Acte Unique de Delors, depuis cette nouvelle capitulation de la France face à l’Allemagne. Une autre Europe est possible mais il faudra sortir de cet ordo-libéralisme, de cette mise en concurrence systématique.

L’enchaînement de cette politique criminelle est alors mis à nue. Le responsable des suicides, de la privatisation de France Télécom et du morbide NEXT, sont nommés. Il faut le chercher là et non dans le cerveau coincé d’un Lombard. L’imposition de la concurrence par la force est le coupable à condamner. L’ordolibéralisme et l’Acte Unique nous a conduit à ce monde de deuil et de larmes.

Lombard, votre malchanceux client, est un lampiste. Si vous savez y faire il sera donc acquitté.

Recevez, Maître, l’expression de nos sentiments éplorés.

Jacques Marie Bourget et Bertrand Rothé

PS. Si votre conviction n’est pas faite, lisez L’Europe sociale n’aura pas lieu de François Denord et Antoine Schwartz. Ce petit livre est facile à lire, pas très cher et il peut vous inspirer.

Et lisez bien sûr, une Bible en la matière, l’ouvrage d’Annie Lacroix-Riz, statue du Commandeur en ce domaine : Aux origines du carcan européen (1900-1960) : La France sous influence allemande et américaine. Editions Delga.

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Daniel Santiago,prêtre salvadorien
cité dans "What Uncle Sam Really Wants", Noam Chomsky, 1993

Commandos supervisés par Steve Casteel, ancien fonctionnaire de la DEA qui fut ensuite envoyé en Irak pour recommencer le travail.

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