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La Russie exhibe ses nouvelles armes et dit aux États-Unis "Reviens sur terre"

Dans son discours annuel devant l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, le Président Poutine a parlé des progrès accomplis par son pays et décrit les objectifs politiques russes. L’essentiel du discours a été consacré aux développements économiques et sociaux internes à la Russie.

La dernière partie du discours de deux heures (vidéo, traduction simultanée en anglais) portait sur la nouvelle manière de l’armée russe de répondre à l’empiètement des États-Unis sur les frontières de la Russie et au système global de défense antimissile américain. Poutine a annoncé la fabrication et le déploiement de nouveaux types d’armes stratégiques qui, à elles toutes, rendront caduques les systèmes de défense antimissile des États-Unis. Cette partie du discours qui dure trente minutes commence à 1h18.

En 2007, M. Poutine a pris la parole à la Conférence de Munich sur la sécurité et a critiqué la volonté étasunienne de créer un monde unipolaire :

Qu’est-ce qu’un monde unipolaire ? On a beau essayer d’idéaliser le terme, au bout du compte, il s’agit bien d’une situation concrète spécifique, à savoir un seul centre d’autorité, un seul centre de force, un seul centre de décision.

C’est un monde dans lequel il y a un seul maître, un seul souverain. Et au bout du compte, c’est néfaste non seulement pour tous ceux qui font partie de ce système, mais aussi pour le souverain lui-même parce qu’il se détruit de l’intérieur.

En 2002, les États-Unis ont dénoncé unilatéralement le traité antibalistique ABM de 1972. En 2004, les États-Unis et l’OTAN ont inclus la défense antimissile mondiale dans les exercices de leurs forces nucléaires stratégiques. Depuis lors, la Russie n’a pas cessé de les prévenir qu’elle allait se trouver dans l’obligation de réagir à ces développements. 

L’entrée en vigueur du traité ABM avait engendré la stabilité en garantissant la Destruction mutuelle assurée (MAD) des armes nucléaires. Si l’un des camps lançait des missiles intercontinentaux nucléaires sur l’autre camp, il riposterait avec ses propres missiles. Ainsi, les deux États seraient détruits. Avec le MAD aucun des deux camps n’avait intérêt à déclencher une guerre nucléaire.

Avec un bouclier antimissile, l’équilibre des forces change. Une première frappe devient possible parce que le bouclier antimissile peut bloquer la frappe de représailles. Après avoir dénoncé l’accord ABM, les États-Unis n’ont cessé de renforcer leur défense antimissile, menaçant ainsi la survie de la Russie :

« Le système antimissile balistique américain comprend un groupe naval. Pour autant que nous le sachions, Il s’agit de cinq croiseurs et de 30 destroyers, déployés dans des zones situées à proximité immédiate du territoire russe », a déclaré Poutine dans son allocution aux parlementaires russes jeudi.

Le président a également dit que la portée des missiles de ce système ne ferait qu’augmenter, et que d’autres déploiements sont prévus au Japon et en Corée du Sud.

De plus, les États-Unis n’ont manifesté aucun désir de renouveler les deux seuls accords de contrôle des armes stratégiques encore en vigueur. Le Traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire (INF) prendra fin en 2019 et le traité New START*, qui limite le nombre d’ogives nucléaires et de vecteurs déployés, expire en 2021.

La semaine dernière, l’administration Trump a présenté la « 2018 Nuclear Posture Review  », dans laquelle on trouve plusieurs éléments nouveaux susceptibles de provoquer une escalade vers une nouvelle guerre nucléaire :

En résumé, les États-Unis construisent une nouvelle génération d’armes nucléaires et de vecteurs, ils déploieront davantage d’armes nucléaires dans les zones « avancées », continueront de se réserver la possibilité d’une « première frappe » avec des armes nucléaires, même contre des attaques non nucléaires, pour défendre 30 pays, ils maintiendront des missiles en état d’alerte active et prêts à être lancés, ils doutent que le contrôle des armements puisse s’améliorer et ils sont hostiles au mouvement mondial pour rendre illégales les armes nucléaires.

La nouvelle doctrine consistant à répondre par la force nucléaire à une attaque non nucléaire sur les systèmes étasuniens d’alerte, de commandement et de contrôle a un effet déstabilisant qu’il convient de souligner.

Le président Poutine a réagi à ces décisions par une forte mise en garde et une nouvelle offre de pourparlers :

« Je crois qu’il est de mon devoir de dire que toute utilisation d’armes nucléaires, qu’elles soient de faible, moyenne, ou n’importe quelle puissance, contre la Russie ou ses alliés sera considérée comme une attaque nucléaire contre notre pays. Les représailles seront instantanées avec tout ce que cela implique », a dit M. Poutine pour se faire applaudir par son l’auditoire.

Il a ajouté que « personne ne devait avoir le moindre doute là-dessus ». Poutine a aussi mis en garde contre la création de nouvelles menaces sur le monde, et a proposé « au contraire, de s’assoir à la table des négociations pour réfléchir à un système de sécurité internationale et de développement durable de la civilisation adapté aux temps présents et à venir ».

Les nouvelles armes que Poutine a présentées ont pour objectif de rendre le bouclier antimissile balistique américain caduc, et par conséquent de rétablir la stabilité que la Destruction mutuelle assurée (MAD) garantissait.

Pendant le discours, de courtes vidéos montrant les nouvelles armes ont été présentées.

La Russie a déjà modifié ses missiles balistiques intercontinentaux actuels pour triompher de certaines caractéristiques du bouclier antimissile (ABM), mais elle ne peut pas les rendre invulnérables.

Poutine a annoncé la production d’un nouveau missile intercontinental SARMAT d’une portée sans précédent. Lancé à partir de la Russie, il peut atteindre le continent américain de n’importe quelle direction, même par le pôle sud, et rendre ainsi caduque toute défense antimissile concentrée comme celle de l’Alaska. Le missile est énorme, il a une charge utile(?) un poids total de 200 tonnes, et ses ogives multiples sont manœuvrables.

Le second système d’armement qu’il a présenté est un missile de croisière à propulsion nucléaire qui rend pratiquement caduc tout système antimissiles. L’air froid qui pénètre dans le missile à l’avant est chauffé à blanc par un réacteur nucléaire spécial, il ressort à l’arrière et donne au missile un énorme élan. (Au début des années 1960, les États-Unis avaient un programme de développement d’un tel missile nucléaire supersonique de basse altitude (SLAM), mais il a échoué.

Poutine a décrit la nouvelle arme dans son discours :

« Un missile de croisière furtif, volant à basse altitude, doté d’une ogive nucléaire, ayant une portée pratiquement illimitée, une trajectoire imprévisible et capable de contourner les systèmes d’interception, est invulnérable aux systèmes de défense antiaérienne et antimissile existants et à venir ». », a déclaré Poutine.

A la fin de l’année 2017, la Russie a réussi le lancement du plus nouveau missile de croisière à propulsion nucléaire, sur le terrain d’essai central, a-t-il poursuivi.

Il est intéressant de noter que ni l’armée étasunienne, ni les services d’espionnage n’ont pipé mot de ce système ou de son test. Aucun pays n’a un système aussi performant que celui de la Russie.

Le nouveau drone sous-marin super rapide Status 6 ou Kanyon a aussi un système de propulsion nucléaire. Il y a eu des fuites (intentionnelles ?) sur sa fabrication en 2015. Sa fonction est de détruire des groupes de porte-avions et/ou des ports entiers.

La nouvelle torpille et les nouveaux missiles de croisière transporteront tous deux des ogives nucléaires.

Le quatrième système d’armement que Poutine a annoncé est un missile de croisière supersonique appelé Kinzhal qui, a-t-il dit, a été testé avec succès et est déjà installé dans le secteur oriental de la défense russe. Le missile est manœuvrable et vole à dix fois la vitesse du son avec une portée de 2 000 kilomètres. Il peut être armé d’ogives conventionnelles ou nucléaires. Les forces américaines au Moyen-Orient devraient en prendre bonne note.

Poutine a parlé de deux autres systèmes d’armement qui sont encore en cours de développement. L’un est le planeur hypersonique ultra-manœuvrable « Avangard » qui vole au-delà de la stratosphère à vingt fois la vitesse du son et descend sur ses cibles « comme une météorite ». Une autre arme qu’il a montrée dans une courte vidéo est un système laser de défense aérienne au sol. Les États-Unis et plusieurs autres pays sont actuellement en train de mettre au point des armes similaires.

Poutine a redit que ces armes étaient conçues pour contrer la tentative des États-Unis de dominer la Russie. Avec le déploiement de ces armes, la défense antimissile étasunienne ne sert plus à rien :

M. Poutine a noté que des mesures hostiles à la Russie comme le déploiement du système de défense antimissile et la mise en place d’une infrastructure de l’OTAN près des frontières russes, étaient devenues inopérantes militairement et hors de prix financièrement. « Tout cela n’a plus aucun intérêt pour ceux qui l’ont fait ou qui s’en occupent », a-t-il conclu.

Les médias « occidentaux » qualifieront le discours de Poutine et l’annonce des nouvelles armes « d’agression russe » et diront qu’il « menace de lancer une course aux armements ». Mais ce n’était pas du tout ça. C’était la réponse russe à 20 ans d’agression américaine et de déploiement unilatéral d’armement. C’est la réponse à l’empiétement de l’OTAN sur la frontière russe et à la tentative de rompre l’équilibre des forces que la Destruction mutuelle assurée avait garanti. C’est la réponse que Poutine avait annoncée il y a onze ans à Munich.

Il faudra du temps pour que « Washington » comprenne ce que Poutine veut dire.

Regarde les choses en face, dit-il. Il n’est plus possible de maintenir un monde unipolaire. La défense antimissile ne sert plus à rien. Il est temps de se parler et de

conclure de nouveaux accords sur les armes stratégiques et autres problèmes. Ou comme il le dit lui-même :

« J’espère que tout ce qui a été dit aujourd’hui va ramener les agresseurs potentiels sur terre. »

Moon of Alabama

Mise à jour :

La traduction officielle anglaise du discours est maintenant disponible.

Note :

* (« START » pour Strategic Arms Reduction Treaty, russe : СНВ-III)

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.moonofalabama.org/2018/0...
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