RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Reporters Sans Frontières et le journaliste martyr de Guantanamo


Sami al-Hajj



3 février 2005


Arrêté en 2001, le journaliste soudanais Sami Al-Haj est incarcéré à Guantanamo sans que quiconque sache pourquoi.

Le 20 septembre 2002, RSF « demande aux autorités américaines d’apporter dans les meilleurs délais des explication sur l’arrestation en décembre 2001 de Sami Al-Haj. »

« Sans préjuger des motifs pour lesquels le journaliste a été arrêté », RSF rappelle insidieusement en queue de cette requête affable et calme, que le journaliste travaillait pour la chaîne Al Jazira « qui a publié à plusieurs reprises des enregistrements vidéos de Ben Laden. »

RSF laisse patiemment passer les années 2003 et 2004 et, n’ayant pas reçu de réponse, repose poliment la question le 27 janvier 2005 : « L’organisation demande aux autorités américaines d’expliquer les motifs de la détention à Guantanamo d’un caméraman d’Al Jazira, Sami Al-Haj, ou de procéder à sa libération immédiate. »


Que s’est-il passé entre l’arrestation de Sami Al-Haj et la deuxième question courtoise de RSF au geôlier ? Peu de choses, en vérité :

1) Quelques dizaines de journalistes on perdu la vie un peu partout dans le monde et principalement quand ils se trouvaient à proximité de soldats de l’armée des USA. Du coup, RSF a déployé une virulente campagne de défense de la profession, cadenassant les grilles de l’Ambassade de Cuba à Paris, distribuant des prospectus contre le tourisme sur l’île, traficotant la photo de Korda pour transformer le Che en CRS, organisant contre Cuba un meeting dans un théâtre des Champs-Elysées, produisant des pubs anti-castristes à la radio, dans les journaux, des clips à la télé, écrivant (en 2001) au président de l’Europe pour qu’il s’engage « personnellement » dans une action visant à renverser le gouvernement cubain, se félicitant du coup d’Etat contre Chavez, s’émouvant du confort spartiate dans les prisons cubaines, empochant des subventions de toutes provenances (pas seulement de l’UE).

Au centre des préoccupations de RSF, les « journalistes » cubains de Radio Marti, une station de radio basée à Miami et lancée par les Etats-uniens. A coup de millions de dollars, elle émet à partir d’avions qui tournent en permanence autour de Cuba. En violation des lois internationales sur les communications, elle utilise des fréquences attribuées à Cuba et diffuse une propagande effrénée (justifiant le blocus) et des fausses nouvelles visant ouvertement à préparer l’instauration d’un gouvernement sous protectorat US dans l’île. Les Cubains qui, moyennant salaire, travaillent pour Radio Marti tombent sous le coup de la loi 88 sur « la protection de l’indépendance nationale et de l’économie de Cuba ». Gillermo Fariñas, dont RSF fait sa une ces jours-ci est un de ces mercenaires qui préparait l’irakisation de l’île avant d’être incarcéré.


2) Pendant ce temps, le journaliste de la chaîne de télévision qatarie subissait des tourments variés : abusé sexuellement par les soldats nord-américains, torturé pendant de longs mois, obligé de se mettre à genoux à même le sol pendant des heures, harcelé par des chiens, enfermé dans une cage, les cheveux et les poils de sa barbe arrachés un à un par ses bourreaux, régulièrement passé à tabac, privé d’eau pour se laver pendant près de 100 jours, le corps couvert de poux, enchaîné et bâillonné avec un sac sur la tête, maintenu éveillé, frappé au moindre endormissement, jeté du haut d’un escalier et se blessant sérieusement à la tête, privé des médicaments pour un cancer de la gorge dont il avait souffert en 1998, il s’est mis en grève de la faim, en attendant sans doute que RSF laisse son flegme au vestiaire quand elle interroge les bourreaux [1] .

Le malheureux Sami Al-Haj a également disparu des rapports annuels 2004 et 2005 dans lesquels RSF liste TOUS les journalistes emprisonnés dans le monde.


3) Des démocrates français se sont demandés si le comportement de RSF ne dénotait pas d’un léger parti pris doctrinal, peut-être aiguillonné par des dollars octroyés par deux officines liées à la CIA.

Réponse indignée sur le site de RSF le 6 juillet 2005 : « Cuba ne fait l’objet d’aucun traitement spécial de la part de Reporters sans frontières. Notre organisation dénonce les violations de la liberté de la presse partout dans le monde, sans considération idéologique ou politique. [...] Les seules subventions que nous percevons en provenance des Etats-Unis sont celles des fondations Center for a Free Cuba et National Endowment for Democracy (NED) » (sans commentaire pour la première. La NED a oeuvré avec succès à la chute de gouvernements démocratiques en Amérique latine et notamment au Nicaragua).


Puis, pour bien se contredire et marquer ainsi dans quelle estime il tient ceux qui l’écoutent, Robert Ménard a envoyé le 31 janvier 2006 une lettre ouverte à la présidence de l’Union européenne. Sujet : Cuba ! Il lui demande de reprendre des « démarches diplomatiques en faveur des droits de l’homme et [de] soutenir la dissidence dans l’île ».

Il s’inquiète pour des « journalistes » arrêtés en 2003. Ils « vivent dans des conditions de détention intolérables et nombre d’entre eux, gravement malades, n’ont pas accès aux soins essentiels. » (Ce qui est faux. Note de l’auteur). « Alors que les Vingt-Cinq s’apprêtent à débattre de leurs relations avec l’île, Reporters sans frontières tient à vous faire part de son désarroi et de son indignation » (oh ! il perd le calme dont il nous avait régalé pour Sami Al-Haj).

Ménard appelle l’Union européenne à « une plus grande mobilisation... » et « à reconsidérer sérieusement la position de l’UE vis-à -vis de Cuba » et cela, « au nom de la défense de l’universalité et de l’indivisibilité des droits de l’homme qui constitue un des principaux objectifs de l’UE... » (bien entendu, il ne fait ici aucune allusion inconvenante à Guantanamo, Bagram, Abou Ghraib, ni aux prisons secrètes externalisées, dont certaines sur le sol de l’UE). « Ce principe doit tenir lieu de préalable à toute initiative de dialogue avec les autorités cubaines. » (mais pas US, cela va sans dire). Pour finir, Ménard regrette le gel « des sanctions européennes » à l’encontre de Cuba.


Au lecteur de choisir entre ces deux conclusions :

1) RSF est une « ONG » dont le but n’est pas le renversement des gouvernements qui déplaisent à l’Empire, mais de défendre les journalistes. Elle le fait partout, quels qu’ils soient et quels que soient les geôliers [2] . Elle traite les USA et Cuba sur le même pied. D’ailleurs, elle refuse les dollars de l’Administration américaine, surtout s’ils lui sont versés par des sociétés écrans de la CIA. Si elle les acceptait, on les verrait figurer dans son bilan comptable sur Internet.

RSF roule pour Bush. A l’Empire qui emprisonne, torture, tue des journalistes, Ménard demande (tout seul) des « explications » espacées. Contre la petite île qui tente de survivre et qui empêche avec une nervosité explicable l’émergence d’une « cinquième colonne », il mène des campagnes suivies. Il préconise à son encontre des démarches diplomatiques coercitives et une grande mobilisation des vingt-cinq pays de l’Europe.


Si la conclusion numéro deux vous paraît plausible, merci de communiquer ce texte à vos connaissances qui financent cette drôle d’échoppe politico-commerciale, à ceux qui risqueraient de le faire par ignorance de la supercherie Ménardo-rsfienne et à ceux qui ne veulent, en aucune manière, être indirectement manipulés par la CIA.

Maxime Vivas


Les USA financent Reporters Sans Frontières, par Diana Barahona.

Réponse aux mensonges de Reporters sans frontières, par Salim Lamrani.

Quand Reporters Sans Frontières couvre la CIA, par Thierry Meyssan.

RSF adjure l’UE de l’aider à renverser Castro, par Maxime Vivas.



- Photo : Aljazeera http://english.aljazeera.net


[1Voir : « Le silence de Reporters Sans Frontières sur le journaliste torturé à Guantanamo », par Salim Lamrani. www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=3188.

[2C’est par malice que j’emploie le mot « geôliers » par lequel RSF désigne les Cubains, mais JAMAIS les Etats-uniens.


URL de cet article 3239
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
« Les déchirures » de Maxime Vivas
Maxime VIVAS
Sous ce titre, Maxime Vivas nous propose un texte ramassé (72 pages) augmenté par une préface de Paul Ariès et une postface de Viktor Dedaj (site Le Grand Soir).. Pour nous parler des affaires publiques, de répression et d’impunité, de management, de violences et de suicides, l’auteur (éclectique) convoque Jean-Michel Aphatie, Patrick Balkany, Jean-Michel Baylet, Maïté Biraben, les Bonnets rouges, Xavier Broseta (DRH d’air France), Warren Buffet, Jérôme Cahuzac, Charlie Hebdo, Jean-François Copé, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Quand les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains.

Viktor Dedaj

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.