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L’insupportable suffisance de la presse (CBS News)

L’humeur dans la presse à Washington est sombre, et à juste titre.

Il ne devrait surprendre personne que, à quelques exceptions près, nous étions tous tacitement ou explicitement #WithHer (avec Hillary), ce qui a provoqué une certaine angoisse devant la victoire de Donald Trump. Plus que cela et surtout, nous nous sommes plantés, après avoir passé des mois à nous moquer des gens qui avaient une meilleure idée de ce qui se passait.

Tout cela est symptomatique du grand échec moral et intellectuel du journalisme moderne : sa suffisance insupportable. Si Hillary Clinton avait gagné, nous échangerions des clins d’oeil accompagnés d’une sensation « d’avoir réussi », avec le sentiment que nous étions courageux en qualifiant Trump de menteur et que nous avons sauvé la République.

Au temps pour nous. Il s’est avéré que l’intérêt du public pour nos analyses et notre mépris envers une grande partie de l’électorat était plutôt limité. Cela a été particulièrement vrai pour les électeurs, ceux qui se sont déplacés par millions pour infliger non seulement une punition au système politique, mais aussi à ceux qui le couvrent. Trump savait ce qu’il faisait lorsqu’il invitait son public à railler et siffler les journalistes qui couvraient ses meetings. Ils nous détestent, et ce depuis longtemps.

Comment leur en vouloir ? Les journalistes aiment se moquer des partisans de Trump. Nous insultons leurs apparences. Nous les rejetons comme des racistes et des sexistes. Nous nous répandons sur Twitter pour donner notre opinion mais nous rejetons les leurs.

C’est l’échec profond de l’empathie au profit de postures incessantes. Il y a eu une certaine sympathie de la part de la presse, bien sûr : les dépêches en provenance du « pays de l’héroïne » qui se lisent comme des rapports d’administrateurs coloniaux venus contrôler l’état des indigènes. Mais une grande partie de cela part de l’hypothèse que les électeurs de Trump sont des arriérés, et qu’il est de notre devoir d’analyser et, au final, de combler leur retard. Que pouvons-nous faire pour que ces gens cessent d’adorer leur faux dieu et accepter notre évangile ?

Nous les diagnostiquons comme des racistes, à l’instar de ces clercs des temps obscurs qui confondaient un problème médical avec une possession démoniaque. Les journalistes, au pire, se considèrent comme une caste religieuse. Nous croyons non seulement avoir accès aux faits indiscutables, mais aussi à une vérité plus grande, à un système de croyances quasi-divin attribué par notre compréhension profonde de ce qu’est la justice.

On pourrait penser que la victoire de Trump – celle que nous avions tous balayé un peu trop vite – conduirait à une certaine humilité retrouvée dans la presse politique. Mais évidemment, ce n’est pas comme ça que ça marche. En gros, pour nous, notre diagnostic a toujours été fondamentalement correct. C’est juste que les démons étaient plus forts que nous ne le pensions.

C’est juste une vague de « racisme de petits blancs », vous comprenez ? Les électeurs de Trump sont racistes et sexistes, il doit donc y avoir plus de racistes et de sexistes que nous n’avions imaginé. Le résultat de mardi soir ne fut pas le rejet raisonné d’une candidate profondément corrompue nommée Clinton. Non, ce fut un cri primitif contre l’équité, l’égalité et le progrès. Que les nouvelles crises de rage commencent !

Ca, c’est le mythe, l’idée que si on se moque d’eux suffisamment, si on les appelle des racistes, ils finiront par se taire et rentrer dans le rang. A l’instar du fonctionnement de Twitter, un système où les gens qui s’écartent du discours dominant sont attaqués par des foules d’experts perplexes et incrédules. Les journalistes évoluent principalement dans un monde où les gens peuvent être noyés sous les quolibets et disparaître, ce qui en dit long sur notre attitude face à toute dissidence.

Les journalistes de plus en plus ne croient même plus à la possibilité d’un désaccord raisonné et, par conséquence, attribuent des motivations cyniques à tous ceux qui pensent d’une manière différente. Nous, nous vénérons les « faits », véhiculés par des analystes et des journalistes qui curieusement se croient post-idéologiques.

Le fait que les journalistes et analystes se trompent aussi souvent et ouvertement n’invite jamais à l’auto-critique à laquelle on pourrait s’attendre. Au lieu, tout cela nous pousse à encore plus de suffisance, encore plus de méchanceté, encore plus de certitudes en tant que journalistes et experts. Face à la défaite, nous nous enfonçons dans notre bulle, sans vérifier nos hypothèses. Non, ce sont les électeurs qui se trompent.

Comme résultat direct, nous nous trompons de plus en plus souvent. Chemin faisant, nous oublions de poser les bonnes questions. Nous ne sommes même pas capables d’imaginer les bonnes questions. Nous nous lançons dans des missions avec la certitude que ce que nous trouverons confirmera nos préjugés. Notre image auprès de l’opinion publique se dégrade encore plus – moins d’un Américain sur trois fait confiance à la presse, selon l’institut de sondage Gallup – et le cycle recommence.

Il existe un espace pour le journalisme d’opinion ; en fait, c’est même vital. Mais notre soumission et notre sentiment de supériorité, qui touche à l’ensemble de la profession, nous rendent incapables de bien faire notre métier.

C’est désormais l’humilité que nous devons viser. Nous devons devenir plus impartiaux, pas moins. Nous devons abandonner notre culture facile de caprices et de récriminations. Nous devons cesser d’écrire ces sermons de 140 caractères dans les médias sociaux et admettre que, en tant que classe, les journalistes ont une compréhension honteusement limitée du pays qu’ils couvrent.

Pire, nous ne faisons pas beaucoup d’efforts pour vraiment comprendre et, à quelques exceptions trop rares, nous traitons les problèmes économiques de l’Amérique profonde avec des traits d’esprit. Parfois, littéralement, comme lorsque les journalistes tweetent une photo de partisans de Trump avec des têtes de racistes en suggérant sur le ton de la plaisanterie qu’ils doivent être bouleversés par le libre-échange ou les bas salaires.

Nous devons corriger cela, et le raisonnement tordu qui est derrière. Il y a un amusement passager à adopter des comportements grégaires, mais pas au prix de ce que nous perdons en route.

Will RAHN

Traduction « mode auto-baffe ON » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

»» http://www.cbsnews.com/news/comment...
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