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Comment Poutine force les Etats-Unis à dévoiler leur jeu en Syrie

Quand Poutine a proposé à la tribune des Nations unies de former contre les terroristes une coalition semblable à celle contre Hitler, les chancelleries occidentales lui ont réservé un accueil mitigé. Pire, les premières frappes russes ont créé l’émoi : Poutine s’attaquerait aux rebelles modérés plutôt qu’à Daesh. « Quels rebelles modérés ? » demande Mohamed Hassan. Selon notre spécialiste du Moyen-Orient, l’intervention russe force les Etats-Unis à dévoiler leur jeu en Syrie et pose implicitement une question simple à Obama : êtes-vous pour ou contre les terroristes ? La réponse, elle, semble plus compliquée. Pourquoi Al-Qaida revient en odeur de sainteté dans la presse EU ? Les bombes, qu’elles soient larguées par l’Otan ou la Russie, suffiront-elles à résoudre les problèmes en Syrie ? Qu’en est-il des revendications portées par les manifestations populaires avant le début du conflit ? Après avoir piégé l’Union soviétique en Afghanistan dans les années 80, pourquoi Brzezinski suggère-t-il à Obama de riposter contre les attaques russes ? Mohamed Hassan poursuit son analyse développée dans Jihad made in USA à la lumière des événements récents qui pourraient marquer un tournant dans le chaos syrien. Mais le pire est peut-être seulement à venir...

* * *

Grégoire Lalieu : Depuis le début de la guerre en Syrie, la Russie fournit des équipements militaires à l’armée syrienne. Mais le 30 septembre, Vladimir Poutine est passé à la vitesse supérieure en ordonnant des frappes aériennes. Pourquoi la Russie intervient-elle directement en Syrie et pourquoi le fait-elle maintenant ?

Mohamed Hassan : Tout d’abord, la Syrie est l’un des principaux alliés de la Russie au Moyen-Orient. La relation entre les deux pays est historique. Elle prend racine dans les années 50 et s’est trouvée renforcée par la montée au pouvoir du parti Baath en Syrie. Même après l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie a maintenu ces liens étroits tant sur les plans économique, politique que militaire. Elle dispose notamment d’une base navale stratégique à Tartous, à l’ouest de la Syrie. C’est l’unique base dont disposent les Russes en Méditerranée.

Ensuite, parmi les jihadistes étrangers qui combattent en Syrie, beaucoup viennent de Russie. Certains ont d’ailleurs menacé Poutine. Et s’ils parviennent à renverser le gouvernement syrien, ils pourront plus facilement mettre leurs menaces à exécution. De plus, alors que la fédération russe compte quelque vingt millions de musulmans, il y a un risque que les Etats-Unis et leurs alliés du Golfe utilisent la carte du fanatisme religieux pour tenter de déstabiliser la Russie. Il est donc impératif pour Poutine de vaincre les extrémistes en Syrie s’il ne veut pas que le feu se propage jusqu’à sa porte.

Enfin, sur le timing de l’intervention, il semble que l’Otan était sur le point d’établir une zone d’exclusion aérienne au sud et au nord de la Syrie. Officiellement pour empêcher l’armée syrienne de bombarder les civils. Mais nous avons vu en Libye ce que les no-fly zones de l’Otan peuvent faire. Une telle manœuvre aurait porté un sérieux coup à l’armée syrienne et aurait compromis une intervention ultérieure des Russes. Poutine se devait donc d’agir rapidement.

A la tribune des Nations unies, Vladimir Poutine a appelé à former une « large coalition armée semblable à celle contre Hitler ». Mais cette proposition a reçu un accueil relativement mitigé. Pourquoi ?

Je pense que Poutine a habilement manœuvré en mettant Obama face à ses contradictions. A travers la proposition d’une coalition, il y a une question très simple qui est implicitement posée au président des Etats-Unis : êtes-vous pour ou contre les terroristes ? En effet, depuis le début de la guerre en Syrie, Washington prétend soutenir la rébellion modérée. Or, nous savons que cette rébellion relève du mythe. D’une certaine manière, Barack Obama l’a lui-même reconnu dans une interview accordée au New York Times en août 2014 : « L’idée que nous pourrions fournir des armes légères ou même des armes plus sophistiquées à une opposition qui était essentiellement constituée d’anciens docteurs, fermiers, pharmaciens, etc. Et qu’ils pourraient battre un Etat bien armé soutenu par la Russie, l’Iran et le Hezbollah... Ca n’a jamais été une option. »

Quelle était l’option alors ?

Dans une Syrie laïque composée à 70 % de sunnites, la stratégie des Etats-Unis, soutenue par une partie de l’opposition, consistait à présenter le gouvernement comme un régime exclusivement alaouite. En 2006 déjà, William Roebuck, chargé d’affaires à l’ambassade EU de Damas, pointait dans une note révélée par Wikileaks que l’alliance entre le gouvernement syrien et Téhéran constituait une vulnérabilité qu’il faudrait exploiter pour déstabiliser le régime : « Il y a des craintes en Syrie que les Iraniens soient actifs à la fois dans le prosélytisme chiite et la conversion de sunnites, principalement les pauvres. Bien que souvent exagérées, de telles peurs reflètent un segment de la communauté sunnite en Syrie qui est de plus en plus contrarié et focalisé sur l’étendue de l’influence iranienne dans leur pays à travers des activités qui vont de la construction de mosquées au commerce. Tant les missions locales égyptiennes que saoudiennes ici (ainsi que les leaders religieux sunnites les plus en vue), donnent une attention croissante à ce sujet et nous devrions nous coordonner plus étroitement avec leurs gouvernements sur les manières de mieux promouvoir et de focaliser l’attention régionale sur cet enjeu. »

Exacerber les contradictions confessionnelles devait permettre de couper les dirigeants syriens de leur base sociale. Il fallait aussi provoquer de nombreuses défections au sein de l’armée dont le corps est principalement composé de sunnites. Des slogans confessionnels ont ainsi fait irruption dans les premières manifestations populaires qui réclamaient plus de démocratie et de meilleures conditions de vie. Des éléments provocateurs ont poussé à l’extrême les tensions communautaires. Mais les défections n’ont pas été aussi nombreuses qu’espérées. Et bon nombre de déserteurs ont tout simplement fui la guerre au lieu de rejoindre les rangs de l’Armée Syrienne Libre. Cette armée soutenue par l’Occident s’est ainsi retrouvée rapidement dépassée par les soi-disant jihadistes qui ont pris la tête de l’opposition.

Un échec pour les Etats-Unis ?

Oui et non. Les tensions entre sunnites et chiites sont très fortes pour le moment au Moyen-Orient et les Etats-Unis en profitent. Mais en Syrie, jouer la carte confessionnelle n’a pas permis de faire tomber le gouvernement. Cette stratégie a même eu le résultat inverse de ce qui était espéré. En effet, alors que les revendications légitimes des premières manifestations auraient pu mobiliser un grand nombre de Syriens, les slogans confessionnels ont aliéné la majorité silencieuse qui n’avait pas encore pris position. Rappelons que la Syrie est un Etat laïc depuis très longtemps et que plusieurs générations de Syriens ont grandi dans cette société. Rappelons également que le souvenir de la guerre du Liban, théâtre d’un conflit confessionnel terrible, était encore bien présent à l’esprit de nombreux Syriens. Si bien que lorsque des manifestants ont commencé à scander des slogans du style « Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites ont tombeau », une bonne partie de la population a craint de voir la Syrie plonger dans la guerre civile. Et ce n’était pas seulement les minorités religieuses.

La stratégie confessionnelle de l’opposition a donc renforcé la popularité de Bashar el-Assad, comme en témoignait un sondage réalisé par une fondation qatarie que l’on peut difficilement taxer de collusion avec le régime. Et cette popularité s’est encore trouvée renforcée par les exactions de l’opposition armée. Des exactions cachées le plus longtemps possible par nos médias qui s’efforçaient de construire l’image d’un printemps syrien pacifique et démocratique. Mais nous savons que la réalité était tout autre, avec des massacres commis très peu de temps après les premières manifestations et l’arrivée de groupes armés venus de l’étranger. Loin des sirènes du printemps arabe, bon nombre de Syriens étaient au courant de cette réalité du terrain et ont envoyé un message clair au gouvernement : « Débarrassez-nous de ces bandits qui veulent plonger notre pays dans le chaos. »

Les Etats-Unis n’étaient-ils pas au courant de cette situation ?

Bien sûr que si. Une note déclassifiée de la Defense Intelligence Agency tirait déjà la sonnette d’alarme en août 2012 : «  Les événements prennent clairement une direction sectaire. Les salafistes, les Frères musulmans et AQI [pour Al-Qaïda en Irak] sont les forces majeures qui mènent l’insurrection en Syrie  ». Pire, deux ans avant la création de l’Etat islamique, l’agence prévoyait que le conflit syrien offrirait une opportunité aux intégristes d’établir une principauté salafiste à l’est de la Syrie. « C’est exactement ce que veulent les puissances soutenant l’opposition, dans le but d’isoler le régime syrien considéré comme le coeur stratégique de l’expansion chiite (Irak et Iran) » ajoute la DIA.

En octobre 2014, c’est le vice-président Joe Biden qui livrait ces confessions devant les élèves de la Kennedy School d’Harvard : « Nos alliés dans la région ont été notre principal problème en Syrie... Les Saoudiens, les Émirats, etc. Qu’ont-ils fait ? Ils étaient tellement déterminés à renverser Assad et à mener essentiellement une guerre par procuration entre sunnites et chiites. Donc qu’ont-ils fait ? Ils ont versé des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d’armement militaire à quiconque combattrait Assad. Sauf que ceux qui étaient approvisionnés, c’était Al-Nosra et Al-Qaïda et des jihadistes extrémistes venus d’autres endroits du monde. » Joe Biden nous explique ce que ses alliés ont fait. Mais il faut poser une autre question : qu’est-ce que les Etats-Unis ont fait ?

Apparemment, pas grand-chose. Certains reprochent à Barack Obama de ne pas s’être montré assez entreprenant sur le dossier syrien. Il avait d’ailleurs fait de l’usage des armes chimiques une ligne rouge à ne pas franchir. Mais il n’est pas intervenu après l’attaque de la Ghouta en 2012.

La culpabilité de l’armée syrienne n’a jamais pu être prouvée dans cette attaque. Un rapport de deux experts du Massachusetts Institute of Technology met en cause les rebelles. De plus, les forces loyalistes avaient le dessus sur l’opposition à ce moment-là. Et le gouvernement syrien accueillait justement des enquêteurs des Nations unies qui devaient investiguer sur l’usage d’armes chimiques. Recourir à de tels moyens à un tel moment était la chose plus stupide qu’aurait pu faire le gouvernement syrien. Il n’avait aucune raison de mener cette attaque. Les rebelles par contre, mis en difficulté par l’armée, pouvaient espérer que ce casus belli provoquerait une intervention salvatrice des Etats-Unis.

John Kerry avait d’ailleurs présenté devant le Congrès un rapport devant prouver la responsabilité de Bachar el-Assad. Mais ce rapport a été démonté par un groupe d’anciens officiers des renseignements. Ils ont interpellé Barack Obama pour lui dire que le directeur de la CIA, John Brennan, était en train « de commettre une fraude — du type de celle commise avant la guerre en Irak — envers les membres du Congrès. » Le journaliste Seymour Hersh, lauréat du prix Pulitzer, a quant à lui révélé que le dossier de Kerry se basait sur des informations manipulées. Enfin, un rapport de l’ONU publié en décembre 2013 a bien confirmé l’usage d’armes chimiques. Mais les experts des Nations unies n’ont pas pu pointer les responsables de ces attaques.

Malgré tout cela, l’information revient sans cesse dans les médias, matraquée insidieusement au détour d’un article ou d’un reportage : Assad est l’auteur de cette attaque à l’arme chimique et Obama n’a pas réagi comme il l’avait promis. La première victime de la guerre, c’est bien la vérité ! Quand on voit le bilan des interventions de l’Otan en Afghanistan, en Irak ou en Libye, on ne peut que se réjouir qu’Obama n’ait pas tenu sa promesse.

Mais la Syrie reste empêtrée dans une guerre particulièrement meurtrière depuis quatre ans. Pour Baudouin Loos, journaliste du Soir, on aurait pu éviter une telle débâcle si la rébellion avait été mieux armée. Une position soutenue à demi-mot par l’organisation pacifiste Pax Christi pour qui « l’appel constant à la fin des violences pourrait [...] paradoxalement participer du maintien, voire de l’aggravation du conflit en cours. »

Les premières manifestations en Syrie ont suscité beaucoup d’espoir. Par idéalisme ou mauvaise foi, certains sont visiblement restés cramponnés à l’image d’une révolution démocratique sans voir que le mouvement populaire avait été détourné et que la Syrie était devenue victime d’une guerre d’agression. De là, l’idée qu’il aurait fallu sauver le printemps syrien en soutenant davantage la rébellion. Deux remarques à ce sujet.

Tout d’abord, sur qui ces « pacifistes » comptaient-ils pour mieux armer les rebelles ? Les Etats-Unis ? Vous avez déjà vu les Etats-Unis soutenir des mouvements démocratiques dans le monde ? Et s’ils devaient le faire en Syrie, ce serait avec l’aide de dictatures comme l’Arabie saoudite et le Qatar qui constituent les « Amis de la Syrie » ? Alors qu’au même moment, Washington cautionne la répression au Bahreïn !

Deuxièmement, on ne peut pas dire que la rébellion a manqué de soutien. L’argent et les armes ont afflué en Syrie dès le début du soulèvement. Ce que les idéalistes du printemps syrien ne veulent pas admettre en revanche, c’est que les soi-disant jihadistes constituaient le plus gros de cette rébellion comme nous l’avons déjà expliqué. Certains diront qu’il aurait fallu mieux soutenir les modérés pour empêcher les terroristes de prendre l’avantage. Mais il n’y avait pas de modérés à soutenir. Les quelques groupes qui avaient un profil acceptable aux yeux des Occidentaux ne pesaient pas grand-chose sur la balance. La plupart ont fini par rejoindre les rangs d’Al-Qaïda ou ont fui en remettant leurs armes. On l’a encore vu récemment. Les Etats-Unis avaient mis sur pied la Division 30, censée combattre l’Etat islamique. Lorsque ce groupe de combattants a pénétré la Syrie en juillet dernier, le Front Al-Nosra l’a attaqué, laissant seulement quatre à cinq soldats opérationnels. En septembre, on apprenait qu’un autre groupe de rebelles syriens entraînés par les Etats-Unis avait finalement livré une bonne partie de ses équipements au Front Al-Nosra. Le Pentagone a donc officiellement annoncé mettre un terme à la formation de rebelles modérés. Le programme disposait pourtant d’une enveloppe de 500 millions de dollars. Ce n’est pas de l’aide, ça ?

Sur ces programmes d’aide à la rébellion modérée, le reporter Patrick Cockburn est catégorique : « C’est là de l’auto aveuglément, puisque la rébellion syrienne est dominée par l’EIIL et Jahbat al-Nusra (JAN), représentant officiel d’al-Qaïda, en plus d’autres groupes djihadistes extrémistes. En réalité, il n’existe pas de mur de séparation entre eux et les rebelles supposés modérés alliés de l’Amérique » (1). Et Cockburn d’ajouter le témoignage d’un officier de renseignement d’un pays du Moyen-Orient expliquant que les membres de Daesh « étaient toujours très heureux quand des armes sophistiquées étaient livrées à n’importe quel groupe anti-Assad, parce qu’ils arrivent toujours à les convaincre de leur donner ces armements, par la menace, la force, ou de l’argent. »

Vous parlez de guerre d’agression, mais il y a aussi des Syriens qui se sont soulevés pour mettre à bas la dictature corrompue. Qu’en faites-vous ?

Les premières manifestations étaient tout à fait légitimes. La Syrie était effectivement une dictature répressive. Au regard d’autres pays dans la région, elle avait tout de même réalisé des avancées sociales importantes. Mais au début des années 2000, le gouvernement a mené toute une série de réformes néolibérales. Ces réformes ont touché les classes sociales les plus faibles et ont fait exploser la corruption. Ajoutez à cela l’accueil de millions de réfugiés irakiens qui ont mis une pression énorme sur la société syrienne et les sècheresses à répétition qui ont eu un impact désastreux sur la classe paysanne, et vous obtenez tous les ingrédients pour une révolte populaire.

Mais ce mouvement légitime a été récupéré par les Etats-Unis (2) qui ont saisi l’occasion pour accomplir un objectif fixé depuis longtemps : renverser le gouvernement syrien. Cependant, les moyens pacifiques n’ont pas suffi pour mener la mission à bien. Dans l’impossibilité d’envoyer leurs propres troupes au sol, les Etats-Unis ont donc composé avec les forces en présence sur le terrain. Mais sur ce terrain, l’opposition modérée occupait une place mineure. Comme en Libye, où l’académie militaire de West Point pointait déjà en 2007 que l’Est du pays était un sanctuaire de terroristes. Cela n’a pas empêché Washington de jouer avec le feu et de tenter malgré tout de renverser ces gouvernements qui lui étaient hostiles. Avec l’aide de leurs alliés saoudiens, qataris et turcs, les Etats-Unis ont donc ouvert la Boîte de Pandore. Et dix ans après le lancement de la guerre contre le terrorisme par George W. Bush, Al-Qaïda est devenue plus forte que jamais au Moyen-Orient.

Aujourd’hui, il y a une guerre en Syrie qui oppose le gouvernement à des forces obscures libérées par l’Otan et ses alliés. On peut bien sûr renvoyer les deux belligérants dos à dos dans une posture « niniste » et choisir de ne soutenir que les mouvements progressistes. C’est une position confortable sur le plan idéologique. Mais en pratique, elle ne débouche sur rien. Elle laisse même le champ libre aux agresseurs qui s’emploient à détruire la Syrie. Car dans la situation actuelle, ces mouvements progressistes n’ont aucune marge de manœuvre. Il faudra m’expliquer comment on peut les soutenir concrètement pour mettre un terme à la guerre et libérer la Syrie.

Quelle est la solution alors ?

La solution, nous l’avons toujours dit, ne peut être que politique. Si quatre ans après le début des hostilités, la Syrie est toujours à feu et à sang, c’est parce que l’Occident a systématiquement bloqué les négociations en faisant du départ de Bachar el-Assad une condition préalable à toute discussion. Jusqu’il y a peu, oser prétendre qu’une sortie du conflit ne pourrait se faire sans négocier avec le président syrien vous valait toutes les foudres occidentales. Mais la situation a changé et cette idée a fait du chemin. Aujourd’hui, même Angela Merkel plaide pour un dialogue entre tous les acteurs syriens, y compris Bachar el-Assad.

Mais d’autres, comme François Hollande, continuent à dire qu’on ne peut pas négocier avec le « bourreau » du peuple syrien.

Ce n’est qu’un slogan, il ne correspond pas à la réalité. Alors que les efforts militaires se concentrent de plus en plus sur les terroristes de Daesh, des statistiques sont apparues pour dire que le gouvernement était responsable de 90 % des victimes en Syrie. En suivant la logique de ces chiffres, le problème n’est plus Daesh mais Assad. Le hic, c’est que ces informations sont clairement manipulées par une pseudo-organisation des droits de l’homme qui n’est pas très indépendante.

Ensuite, le peuple syrien est divisé. Bien sûr, Bachar el-Assad compte bon nombre d’opposants. Mais on ne peut pas ignorer non plus tous les Syriens qui soutiennent leur président. Et comme le faisait remarquer un ancien analyste de la CIA, Paul R. Pillar, avant le début de la guerre, Assad ne bombardait pas des quartiers civils avec des barils d’explosifs. Il faut mettre un terme à cette guerre. Les véritables bourreaux du peuple syrien sont ceux qui ont bloqué toutes les négociations politiques jusqu’à maintenant.

Qu’en est-il des revendications qu’avaient fait entendre les Syriens descendus dans les rues en mars 2011 ?

Aujourd’hui, la plupart des Syriens ont vu le Front Al-Nosra et Daesh à l’œuvre. Ils savent que ces organisations qui dominent la rébellion n’ont pas de solution à apporter à leurs problèmes. La grande majorité des Syriens veut la fin de la guerre. Ils veulent rentrer chez eux et reconstruire le pays.

La reconstruction va prendre du temps. Le gouvernement doit lancer un processus de réconciliation nationale qui inclura l’opposition, à l’exception des groupes terroristes évidemment. Cette opposition est principalement constituée de groupes d’individus plutôt que de partis politiques bien organisés. Peu importe qui ils sont, ils doivent faire partie du processus.

Bien sûr, bon nombre de ces opposants sont attachés à des gouvernements étrangers. Et la guerre qui aura pris fin sur le terrain continuera certainement autour de la table des négociations par d’autres moyens. Mais ils doivent se rassembler autour d’un objectif commun qui est la fin de la guerre et la reconstruction du pays. Il leur faudra aussi apporter des solutions aux problèmes socio-économiques à l’origine du mouvement populaire. Ce qui sera sans doute plus compliqué. Car dans tous les pays arabes où des révoltes ont éclaté, la question sociale reste occultée.

Il y a aussi cet Etat islamique, à cheval sur la Syrie et l’Irak. Pensez-vous que des bombes, qu’elles soient larguées par les Etats-Unis ou la Russie, suffiront à contrer cette organisation terroriste ? Le politologue François Burgat estime même que la lutte contre Daesh ne peut passer par Assad. « Daesh n’est point la cause, mais la conséquence du verrouillage répressif et manipulateur du régime », explique ce spécialiste du monde arabe.

Le gouvernement syrien n’a pas attendu l’Etat islamique pour être répressif. Par contre, attribuer l’explosion de Daesh à Assad témoigne d’une certaine malhonnêteté intellectuelle. Cela révèle aussi une aversion obsessionnelle pour le président syrien qui a contribué à embourber le conflit jusqu’ici.

Rappelons tout d’abord que Daesh est né de la guerre en Irak menée par Georges W. Bush. Les Etats-Unis ont occupé l’Irak, démantelé l’Etat laïc et les structures du parti Baath, démobilisé l’armée nationale et installé un gouvernement chiite sectaire. Dans une opération sale de contre-insurrection, semblable à celle menée au Salvador dans les années 80, les Etats-Unis ont également financé et armé des milices chiites qui ont commis des atrocités contre les sunnites d’Irak. Parallèlement, Georges W. Bush a tenté d’acheter des insurgés sunnites pour limiter la casse dans les rangs des GI et éviter une déconvenue totale avant la fin de son second mandat. Des milliards de dollars ont ainsi été investis pour créer des milices sunnites. Avec un succès relatif.

En Irak, les Etats-Unis ont donc usé et abusé de cette vieille stratégie coloniale qui consiste à diviser pour régner. Ils ont exacerbé les tensions communautaires et ont créé un terreau favorable à l’émergence d’Al-Qaïda. De plus, comme le relève le journaliste Robert Parry, la communauté du renseignement est seulement en train d’évaluer les dégâts collatéraux des pots-de-vin versés par le gouvernement Bush aux insurgés sunnites : « Une partie de cet argent semble être devenu un capital de départ pour la transformation d’“Al-Qaïda en Irak” en “Etat islamique”, alors que les sunnites qui continuaient à être privés de leurs droits par le gouvernement chiite d’Irak ont étendu leur guerre sectaire à la Syrie. » Difficile de tenir Assad responsable de ce fiasco. Je serais plutôt de l’avis du général Vincent Desportes qui a déclaré devant le sénat français : « Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les Etats-Unis. »

Mais en août 2014, Obama a pris la tête d’une coalition internationale pour lutter contre Daesh...

Il faut tout d’abord voir quand le monstre de Frankenstein a échappé au contrôle de ses maitres. Tant que l’Etat islamique combattait en Syrie et gênait un gouvernement irakien très proche de Téhéran, les Etats-Unis s’accommodaient très bien de cette organisation terroriste. Ainsi, Washington n’a pas bronché lorsque les pseudo-jihadistes ont pris Mossoul, aidés par la corruption qui ravageait l’armée irakienne. Mais quand les soldats de l’Etat islamique ont pris la direction du Kurdistan irakien, Obama a mis le halte-là. Ce Kurdistan est la chasse gardée des Etats-Unis. Leurs multinationales y réalisent de plantureux bénéfices. Pas question de propager le chaos jusque-là.

Le monstre de Frankenstein avait donc échappé à tout contrôle et les Etats-Unis ont commencé à mener des attaques contre l’Etat islamique. Avec des résultats mitigés. Dix mois et 4000 sorties aériennes plus tard, Daesh avait encore progressé.

Comment expliquez-vous ce manque d’efficacité ?

Obama s’est trouvé piégé. Lutter trop efficacement contre Daesh aurait profité à l’armée syrienne qui aurait pu reprendre les territoires laissés par les terroristes. De plus, les raids aériens ne suffisant pas à contenir l’expansion de l’Etat islamique, Washington a dû compter sur les Kurdes du YPG-PKK et des milices soutenues par l’Iran pour lutter contre Daesh au sol. Ce qui a passablement irrité les alliés turc et saoudien !

Obama s’est donc contenté d’un tragique statu quo qui à terme, aurait pu déboucher sur un nouveau découpage du Moyen-Orient. Un découpage sur des bases confessionnelles. C’est là que Poutine intervient en proposant assez habilement de joindre les efforts pour lutter contre les terroristes. Obama peut le suivre. Ou assumer ouvertement que les Etats-Unis soutiennent Al-Qaïda en Syrie.

La deuxième option n’est pas impossible. Depuis plusieurs mois, les tribunes se multiplient dans la presse outre-Atlantique pour vanter les mérites du Front Al-Nosra.

En effet, c’est surtout la position des néoconservateurs et des pro-Israéliens. Lina Khatib par exemple du Carnegie Middle East Center préconise de s’allier au Front Al-Nosra pour combattre l’Etat islamique : « Même si tout le monde n’aime pas l’idéologie d’Al-Nosra, il y a un sentiment croissant dans le nord de la Syrie qu’il constitue la meilleure alternative sur le terrain — et l’idéologie est un petit prix à payer pour des rendements plus élevés. » Dans la même veine, le correspondant pakistanais Ahmed Rashid a publié un article dans la New York Review of Books pour expliquer « Pourquoi nous avons besoin d’Al-Qaida ». Dans le prestigieux Foreign Affairs, c’est Barak Mendelsohn qui préconise d’accepter Al-Qaïda, « l’ennemi de l’ennemi des Etats-Unis ». Comme d’autres, cet expert estime que l’organisation responsable des attentats du 11 septembre a réalisé un virage stratégique. Aujourd’hui, elle présente l’avantage de se concentrer sur ses adversaires proches du Moyen-Orient plutôt que sur ses adversaires lointains d’Occident. Soulignons enfin la franchise de l’ancien ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Michael Oren, qui a déclaré : « Nous avons toujours voulu le départ d’Assad. Nous avons toujours préféré les mauvais gars qui n’étaient pas soutenus par l’Iran aux mauvais gars qui sont soutenus par l’Iran ». Et Oren a précisé que la catégorie des mauvais gars acceptables pouvait inclure Al-Qaïda.

Il semble pourtant que Vladimir Poutine ait obtenu le feu vert de Benyamin Netanyahu pour intervenir en Syrie. La Russie et Israël s’échangent même des informations pour la sécurité des vols dans l’espace aérien syrien.

Sans trop s’exposer pour ne pas décrédibiliser la rébellion syrienne, Israël a soutenu l’opposition pour renverser Bachar el-Assad. L’objectif de Tel-Aviv, tel qu’exposé par Michael Oren, était effectivement de briser l’axe qui relie Téhéran à Beyrouth en passant par Damas. Depuis les années 90, une lourde menace d’attaque EU et israélienne pèse sur l’Iran. En l’absence d’une force aérienne digne de ce nom, les Iraniens ont développé une autre stratégie de dissuasion consistant à fournir des missiles au Hezbollah libanais. En cas d’attaque sur Téhéran, ces missiles tirés depuis le sud du Liban pourraient riposter contre Israël. La guerre israélienne menée en 2006 contre le Hezbollah devait neutraliser cette force de dissuasion. Sans succès. Les combattants libanais ont résisté et l’attaque israélienne s’est soldée par un échec. L’autre stratégie d’Israël pour couper la ligne d’approvisionnement entre l’Iran et le Hezbollah consistait à s’attaquer au maillon faible de la chaîne : la Syrie. Mais là aussi, c’est un échec.

Et c’est dans ce contexte que les Russes ont décidé d’intervenir en Syrie. Nous l’avons vu, Poutine se devait d’agir rapidement. Mais il n’a pas foncé tête baissée pour autant. Il a pris soin de neutraliser Israël, acteur discret, mais incontournable du conflit syrien. Du point de vue russe, c’est un joli coup de poker et un véritable pied de nez à Obama, Israël étant le gendarme US du Moyen-Orient. De plus, Poutine a également multiplié les contacts avec Mahmoud Abbas. Jusqu’à présent, dialoguer tant avec les Israéliens que les Palestiniens était un privilège diplomatique réservé exclusivement au président des Etats-Unis.

Pour négocier son intervention en Syrie auprès d’Israël, Poutine avait plusieurs cordes à son arc. Il existe tout d’abord une importante communauté russe en Israël à travers laquelle il peut se faire entendre. La situation plaide également en sa faveur, avec une expansion de l’Etat islamique devenu incontrôlable et un risque d’embrasement général dans la région. Enfin, et c’est sans doute l’argument principal, Poutine semble avoir donné des garanties à Netanyahu que les armes livrées tant à la Syrie qu’à l’Iran ne tomberaient pas dans les mains du Hezbollah.

L’intervention en Syrie marque le retour des Russes au-devant de la scène internationale. La Russie de Vladimir Poutine est-elle en train de devenir une puissance impérialiste sous nos yeux ?

Elle pourrait le devenir, mais elle ne l’est pas encore. Jusqu’à maintenant, la Russie n’a fait que se défendre. Pourtant, depuis la prétendue annexion de la Crimée et les bombardements en Syrie, les médias occidentaux nous rabâchent les oreilles avec la menace russe. Vous remarquerez d’ailleurs que s’ils peuvent se montrer critiques sur certaines questions de politique interne, ces médias rapportent systématiquement la version de l’Otan sur les conflits internationaux. La faut sans doute à des conditions de travail qui se sont détériorées au sein de l’industrie médiatique où l’on travaille de plus en plus sur base de communiqués de presse. Le poids de l’idéologie dominante se chargeant du reste. Et lorsque quelques rares reporters parviennent encore à faire entendre un autre son de cloche sur le terrain, on leur tombe dessus.

La Russie a donc été blâmée pour le rattachement de la Crimée. Alors que les Etats-Unis ont contribué au renversement du président ukrainien jugé trop russophile pour installer un régime d’extrême droite aligné sur l’Otan. Quant au rattachement de la Crimée, il a été approuvé au travers d’un référendum par 95 % de la population de cette région qui faisait autrefois partie de la Russie. En Syrie, Vladimir Poutine a le droit international avec lui.

De leur côté, après l’éclatement du bloc soviétique et la réunification de l’Allemagne, les Etats-Unis avaient promis de ne pas étendre la zone d’influence de l’Otan en Europe de l’Est. Depuis, Washington semble avoir donné une autre interprétation à cette promesse. Bill Clinton a élargi l’Otan à la République tchèque, la Hongrie et la Pologne. Ensuite, Georges W. Bush a intégré l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Observez une carte et la disposition des bases militaires EU. Qui menace qui ? Le budget militaire des Etats-Unis est dix fois supérieur à celui de la Russie. Les forces spéciales EU opèrent dans 81 pays, leur nombre a doublé depuis 2001 et leur budget a été multiplié par cinq. Les Etats-Unis sont le seul pays dans l’histoire de l’humanité à avoir utilisé l’arme nucléaire. Ils ont été en guerre 222 sur 239 années de leur existence et ont bombardé 14 pays du Moyen-Orient. Et la menace est russe ?

En Afghanistan dans les années 80, les Etats-Unis avaient financé la rébellion d’islamistes radicaux pour renverser le gouvernement allié de l’URSS. L’opération avait débouché sur une longue guerre opposant les troupes soviétiques aux islamistes soutenus par la CIA et l’Arabie saoudite. Soldé par une défaite de l’URSS, le conflit avait précipité l’effondrement du bloc soviétique. L’Histoire est-elle en train de se répéter en Syrie ?

Certains aspects rappellent l’Afghanistan en effet. Mais la situation est tout de même différente. La Russie de Poutine n’est pas l’Union soviétique des années 80 qui était minée par une série de problèmes internes. Ensuite, les bombardements russes viennent en soutien à l’armée syrienne qui opère au sol. Enfin, la Chine était en contradiction avec l’URSS à l’époque et avait même soutenu les moudjahidines afghans. La situation a bien changé depuis, Moscou et Pékin étant sur la même longueur d’onde. C’est même un changement radical. En effet, la guerre d’Afghanistan avait marqué le passage d’un monde multipolaire à un monde unipolaire. En précipitant la chute du bloc soviétique, ce conflit avait inauguré l’hégémonie des Etats-Unis devenus l’unique superpuissance mondiale. A l’inverse, la guerre de Syrie marque sans doute la fin de cette domination exclusive. Les Etats-Unis ne peuvent plus intervenir partout comme ils le souhaitent. Ils doivent à présent composer avec d’autres puissances mondiales telles que la Russie et la Chine qui s’organisent à travers l’Organisation de Coopération de Shanghaï. Cette alliance va intégrer l’Inde et le Pakistan en 2016 et compte également l’Iran parmi ses membres observateurs. Elle marque en outre la domination des rivaux de Washington sur l’Eurasie. Un cauchemar pour Brzezinski, l’artisan du piège afghan des années 80. Dans son livre Le grand échiquier, ce conseiller de la Maison Blanche considère que celui qui dominera l’Eurasie dominera le monde.

Brzezinski ne semble pas s’être adouci avec l’âge. A 87 ans, il vient d’appeler Obama à riposter si les Russes continuaient à bombarder les rebelles syriens. Le passage à un monde multipolaire pourrait-il accoucher d’une Troisième Guerre mondiale dont la Syrie serait l’étincelle ?

L’étincelle pourrait être la Syrie ou l’Ukraine ou même la mer de Chine... Le risque est réel. Le droit international offre bien quelques garanties pour éviter un nouveau conflit mondial qui opposerait des puissances dotées de l’arme nucléaire. Mais il n’est pas parfait et subit constamment les attaques de va-t-en-guerre qui manifestement, veulent plonger le monde dans le chaos sous couvert d’ingérence humanitaire. Lors de la dernière assemblée générale des Nations unies, François Hollande a ainsi remis en question le droit de veto des membres du Conseil de Sécurité : « La France veut que les membres permanents du Conseil de sécurité ne puissent plus recourir au droit de veto en cas d’atrocités de masse. Comment admettre que l’ONU, encore aujourd’hui, puisse être paralysée lorsque le pire se produit ? (...) Nous pouvons agir pour régler les drames d’aujourd’hui et sauver la planète demain. »

C’est une attitude irresponsable et mesquine à la fois. D’abord parce que la France soutient les atrocités de masse ou les dénonce selon ses propres intérêts. Ensuite parce que ce principe invoqué par François Hollande peut être sujet à bien des manipulations. C’est pour empêcher un massacre que l’Otan est intervenue en Libye. Mais des rapports d’organisations indépendantes ont confirmé par la suite qu’il n’y avait pas de massacre en cours. L’Otan, qui devait se limiter à instaurer une zone d’exclusion aérienne, cherchait en réalité un prétexte pour renverser Kadhafi (3). Enfin, si le Conseil de Sécurité de l’ONU peut être contourné lorsque des atrocités de masse sont commises, on pourrait se trouver dans une situation où la Russie interviendrait unilatéralement en Birmanie par exemple, le Brésil en Colombie, la Chine en Centrafrique et la France en Syrie. Bref, une situation de guerre de tous contre tous. A ce moment-là, il sera trop tard pour penser à « sauver la planète demain » comme le suggère François Hollande.

Alors, que faire ?

Commencer par bien s’informer sur les guerres et ne pas tomber dans le piège de la propagande. Se mobiliser à travers des mouvements pour la paix. Mais il faut surtout comprendre la nature fondamentale de ces conflits. Vous connaissez la chanson, les grandes puissances n’ont pas de principes, seulement des intérêts. Ce n’est pas pour les droits de l’homme ou la démocratie que l’Otan largue des bombes. Sinon, comment expliquer qu’au moment où François Hollande appelle à mettre un terme à la dictature en Syrie, Manuel Valls signe des contrats d’armement en Arabie saoudite ?

Ces guerres répondent avant tout à des intérêts stratégiques. Il n’y a pas de guerre humanitaire. Ce sont des guerres pour le fric. C’est pour avoir accès aux matières premières, pour profiter d’une main-d’œuvre bon marché et trouver des débouchés pour leurs capitaux que les grandes puissances cherchent à se partager le monde, à coup de bombes s’il le faut. Derrière ces guerres, il y a donc une autre guerre, celle d’un système économique basé sur la concurrence et la course au profit maximum. Un système qui par ailleurs engendre des inégalités sociales — 1 % des plus riches possèdent la moitié des richesses mondiales, un niveau jamais atteint —, un système qui gaspille les ressources naturelles, un système qui broie les travailleurs, un système qui sauve les banquiers fraudeurs pendant qu’on ferme des écoles... Et ce système nous conduit tout droit vers une Troisième Guerre mondiale. Je ne sais pas vous, mais moi, je pense qu’il est grand temps de changer de cap.

Mohamed Hassan
2 novembre 2015

Source : Investig’Action - interview réalisée par Grégoire Lalieu

Notes : 1. Patrick Cockburn, Le retour des djihadistes, Equateurs, Paris, 2014.

2. Voir Ahmed Bensaada, Arabesques, Investig’Action, 2015

3. Voir Michel Collon, Libye, Otan et médiamensonges, Investig’Action — Couleur Livres, 2011.

»» http://www.investigaction.net/comme...
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La Chine sans œillères
Journaliste, écrivain, professeur d’université, médecin, essayiste, économiste, énarque, chercheur en philosophie, membre du CNRS, ancien ambassadeur, collaborateur de l’ONU, ex-responsable du département international de la CGT, ancien référent littéraire d’ATTAC, directeur adjoint d’un Institut de recherche sur le développement mondial, attaché à un ministère des Affaires étrangères, animateur d’une émission de radio, animateur d’une chaîne de télévision, ils sont dix-sept intellectuels, (…)
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