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Un Yankee et un visage (pa)pal

Deux sermons pour le prix d’un. Sans doute n’en fallait-il pas moins pour (tenter de) ragaillardir les dirigeants européens éplorés. Confrontés à une « polycrise » – un terme inventé par Jean-Claude Juncker pour désigner la conjonction des menaces désormais existentielles qui pèsent sur l’intégration européenne – ceux-ci viennent de recevoir le soutien de deux « citoyens du monde » qui les ont exhortés à plus d’unité et à plus d’« ouverture ».

L’un, natif d’Hawaï, est locataire à Washington où il termine sous peu son CDD non reconductible ; l’autre, qui a vu le jour à Buenos-Aires et jouit, au Vatican, d’un CDI à qui seul son divin patron peut mettre un terme, exerce son magistère sur les âmes qui se reconnaissent dans le catholicisme ; il s’octroie cependant volontiers un ascendant sur le genre humain en général, sur les citoyens des pays européens en particulier. Quant au premier, il tient pour naturel – une longue tradition américaine – d’exercer une autorité extraterritoriale sans frontière.

A quelques jours d’intervalle, Barack Obama et le pape François ont donc adressé des appels pressants à l’Europe. Le président américain avait commencé sa visite sur le Vieux Continent, fin avril, par Londres, où il enjoignit aux Britanniques de rester au sein de l’UE. Il apportait ainsi sa haute contribution au concert anti-Brexit quasi-quotidien des « élites mondialisées ». Il s’est ensuite rendu à Hanovre, où il a exprimé son amitié ostensible à la chancelière allemande (il aurait même pu préciser qu’il avait été si souvent à son écoute...). Les deux dirigeants ont vigoureusement plaidé pour une conclusion rapide du « partenariat transatlantique » alors que les négociations semblent s’enliser. Vive le Royaume-Uni intégré à l’Union européenne, vive le TTIP – tout cela a le mérite de la cohérence.

Mais le président américain a également saisi l’occasion pour s’adresser « au peuple d’Europe », inventant délibérément celui-ci pour l’occasion. Stigmatisant ladite agressivité russe (et exigeant un maintien des sanctions européennes contre Moscou), appelant au partage du fardeau militaire (via le financement accru d’une OTAN « plus forte que jamais »), dénonçant la « tentation du repli national », le maître de la Maison-Blanche a chanté une ode enthousiaste à l’intégration européenne, « l’un des plus magnifiques succès des temps modernes ». Il a au passage salué les réformes pilotées par Bruxelles, évoquant particulièrement celles concernant le marché du travail. Myriam El Khomri ne s’attendait pas forcément à un tel soutien.

Barack Obama l’a répété de manière plus qu’insistante : il ne ménagera pas ses efforts pour promouvoir l’« unité européenne », car « c’est dans l’intérêt des Etats-Unis ». Ce n’est certes pas une révélation, mais cette franchise n’est jamais malvenue. Enfin, il a vanté les vertus de la diversité en suggérant à l’Europe d’accueillir plus de migrants. Bref, ouvrez vos frontières pour la main d’œuvre, les capitaux, les marchandises...

Ouvrez vos cœurs, a supplié comme en écho le souverain pontife. Recevant le 6 mai le Prix Charlemagne (la plus haute distinction de l’UE !), il a tancé les Européens, tentés de céder à des « intérêts égoïstes » et oublieux de l’inspiration des « pères fondateurs ». Il les a appelés à intégrer les migrants. On serait presque tenté de lui donner le bon dieu sans confession, n’était le contexte de peuples européens socialement exsangues à force d’être soumis à la pression de la libre concurrence et de la libre circulation ; contexte où l’immigration est organisée pour peser encore plus sur le monde du travail, quand elle n’est pas provoquée par les guerres et les dominations impériales.

A peine l’évêque de Rome avait-il terminé son homélie que deux emblématiques dirigeants européens, le président de la Commission et celui de l’europarlement, prenaient la plume pour louer et opiner : « l’âme de l’Europe, ce sont ses valeurs » ont psalmodié ensemble le chrétien-démocrate Jean-Claude Juncker et le social-démocrate Martin Schulz. Et les deux éminences de prier derechef pour l’unité de l’Europe afin de « préserver notre modèle social », d’« assumer une plus grande responsabilité sur la scène internationale », et de « partager la responsabilité des migrants ». Avant de conclure d’une même voix : « il est donc grand temps pour les Européennes et les Européens de se lever ». Une Nuit debout à la gloire de l’Europe, en quelque sorte.

Succès assuré.

Pierre LEVY

Éditorial paru dans l’édition du 26/04/16 du mensuel Ruptures
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Croire que la révolution sociale soit concevable... sans explosions révolutionnaires d’une partie de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes politiquement inconscientes contre le joug seigneurial, clérical, monarchique, national, etc., c’est répudier la révolution sociale. C’est s’imaginer qu’une armée prendra position en un lieu donné et dira "Nous sommes pour le socialisme", et qu’une autre, en un autre lieu, dira "Nous sommes pour l’impérialisme", et que ce sera alors la révolution sociale !

Quiconque attend une révolution sociale “pure” ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution.

Lénine
dans "Bilan d’une discussion sur le droit des nations", 1916,
Oeuvres tome 22

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