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ALGERIE - MASSACRES DU 8 MAI 1945 : Cette étincelle de la Révolution

Après ces massacres, les nationalistes algériens avaient compris que seul le recours aux armes allait permettre à l’Algérie d’accéder à son indépendance

Les massacres du 8 mai 1945 ont mis à mort la solution politique et les Algériens sur la voie de l’indépendance.

Au début des années 1940, l’échec des associationnistes était une réalité et le PPA, évoluant dans la clandestinité, avait un impact très marginal sur la situation politique dans le pays. Avec le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, et le discours de Robert Murphy et d’Eliot Roosevelt sur « la fin des empires coloniaux », une nouvelle dynamique s’est mise en branle. Dans ce sillage, Ferhat Abbas, le Parti du peuple algérien [PPA], l’association des Oulémas, ont rendu publique, le 10 février 1943, le Manifeste du peuple algérien qui fait sienne la Charte de l’Atlantique du 12 août 1942, qui prêche le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le Manifeste a rencontré un grand succès auprès des populations algériennes. Et a, par conséquent, donné naissance à un mouvement politique structuré et structurant portant la dénomination des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML).Selon Ahmed Mahsas, dans son livre Le mouvement révolutionnaire en Algérie de la Première Guerre mondiale à 1954, Essai sur la formation du Mouvement national, « encouragés par l’extension des AML, les Algériens longtemps réduits au silence et à la sujétion par le système colonial, changeaient de comportement et levaient la tête [...] Le nouveau comportement des Algériens se manifestait par le rejet de toute mesure d’humiliation et par la défense de leur dignité. Il suscita la crainte dans les milieux colonialistes et exacerba la haine de « l’Arabe », naguère traité par le mépris. La tension entre le peuple algérien d’un côté, l’administration et les Européens de l’autre, régna sur l’étendue de tout le territoire algérien ». Cette nouvelle donne va, dans un premier temps, désaliéner les Algériens en leur permettant d’imaginer un avenir en dehors des logiques coloniales et, dans un deuxième temps, formuler une revendication politique cohérente avec leurs conditions d’alors et profondément révélatrice de leurs aspirations les plus intimes : l’autodétermination. Face à cette radicalisation, l’administration coloniale a réagi en procédant à l’arrestation de plusieurs militants des AML et à la déportation, le 25 avril 1945, au Congo du leader nationaliste, Messali Hadj, qui était déjà en résidence surveillée.

Le 1er Mai 1945, pour protester contre la déportation de Messali Hadj, les militants du PPA ont organisé des manifestations en brandissant des slogans nationalistes, mais celles-ci ont été réprimées par les autorités coloniales et, dans ce sillage, plusieurs arrestations ont été effectuées. Néanmoins, malgré la violence de la répression, les nationalistes ont voulu maintenir la pression en participant aux manifestations célébrant la victoire contre le nazisme, des drapeaux algériens dans les mains, comme proposé par Chawki Mostefai, dirigeant du PPA. « Pour profiter au maximum du retentissement médiatique, à l’échelle mondiale de la victoire des pays de la Charte de l’Atlantique, l’Algérie devait fêter sa victoire en tant que peuple, en tant que nation opprimée, indépendamment de la France et de ses institutions, en arborant tout haut l’Emblème de sa propre souveraineté. C’est ainsi que nous décidâmes, au sein du Comité directeur, de défiler le jour des manifestations de la victoire, en arborant le drapeau de l’Etoile Nord-Africaine et P.P.A en tête des cortèges » a déclaré M.Mostefai en effet, cité par Benyoucef Benkhedda dans son livre Les origines du 1er Novembre 1954. Ainsi, conformément aux instructions des AML, dirigé alors par Ferhat Abbas, les Algériens sont sortis par milliers dans plusieurs régions du pays. A l’Est, où le massacre du 8 mai sera fait, des dizaines de milliers de personnes ont investi les rues.

A Sétif, dès 8h, les Algériens chantaient l’hymne du PPA Min Djibalina (De nos montagnes), tout en défilant avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs. Mais, très vite, les mots d’ordre du Mouvement national jaillirent : « Libérez Messali », « Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme » étaient autant de slogans brandis par les manifestants. Spontanément. Mais c’est quand Aïssa Chéraga, chef d’une patrouille de Scouts musulmans, arbore le drapeau algérien au milieu de pancartes où on pouvait lire « Vive l’Algérie libre et indépendante » que la situation a dégénéré. Devant le Café de France, en effet, le commissaire Olivieri tente de s’emparer du drapeau, vainement. Des Européens, en marge de la manifestation, assistant à la scène, se précipitent dans la foule. Un jeune homme de 26 ans, Bouzid Saâl, porte le drapeau algérien mais il est abattu par un policier. Immédiatement, des tirs provenant de policiers provoquent la panique. Les manifestants en colère s’en prennent aux Français et font en quelques heures 28 morts chez les Européens, dont le maire qui avait essayé de s’interposer et 48 blessés. Les dés furent jetés. Le mouvement s’étend très rapidement et gagne Kherrata et Guelma.

Le sous-préfet Achiary de cette dernière localité, un ancien résistant, fait tirer sur les manifestants. Le massacre commence. Bilan : à Sétif, la manifestation a tourné, après l’intervention des forces de police, à l’émeute qui se propagea dans la région entre Sétif et Béjaïa, en particulier dans la région de Kherrata. Selon Rey Goldzeiguer, « la répression des insurgés fut assurée par l’armée et de façon secondaire par des civils. Elle fit plusieurs milliers de morts ». À Guelma, entre 1 500 et 2 000 Algériens ont été massacrés. Bien que passé à la postérité sous la dénomination de « massacre du 8 mai 1945 », ce carnage aura duré plusieurs jours et ne prendra fin officiellement qu’à la fin mai. Le 12 mai 1945 en effet, le général de Gaulle a ordonné au gouvernement général, rapporte Mahfoud Kaddache dans son livre Histoire du nationalisme algérien, « d’afficher publiquement la volonté de la France victorieuse de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté française en Algérie » et de « prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer tous agissements antifrançais d’une minorité d’agitateurs ». Pire, écrit également Mahfoud Kaddache dans son livre, « une cérémonie dédiée à l’humiliation des Algériens a été organisée le 25 mai 1945, durant laquelle 5 000 fellahs du Sétifois furent contraints de se mettre à genoux, de demander pardon, de crier ’Vive la France’’, et de se prosterner devant le drapeau français en disant : « Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien. »

Ce massacre allait, dans l’esprit de la France coloniale, mettre à mort le Mouvement nationaliste algérien et saboter à jamais l’élan indépendantiste qui commençait à se socialiser aussi bien parmi les élites que parmi la paysannerie. C’est l’effet inverse qui fut produit. En effet, les nationalistes algériens qui privilégiaient jusque-là la solution politique avaient compris que seul le recours aux armes allait permettre à l’Algérie d’accéder à son indépendance. C’est dire que, finalement, c’est « la solution politique » qui avait été mise à mort par la France et non pas l’idée d’indépendance. C’est d’ailleurs l’onde de choc produite par ce massacre qui allait pousser le PPA à mettre en place, en 1947, l’Organisation spéciale pour commencer à préparer sérieusement l’insurrection armée. Le massacre du 8 mai 1945 a aidé les Algériens à comprendre que, comme disait Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre, « l’ennemi ne cède que le couteau sur la gorge ». Et cette leçon, très bien théorisée par l’auteur de Peau noire, masque blanc dans l’ensemble de son oeuvre, a été très bien retenue. L’examen décisif du 1er Novembre 1954 en a d’ailleurs donné toute la signification. Cette date continuera donc à représenter un moment fort dans l’histoire de l’Algérie en mouvement vers la rencontre d’elle-même. A ce titre, elle constitue une halte au cours de laquelle il est vital de s’interroger sur le passé de l’Algérie, notamment en engageant des recherches sérieuses sur les différents moments-repères qui ont jalonné son histoire.

Amar INGRACHEN

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