François Mitterrand, homme de droite ou d’extrême droite ?
Le père François est né en 1916 dans la petite bourgeoisie provinciale en charentaises. Celle-là même que Philippe Sollers appelle avec dégoût "la France rancie".
Lorsque, à 18 ans, il vient étudier à Paris, il empeste encore l’encens, le cierge et la calotte. D’ailleurs, il crèche chez les pères maristes de la rue Vaugirard. Significatif.
Entre 1934 et 1936, jusqu’à la dissolution des ligues factieuses, il adhère aux Croix de Feu du colonel De la Rocque. Un homme qui ferait passer Le Pen pour un gauchiste.
Pour la petite histoire, en 1935, notre bon François défile avec les Camelots du roi, une organisation fascisante, en scandant "Mort aux métèques !" L’intéressé niera. Puis, obligé de se reconnaître sur une photo sans équivoque, face à un cordon de police, il prétendra avoir été là par simple curiosité...
Mec mets ta cagoule !
En avance sur les rappeurs, le père François copine avec la Cagoule dès 1935.
Sans que son appartenance à ce groupe factieux interdit ait pu être formellement prouvée, il en fréquente les chefs qui résident, comme lui au 104 rue de Vaugirard. Chez les bons pères maristes. Des liens d’amitié se nouent qui dureront jusqu’à sa mort.
Au cours de l’hiver 1936, Mitterrand qui rêve déjà de jouer un rôle important en politique, participe à des manifs de l’Action Française. De tout cela, il résulte qu’il a clairement fait ses choix.
A droite toute !
Bien qu’il ait prétendu par la suite être devenu socialiste avec le front populaire, il travaille à "L’écho de Paris", un journal clairement ancré à droite, jusqu’à son incorporation en 1938.
Fait prisonnier en juin 40, il se lie d’amitié au stalag avec un "ouvrier communiste" (né à St Cloud) qui deviendra milliardaire (comment ?) Roger Patrice Pelat.
Habitué à avancer masqué, on retrouve F.M en 1941 à Vichy (pas pour soigner son foie...) après une évasion controversée du stalag fin 1941. Immense culot ? Insouciance de jeunesse ? Il mène un vie publique et mondaine, sous sa véritable identité, alors qu’il est en principe recherché par les polices des deux côtés du Rhin.
Il deviendra résistant plus tard, quand la faillite d’Adolf deviendra prévisible à la mi-43. Mais en attendant, il est un bon maréchaliste.
D’après Pierre Péan, il écrit à sa frangine le 13 mars 1942 : "j’ai vu le maréchal au théâtre. Il est magnifique d’allure, son visage est celui d’une statue de marbre."
Surtout, il demande, obtient, et reçoit fièrement la francisque en mai 1943, renouvelant son serment d’allégeance au maréchal.
Double jeu ou seconde nature ?
A la mi-43, tout en recevant la francisque, il profite de ses fonctions officielles pour fournir des vrais-faux papiers à d’anciens prisonniers de guerre évadés et à des réfractaires au STO. Un bon point. Enfin.
Au cours de l’été 43, il tient des propos publics anti-nazis (pour se dédouaner ?) qui l’obligent à se cacher. En novembre, il a la gestapo aux trousses. Les nazis le soupçonnent d’être un agent double.
Mais bien qu’il ait prétendu par la suite avoir effectué, dès le début 43, des navettes avec la France Libre, à bord de Lysanders, on a des doutes. Ainsi le group captain Hugh Verity chef de l’escadron 161 de la RAF affirmera ne pas se souvenir de lui.
Or, à cette époque Verity vient juste d’être nommé à ce poste et tient un journal, qui deviendra après guerre un fameux livre : "We Landed by Moonlight"
De Gaulle que Mitterrand rencontre fin 1943 à Alger est assez sceptique sur la crédibilité et l’efficacité de son réseau de patriotes. Les propos qu’il lui tient scellent d’emblée une future inimitié indéfectible : "Un mouvement de résistance d’anciens prisonniers de guerre ? Pourquoi pas aussi un mouvement d’épiciers ou de garçons coiffeurs ?"
Finalement, ce n’est que le 12 mars 1944 que Mimi fonde un vrai réseau de résistance incontestable, et reconnu comme tel dans l’organigramme de la France combattante.
Sans renier pour autant ses anciennes amours : en 1945, il apporte un témoignage disculpant Eugène Schueller, fondateur de L’Oréal, mais surtout financier de La Cagoule et dirigeant du RNP (Rassemblement National Populaire) de Marcel Déat.
Un ancien leader socialiste partisan d’une collaboration totale avec les nazis, promu ministre du travail dans le gouvernement de Laval.
Après la guerre, heureuse coïncidence, Mitterrand dirigera le magazine "Votre Beauté" qui appartient à Schueller... Il faut bien manger !
Ce sont quand même de bons débuts pour un jeune homme si ambitieux et pas trop regardant.
Maréchaliste, il a servi puis empapaouté les collabos. Résistant tardif, il a enfumé les vrais héros avec ses "exploits" et son prétendu "réseau". Opportuniste, il a protégé de riches traîtres susceptibles de lui renvoyer l’ascenseur.
Plus tard, avec une égale aisance, il roulera dans la farine les socialos.
Et embrassera les communistes dans une étreinte mortelle.
L’ami Bousquet embusqué
De son passé à Vichy, il restera à Tonton une amitié indéfectible avec l’ignoble René Bousquet, un jeune préfet qui en 1940 à l’inverse de Jean Moulin, choisira le deshonneur et la traîtrise.
Secrétaire général à la police i.e vice-ministre de l’intérieur, avec délégation de signature permanente de Laval, Bousquet fera trucider et/ou déporter pas mal de Juifs et de Résistants. Sans pouvoir prétendre qu’il ne savait pas.
Mais, bien planqué chez les curés à la Libération, il aura la chance de n’être jugé qu’en 1949, quand l’heure de la réconciliation avait sonné. Il s’en tirera avec une condamnation pour crime d’indignité nationale, dont il sera vite relevé.
En 1974, Bousquet qui s’était refait une carrière enviable dans la banque, décida de faire bénéficier son ami Mitterrand de son aide financière. Les deux hommes s’étaient régulièrement revus quand Mitterrand occupait divers postes ministériels dans des gouvernements de la IVème république, échangeant informations, dossiers compromettants et petits services.
Et Bousquet, aussi retors que son ami, avait réussi à faire oublier son passé au point d’obtenir un poste d’administrateur à UTA, présidé alors par Antoine Veil, le mari de Simone ! Une photo d’époque montre les compères René et François, festoyant en famille à Latché, le sourire épanoui.
Après 1981, Bousquet sera reçu régulièrement à l’Elysée. Et malgré les poursuites engagées contre lui du fait de crime contre l’humanité, il ne sera jamais jugé.
Mais si Tonton lui a permis d’esquiver les juges, il n’a pas pu lui éviter une rencontre fatale avec cinq balles de révolver en 1993.
Colonialiste, le père François ?
En 1954, ministre de l’intérieur, il s’oppose à l’indépendance de l’Algérie, vire un gouverneur général ouvert au dialogue avec les Maghrébins, et tente de se débarrasser du recteur de la mosquée de Paris.
Le 5 novembre de cette même année, il déclare à la tribune de l’Assemblée nationale : "Les Algériens ne peuvent trouver qu’une seule réponse : la guerre !"
A une époque où la rébellion vient juste de commencer et où il était tout à fait possible de négocier avec des élites algériennes réalistes un désengagement en douceur, comme les Anglais l’avaient fait avec la plupart de leurs anciennes colonies.
En 1956, summum de l’opportunisme, il fait partie d’un gouvernement qui accorde l’indépendance à la Tunisie et au Maroc. Mais en même temps, en tant que garde des sceaux, il ne fait rien pour sauver de la guillotine des militants communistes qui ont frayé avec les fellaghas.
Adroit et à droite, Tonton
Au début des années 60, quand il est impliqué dans le vrai-faux attentat de l’Observatoire, organisé avec le concours d’un homme proche de l’extrême droite Robert Pesquet, il demande à Tixier-Vignancour d’assurer sa défense.
Ce grand avocat d’extrême droite lui prouvera son amitié en invitant à voter pour "l’homme de gauche" Mitterrand à la présidentielle de 1965.
Une fois devenu président de la gôchunie, il fera fleurir la tombe de Pétain à l’île d’Yeu, tous les ans de 1984 à 1992. Avec des roses ? Le détail ne manquerait pas de piquant ! Et il acceptera de recevoir des survivants de la division Charlemagne, les waffen SS français. Pour parler de quoi ? Nul ne le sait. Il y a un trou dans les "Verbatim" d’Attali, probablement tenu à l’écart.
Qu’en disent les bien-pensants qui s’en prennent aujourd’hui à un maire rural dont le crime est d’avoir oublié de décrocher le portrait du maréchal de la salle des fêtes ?
Enfin, cerise sur le gateau, d’après Franz-Olivier Giesbert, le président Tonton serait intervenu personnellement, dès 1982, auprès des directeurs de chaînes télé pour que Jean-Marie Le Pen, ancien bras droit de Tixier Vignancour, et alors peu connu du grand public, soit invité plus souvent et participe à des émissions de forte audience.
Pas, comme on le dit souvent, pour embarrasser la droite classique car celle-ci s’associait volontiers au FN dans les élections locales jusqu’à l’affaire du "détail" fin 87.
Chronologiquement, l’argument de la manipulation diabolique ne tient donc pas la route.
Cohabitations et maraboutages
La première cohabitation fut une erreur de calcul.
Mimi escomptait une majorité introuvable, renforçant son pouvoir, en rétablissant aux législatives de 1986 le scrutin proportionnel favorisant les petits partis à la marge.
Néanmoins il s’accommoda assez bien du retour de la droite, et alors que rien ne l’y obligeait, il profita de l’occasion pour signer des textes supprimant l’autorisation administrative de licenciement, privatisant les banques ainsi que TF1 et M 6, avant de fêter symboliquement le millénaire capétien dans la basilique de Saint Denis vouée aux rois de France. Tout un symbole.
La deuxième cohabitation fut moins ambitieuse, mais le président très malade, souvent alité, n’était plus que l’ombre de lui même.
Se disant agnostique, il avait toujours gardé une fascination de jeunesse pour les églises, les cathédrales et le clergé. Elargie ostensiblement aux synagogues et aux rabbins, pour capter le "vote juif".
Il avait aussi un goût marqué pour les marabouts, une appétence partagée avec Chirac, d’après Giscard d’Estaing qui se croyait envoûté en 1980/81.
"L’histoire secrète de la droite" de Eric Branca et Arnaud Folch paru chez un plon, fait froid dans le dos. Nous aurions été gouvernés par une bande de grands féticheurs !
En juin 1986, le président laïc de gauche détourne un hélicoptère de la République laïque pour aller visiter en Creuse le philosophe catholique Jean Guitton, et discuter avec lui de dieu et de la foi pendant plusieurs heures.
Le 17 novembre 1994, il retrouve Guitton à Paris pour demander à ce grand marabout blanc spécialiste de la métaphysique chrétienne ce qu’est la mort et s’il y a un au-delà.
Mitterrand aura alors cette formule sibylline : "Je crois aux forces invisibles".
Guitton écrira, sans être démenti : "François Mitterrand n’a jamais renié la foi de son enfance et en avait gardé un sens mystique."
Sentant sa mort proche, à la fin de sa vie, François Mitterrand posera sur sa table de chevet une image de François d’Assise, le saint des pauvres et des nécessiteux. Un précurseur du socialisme à sa manière.
Façon très florentine de brouiller les cartes pour l’histoire. En mélangeant sa religion d’origine à son affichage politique tardif.