RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Mesure-t-on bien la force de l’image d’un DRH fuyant la colère de ceux qui sont humiliés ?

Une retraite aux lambeaux

Tomber, tomber la chemise… Le refrain de la fin des années 1990 connaît un soudain regain de succès syndical. Entonné sur le pavé parisien le 8 octobre avec une gouaille populaire et ironique bien française, il constitue évidemment un clin d’œil aux événements qui ont accompagné le Comité central d’entreprise d’Air France trois jours plus tôt. Les images des deux dirigeants de cette compagnie contraints de fuir, liquette en lambeaux, ont fait en un instant le tour de France, et du monde.

Des « violences intolérables » se sont étranglés de rage Manuel Valls, Nicolas Sarkozy et pas mal d’autres. En réalité, l’important n’est pas de disséquer ce qui s’est passé ce jour-là à Roissy, ou de peser la pertinence des réactions de certains des manifestants rassemblés. L’essentiel est ailleurs : pourquoi, tant de rage, de haine et de déchainement des puissants contre ces derniers ? Et pourquoi, à l’inverse, un tel écho populaire, qu’il soit proclamé ou discret, avoué ou inconscient ?

Une première explication est à trouver du côté d’un contraste : si la « violence » réelle a été somme toute modeste, la violence symbolique fut considérable. Mesure-t-on bien la force de cette image : des patrons contraints de fuir piteusement devant la colère de ceux qui sont habituellement soumis, contraints, humiliés ? Depuis quand une telle scène ne s’était-elle pas produite ? L’espace d’un instant, le rideau s’est fugacement écarté sur la vérité, sur la brutalité des rapports sociaux – mais, très exceptionnellement, dans le sens d’un retour de bâton.

Car la violence, ce n’est pas seulement la menace de licenciements. Pour des millions de salariés, du jeune ouvrier intérimaire à l’ingénieur expérimenté, le quotidien, c’est l’inquiétude du lendemain, le mépris subi, le travail non reconnu. Avec pour rengaine permanente : compétitivité, concurrence internationale, sacrifices inévitables... Pour n’évoquer qu’Air France, a-t-on pris la mesure des violences qui se sont déployées, un plan « Perform » succédant immédiatement à un plan « Transform » (10 000 suppressions de postes en trois ans) ? Quelle époque vivons-nous quand est banalisée l’exigence imposée aux pilotes : travailler l’équivalent de deux mois supplémentaires par an – gratuitement ? Quand le refus de ceux-ci les transforme en coupables du malheur des autres catégories de personnel, déjà précédemment sacrifiées ? Quand leur syndicat est... trainé en justice pour n’avoir pas tenu les engagements de « gains de productivité » ? Quand le PDG de la compagnie pourrait diviser par trois son salaire, et gagnerait encore, en net, plus que le chef de l’Etat, en brut ?

La seconde raison tient au moment : la colère des salariés a déferlé alors même que tant le gouvernement français que la Commission européenne, soutenus par plusieurs syndicats, mettent plus que jamais en avant la seule voie « raisonnable » : le dialogue social. Justement, le 2 octobre s’achevait le congrès de la Confédération européenne des syndicats (CES), inauguré par le président de l’exécutif européen et le chef de l’Etat français, congrès qui a eu le « dialogue social » comme fil rouge. Le 15 octobre, un « sommet social européen », rassemblant patronat, syndicats, et chefs politiques de l’UE se tenait – en toute discrétion. Et le 19, François Hollande mettait en scène la énième « conférence sociale ». Dans ce contexte, le « dialogue social » tourné en dérision à la façon « tomber la chemise » avait de quoi en rendre fou de rage quelques uns...

Enfin, certains responsables politiques ont stigmatisé la « dégradation de l’image de la France » dont seraient responsables les salariés en colère. Avec ce sous-texte : que vont penser les investisseurs ? Les investisseurs, c’est-à-dire ceux dont on apprend quasi-quotidiennement qu’ils rachètent ici une usine (quitte à la fermer ensuite), là un aéroport, là-bas un savoir-faire.

L’image de la France ? Pour des millions d’hommes et de femmes dans le monde, ce n’est pas celle du président Hollande appliquant les consignes de Bruxelles, ou multipliant les courbettes devant le monarque saoudien dans l’espoir de contrats juteux. Ce serait plutôt celle de Jeanne d’Arc, de Robespierre ou du colonel Fabien – celle du refus de la soumission, de la servitude, de l’injustice, de l’humiliation.

Entre le « dialogue » et la violence, ceux-là avaient choisi. Un choix anachronique ? Peut-être pas tant que cela. Et c’est cela qui enrage les puissants d’aujourd’hui.

Et surtout, les inquiète.

Éditorial paru dans l’édition du 27/10/15 du mensuel Ruptures
Information et abonnements : http://www.ruptures-presse.fr
Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection

»» http://ruptures-presse.fr/chemise-airfrance-dialogue-social/
URL de cet article 29526
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Donde Estan ? ; Terreurs et disparitions au Pérou (1980-2000)
Daniel Dupuis
La pratique des arrestations illégales, des tortures et des exécutions en dehors de tout procès régulier puis de la dissimulation des dépouilles (d’où le terme de « disparus ») est tristement célèbre en Amérique latine où les dictatures ( l’Argentine de la junte militaire, le Paraguay dirigé par le général Alfredo Stroessner, le Chili tenu par Augusto Pinochet...) y ont eu recours. De 1980 à 2000, sous un régime pourtant démocratique, l’armée du Pérou n’a pas hésité à recourir à la terreur pour combattre la (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Il y a une idée sur laquelle chacun semble d’accord. « Vaincre Daesh », comme l’a exprimé le secrétaire d’Etat Tillerson. Laissez-moi poser juste une question : Pourquoi ? Il est temps pour Trump d’être Trump : extrêmement cynique et imprévisible. Il lui faut vaincre Daesh en Irak. Mais pourquoi en Syrie ? En Syrie, il devrait laisser Daesh être le cauchemar d’Assad, de l’Iran, de la Russie et du Hezbollah. Exactement comme nous avons encouragé les moudjahidines à saigner la Russie en Afghanistan. »

Thomas Friedman, « In Defense of ISIS », New York Times, 14 avril 2017.

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.