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Pour Kim Phuc la Vietnamienne et Aylan Kurdi le Syrien : « U.S go home ! »

D’autres photos, avant celle d’Aylan Kurdi, ont provoqué une onde de choc qui a pu émouvoir l’opinion publique, modifier la perception d’un conflit et peser sur un rapport de force dans un conflit.

Les gens de la ma génération peuvent se rappeler de la photo prise par Nick Ut, d’Associated Press, de Kim Phuc, petite vietnamienne de neuf ans fuyant nue, au milieu d’autres enfants, le 8 juin 1972, le napalm qui brûlait ses cheveux et sa chair (1). Une indignation mondiale a soulevé les opinions publiques et s’est transformée en levier pour gagner de nouvelles forces à la cause vietnamienne et en arme supplémentaire contre la démesure des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés par les EU : utilisation du Napalm, des défoliants, de l’agent Orange, massacres répétées dans les villages, etc. A l’émotion s’applique totalement la phrase de Marx : « Quand les idées s’emparent des masses, elles deviennent une force matérielle ».

Pour Kim Phuc comme pour Aylan Kurdi, cette force matérielle est entrée en action dès le choc émotionnel. Les directions pour orienter cette force en 1972 ou en 2015 sont cependant radicalement différentes.

En 1972, l’Europe comptait encore dans ses populations, les grandes concentrations ouvrières des industries lourdes et bassins sidérurgiques ou miniers. Les traditions syndicales étaient, en gros, celles des luttes des classes notamment en Italie et en France. Partout dans le continent, le Mouvement pour la Paix développait des efforts incessants pour contrer les idées guerrières et le mouvement de soutien à la libération des peuples colonisés restait puissant. La pluralité de la presse portait les voix de la pluralité politique des différents courants d’opinion et la pluralité de la pensée.

On ne pouvait même pas imaginer la possibilité d’une pensée correcte qui s’imposerait comme norme unique de pensée. A côté ces données politiques, la création artistique européenne reflétait la diversité philosophique du vieux continent et malgré l’engagement politique déclaré des créateurs il était impensable que le succès des œuvres soit la plate « défense et illustration » d’une cause idéologique.

Terminons, enfin, par évoquer qu’en dehors du marxisme au faîte de sa séduction, les idées de liberté individuelle et de libération sociale de vrais grands noms de la philosophie comme ceux de Sartre qui pensaient la politique à travers la philosophie avant que les BHL promus médiatiquement comme « des savonnettes », n’inversent l’équation et ne réduisent la philosophie à la promotion du bellicisme et de la guerre.

Aux États-Unis, en l’absence de mouvement syndical et ouvrier ou de courants artistiques progressistes laminés par le Maccarthisme, les luttes contre le racisme et la ségrégation et les luttes dans les campus contre la guerre, avec les deux figures emblématiques de Martin Luther King et d’Angéla Davis, avaient fourni les bases de masse à la lutte contre l’agression EU contre le Vietnam. Les idées de la paix et contre les ingérences coloniales avaient, tout à la fois, leur force de frappe sociale et leurs vecteurs artistiques et philosophiques. Bref, les rapports de force construits par les luttes de l’époque ont permis de faire de la photo de Kim Phuc une arme pour plus de mobilisation contre la « sale guerre du Vietnam ». Cette réaction a suivi celle 1968 consécutive à la suite de la découverte du massacre de 500 civils vietnamiens à Mỹ Lai.

Le mot d’ordre universel fut désormais : « U.S Go home ! »

Il ne semble pas du tout que l’émotion provoquée par la photo de Aylan Kurdi prenne cette direction.

D’une part les médias dominants l’ont réduite à sa dimension humanitaire. En véritables sorciers, ils ont transformé cette mort en déficit d’humanisme de l’Europe et non en résultat de la guerre fabriquée par cette Europe sous conduite EU à l’ensemble du monde arabe. Et Hollande en prend argument pour aller bombarder en Syrie.

Nul écho d’un cri universel « U.S, Go home ! ».

C’est même plutôt l’inverse.

C’est un acte de prévention et d’autodéfense pour notre peuple de dire « Otez-vous de la Syrie, vous tous, Hollande, Cameron, Obama, Erdogan, Netanyahu et les Emirs du Golfe ! »

Tous les Algériens qui se sont indignés sur la toile, puisqu’empêchés de le faire dans des meetings ou des manifestations devraient se pencher sur la question essentielle pour toutes nos colères : comment construire le rapport de forces à mettre au service de nos indignations ?

Impact24.info

Le 10/09/15

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