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Derrière le vote FN, un crash sociétal.

LE CRASH DE GERMANWINGS : Il y a quelques jours, un crash aérien eut lieu tuant tous les passagers et membres d’équipage. Derrière le « fait divers », se cache une terrible réalité, d’un accident volontairement orchestré, planifié et réalisé par celui qui était en charge de la conduite de l’avion, conduisant celui-ci vers la mort. Il n’y avait plus de possibilité pour autrui d’accéder à la cabine de pilotage, comme en politique, ou après avoir voté, on n’a plus accès au pilote isolé (Président). On sait désormais, que le copilote était psychologiquement fragile, qu’il prenait des médicaments, et que tout ceci était parfaitement connu de l’entreprise GERMANWINGS, qui signifie « ailes allemandes », compagnie « low-cost » sous-traitante de Lufthansa. Le fait que cet « accident homicide », touche une compagnie Allemande, doit faire réfléchir sur les réputations affichées de la « solidité Allemande ». La compétitivité à tout prix qui est le dogme, a débouché sur la création de ces compagnies « low-cost  », qui mettent la pression sur le « capital humain », qui pourtant en aéronautique est essentiel à la sécurité des vols. Qui veut encore du modèle Allemand ?? Observons qu’en France c’est ce modèle à « bas coût  » qu’Air France veut imposer aux pilotes et aux membres d’équipage… On voit la fragilité humaine du dossier. Il faudrait que ce crash, nous serve, avant que nous subissions aussi un « crash sociétal », nous renvoyant dans la dramaturgie des années 30 : « L’Homme qui ne connait pas son histoire est condamné à la revivre  » /K.Marx.

LE VOTE D’EXTREME DROITE : Celui-ci ne date pas d’hier, mais est le produit d’un processus de désengagement politique, trahissant les valeurs de la Résistance, celle du programme des jours heureux, qui par le Général de Gaulle lui-même, portait l’intérêt général, celui de la Nation au-dessus des intérêts particuliers. Tant que l’Etat, expression de la volonté de la Nation rassemblée, votait des lois en faveur de l’intérêt général, le vote d’extrême droite n’existait pas, et ne représentait en termes de classes sociales, que les poujadistes d’une partie du monde agricole, du petit commerce, de quelques professions libérales et quelques militaires en mal de coup d’Etat (Algérie).

LA PUISSANCE POLITIQUE DE L’ETAT : La force de l’Etat c’était de pouvoir transformer, en un délai assez court, la parole politique en acte mesurable et ressenti par les citoyens en termes de « vie quotidienne ». Ce pouvoir était la conséquence de la mise en œuvre du programme de la Résistance, avec notamment l’ensemble des Nationalisations issues de 1944, ainsi que la planification, qui permettait de fixer des objectifs et de travailler à ces objectifs. Cette capacité de maîtrise, via le secteur public industriel [1], permettait à la parole politique de se transformer en acte économique immédiat. De Gaulle disait : « Je veux une voiture populaire » et 2 ans après, celle-ci était disponible.

LA PLANIFICATION OU L’ETAT STRATEGE : Le Plan complétait le dispositif, permettant aux entreprises privées de réaliser des profits, en investissant dans les secteurs définis par l’Etat. Bouygues S.A, N° 1 mondial du B.T.P, s’est développée par la politique de planification et de reconstruction, France Télécom est le produit de l’Histoire de la Poste, qui a équipé tout le Pays en centraux téléphoniques, Airbus, est la suite des entreprises publiques (S.N.E.C.M.A). Renault est le produit de la R.N.U.R (Régie Nationale des Usines Renault), nationalisée ne 1945 pour avoir pactisé avec le régime du Maréchal Pétain et fourni volontairement des chars aux nazis. Pensant à la création du C.E.A (Commissariat à l’Energie Atomique) et à E.D.F-G.D.F, pour donner l’indépendance énergétique à la France, avec encore aujourd’hui, l’électricité la moins chère d’Europe.

LE SOCIAL D’ABORD, L’ECONOMIE ENSUITE : La reconstruction et le progrès social, objectifs de la Résistance se sont matérialisés par la création de la Sécurité sociale, faisant de notre pays le pays exemplaire pour l’O.M.S (Organisation Mondiale de la Santé). Rapidement le taux de mortalité baissa dans des proportions considérables, et le taux de mortalité infantile fut l’un des plus bas du monde. De plus la sécu, permis le développement de tout l’industrie pharmaceutique française. Sans sécu, pas de SANOFI. Les congés payés, symbole de la France, permirent à de nombreux ouvriers et employés de découvrir la mer, les plages, développant ce que le MEDEF appelle aujourd’hui : « L’Industrie touristique  », qu’il couve de ses yeux, au point de revendiquer le « travail touristique permanent » (Travail du dimanche) au détriment de l’Industrie qu’il a volontairement abandonné, pourtant tellement créatrice d’emplois, de richesses et d’indépendance, donc de souveraineté.

LA RUPTURE DES ANNES 80 : La rupture se fait en 1983, quand après avoir fait semblant de faire une politique de gauche, (retraite à 60 ans, hausse du S.M.I.C), François Mitterrand, au nom du « réalisme de marché », accepte les « fourches caudines », de la « libéralisation » et du « marché libre et non faussé », débouchant sur les « privatisations de l’économie » et la libéralisation financière mondialisée [2]. Le résultat de cette politique dénommée « désinflation compétitive », fut le développement du chômage de masse, la précarité comme norme d’emplois, et la pauvreté, comme gangrène de la société. Dans ce cadre, les immigrés devinrent les ennemis, montrés en exergue comme cause du chômage, car il est plus simple de dénoncer son voisin (logique Pétainiste) que de dénoncer les banques et les marchés, dont l’accès est plus complexe, pour ne pas dire en apparence, inaccessible.

LES RESTAURANTS DU CŒUR ET LE F.N : Mitterrand, n’en déplaise à Mélenchon, sachant que les privatisations industrielles (débutés en 1985) allaient créer du chômage de masse, de la précarité et de la pauvreté, monétaire et sociale, alluma trois contre feux, un politique et deux « sociaux » :

  • Le Front-National dont le premier passage dans les médias date de l’heure de vérité du 13 février 1984 et dont l’objectif était d’empêcher que les colères sociales s’expriment dans le vote communiste.
  • Les restaurants du cœur (1985), dont le seul objectif était d’accompagner la misère sociale engendrée par les privatisations, c’est-à-dire l’abandon au marché, de l’économie.
  • La création du R.M.I en 1988 par Michel ROCCARD dont l’objectif était d’habituer le peuple à survivre par des subventions d’Etat, remplaçant les salaires manquants du fait de la casse des industries consécutive aux privatisations, conséquence de l’acceptation des oukases de la « mondialisation libérale ».

Il s’agissait alors de mettre en œuvre la « real-politik », celle, du « tout marché ». L’accompagnement social était là pour cacher les désengagements de l’Etat et les trahisons politiques, le F.N pouvait se présenter comme un vote contestataire et repoussoir, contestataire pour les électeurs, repoussoir, pour les parties de la société encore intégré, tout ceci cachant de fait, le « crash sociétal ».

L’EGALITE DES CITOYENS : Sur le territoire de la Nation, « République une et indivisible », l’Etat développait alors, sous le contrôle citoyen (luttes sociales) des politiques d’Aménagement du territoire, dont l’objectif premier visait l’égalité des citoyens devant la loi. Le service public était l’outil de cette politique. L’Etat devait équiper tout le territoire de la Nation en téléphone, autoroutes, centrales énergétiques, pour faire en sorte que chaque citoyen ait le même service, là où aujourd’hui on ne parle que d’égalité du « droit d’accès », ce qui revient à mettre les citoyens en concurrence effective, sur une même ligne de départ, ceux qui auront le service sont ceux qui disposeront de la « meilleure carte bleue ». Tel est le concept du « service au public ».

LES VILLES NOUVELLES : Les villes nouvelles dont Evry (ville de Manuel Valls), ont servi de support au désengagement industriel de l’Etat. Il s’agissait alors selon les termes du rapport de l’époque « Paris et le désert Français » de rééquilibrer le territoire, en créant des « Métropoles d’équilibre ». Mais derrière le concept de « villes nouvelles », il s’agissait de passer d’un modèle industriel de la Ville (continum Industrie, lutte de classe, services publics) à un modèle financier, d’où le concept de Métropole, qui n’est que la financiarisation de la ville (Finance, Commerces, Tourisme [3]) comme, la libéralisation est la financiarisation de l’entreprise. Et d’Evry à Vitrolles, c’est le même modèle qui s’applique.

LE TUBE A ESSAI VITROLLAIS : Vitrolles, dont j’ai été Directeur du Développement économique et de l’Emploi, fut simplement utilisé comme un territoire de désenclavement économique et politique de Marseille. Et je ne résiste pas au plaisir de citer cet extrait comme une démonstration de mon propos : « Voulue à la fois par le grand patronat marseillais et l’Etat planificateur, arrangée et tolérée par les notables locaux, la recomposition des territoires industriels régionaux à l’échelle métropolitaine participait d’un faisceau de circonstances et de volontés qui faisait de la Métropole Marseillaise une sorte d’avènement tout à la fois nécessaire et désiré. Dans les années 60 on voyait avec enthousiasme et même soulagement, les usines les plus encombrantes et polluantes quitter la ville, et avec elles, le départ des populations ouvrières plutôt portées à la contestation et affectées alors d’une fâcheuse tendance à voter communiste  » [4]. Le projet des villes nouvelles n’avaient donc comme objectif principal que de casser la « lutte des classes » au cœur de la ville centre. Marseille qui vota majoritairement communiste en 1981, se retrouve désormais sans plus aucun élu communiste de poids (Député, Sénateur, conseiller général) et les manifestations sociales de la C.G.T, sont plus le produit d’une mobilisation de la périphérie que de la mobilisation intra-muros, démontrant ainsi son avènement comme « Métropole du marché ». La Ville de Droite (Gaudin), la Communauté Urbaine (droite) et le basculement du Conseil Général (droite) vont permettre de pouvoir accélérer la « métropolisation des rapports sociaux », initiée par la sociale démocratie [5].

LA PRECARITE AU CŒUR DU SYSTEME : Le fondement de la financiarisation de l’économie, c’est de faire du profit une donnée fixée en amont, et de l’emploi et des salaires, une variable d’ajustement, nécessitant de ce fait, une « libéralisation du marché du travail ». La précarité étant la première phase du processus. De mémoire, le jour où notre Pays a reconnu les statistiques du B.I.T (Bureau International du Travail), le chômage baissa sur Vitrolles de 10 % du jour au lendemain, car désormais, les précaires n’étaient plus comptabilisés comme « demandeurs d’emplois ». Aujourd’hui en France 82 % des emplois créés sont en C.D.D. Vitrolles terre de précarité, fut la première commune, à tomber au Front-National. La précarité et la destruction industrielle sont les terres de prédilection du F.N à l’image du Nord. La cartographie du vote F.N épouse les anciennes terres industrielles et ouvrières. Le sondage sorti des urnes montre :

  • 45 % des ouvriers et 36 % des employés votent F.N,
  • 29 % des jeunes de moins de 25 ans votent F.N
  • 36 % des électeurs n’ont pas le niveau Bac.

Les territoires du F.N sont ceux de la classe ouvrière précaire et qui recoupent évidemment les terres d’immigration, expliquant le double discours anti-immigré mais populaire, renvoyant aux discours de l’extrême droite des années 30. Avec un Front National à plus de 25 %, l’appel au « vote utile » jouera à plein empêchant de voir ailleurs. En ce sens, la montée du F.N est une aubaine pour ceux qui veulent que rien ne change. Mais cette victoire à la Pyrrhus, aggrave la situation et précipite encore plus le risque de « crash sociétal » intégral.

LA METROPOLISATION DES RAPPORTS SOCIAUX : Il s’agit en fait de faire de la « Ville centre » un espace dédié à la finance mondialisée (A Marseille ce sont les docks, dénommé « business center »). Les seules politiques publiques autorisées sont celles qui consistent à accompagner le capital, dans ses objectifs de redéploiement. D’où les politiques dites de « marketing territorial » qui ne consiste plus qu’à « vendre la ville » et ses habitants comme autant de marchandises disponibles (des espaces économiques aux espaces culturels et sportifs [6]). Mais si le centre est réservé à la haute finance, la périphérie est utile pour fournir « l’armée industrielle de réserve » (expliquant les mouvements pendulaires incessants du nomadisme salarial), nécessaire à la finance, pour les emplois de « sous activité », sous payée, d’où le besoin du « low-cost », cause des crashs, sous utilisés, donc nécessairement précaires, et de précarité en précarité, on passe du prolétariat actif, revendicatif, et organisé, au Précariat, c’est-à-dire le prolétariat sans « conscience de classe », que Marx, déjà, car je n’invente rien, appelait le « lumpenprolétariat  ». La caractéristique du « lumpenprolétariat », est que n’ayant pas de « conscience de classe », il vote plus pour les esclavagistes, que pour les libérateurs…

DERRIERE LE VOTE F.N UN CRASH SOCIETAL : Le vote F.N est la combinaison de plusieurs tendances, dont celle d’un vote de droite qui s’extrémisme. Mais, plus grave, une partie importante est la conséquence directe des politiques menées depuis 30 ans des politiques de libéralisation, détruisant les repères collectifs en termes de « lutte des classes ». L’abstention massive et le vote des quartiers populaires, en faveur du F.N (voir les données de la page précédente) sont l’expression politique d’un immense « crash sociétal », conséquence des politiques d’abandons de l’Etat, dans la définition et la maîtrise des politiques économiques. En transférant ce pouvoir aux marchés, les responsables politiques ont fait le choix délibéré, d’abandonner la République au marché et sa logique « d’offre et demande  » fixant un prix et, « à force de ne raisonner que par le prix on devient esclave du marché  ». L’intérêt général a disparu, remplacé par l’intérêt privé, que formalise à merveille les lois sur la « compétitivité  » et la « loi Macron ». En quoi la « compétitivité  », objectif de l’entreprise privée peut-elle devenir un « objectif d’intérêt général ?  », si ce n’est que par sa déclamation ?? En quoi la « loi Macron » imposant le travail du dimanche pour les seuls salariés du commerce, pas hasard les plus précaires et les moins organisés, puisse être, là aussi, présentée comme une loi « d’intérêt général » ??? Ces politiques ne font qu’entériner « l’impuissance politique  » conséquence des choix faits depuis 30 ans de soumission au marché… . En ce sens le vote F.N, est un indicateur du niveau de la crise, pas plus, pas moins. Le vote F.N est un indicateur du « crash-sociétal » à venir.

QUELLES ALTERNATIVES ? Poser en grand la question de l’Alternative est la question politique du moment. On ne peut rester dans la logique austéritaire imposée en Europe via le gouvernement Allemand (forme de co-pilote Psychopathe), qui nous précipite vers un « crash sociétal  » européen majeur (Grèce, Espagne, Portugal, Italie). On ne peut rester dans un verbiage politique qui cherche en permanence à marier la carpe et le lapin (alliance avec la sociale démocratie), au mépris du ressenti des citoyens. Le besoin de ruptures profondes et définitives d’accommodement avec le marché se pose désormais de manière absolue, au même titre que la Résistance à l’occupant nazie. Le P.C.F a abandonné les quartiers à leur triste sort de « no mans land de la politique », alors que sa force, avait été de politiser les quartiers [7] et les entreprises (cellules, éducation politique, débats publics). Nous en restons à l’ordre des incantations nationales ou des « impériums » d’élus locaux, ne pensant qu’à leur siège.

Pour faire revivre le communisme comme perspective et mouvement d’émancipation, les communistes dans les cellules doivent reprendre l’initiative des débats politiques publics, seul moyen de combattre la doxa du petit écran, destructeur d’énergie, fossoyeur de l’émancipation, et contribuant aussi, à sa manière, au « crash sociétal ».

Fabrice AUBERT
Economiste et Communiste au sens de Marx « Mouvement réel qui abolit l’état existant ».

[1Le secteur public industriel pesait environ 25 % des emplois et 45 % des investissements en 1986, il ne pèse plus que 5 % de l’emploi et 15 % de l’investissement aujourd’hui.

[2Conséquence du « consensus de Washington », obligeant les Etats à accepter le libéralisme de marché fondé sur la concurrence, la compétitivité, le « libre échange » et la liberté de circulation des capitaux.

[3Ce qui est la seule politique économique actuelle de Marseille, le « tout tourisme », accentuant la précarité de masse.

[4Michel PERALDI / Métropolisations, Gouvernance et Citoyenneté dans la Région Urbaine Marseillaise. 2001.

[5La Loi Métropole fut décidée à Marseille, suite à un comité interministériel relatif à la sécurité, suite à un nouveau règlement de compte, les règlements de compte des « trafics  » remplaçant avantageusement pour le patronat la « lutte des classes ».

[6Voir le dernier projet de bassins aquatiques, visant à offrir aux cadres « du centre-ville », de quoi s’épancher de leurs désirs de consommation d’activité nautique… Rapport N° 165 du Conseil Municipal de Mars 2015

[7Combien de fois ais-je proposé l’organisation de débats politiques sur « la Métropole », ou sur le terrorisme suite au 7 Janvier, pour que le débat soit collectif et public… Sans réponses. Désormais, sur La Couronne, petit village, le F.N fait 50 %.


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L’art de la politique est de faire en sorte que les gens se désintéressent de ce qui les concerne.

Daniel Mermet

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