Ne dit-on pas que les chiens ne font pas des chats ?
Ce dicton se confirme quand on entend la « Marine » rebondir sur les traces de son père, en affirmant péremptoirement : « Quand la pendule fait Tic ...Tac... Il est permis de torturer une personne afin de lui faire avouer un « crime ... qu’elle n’a peut être pas commis !
Décidément vouloir torturer des humains est une maladie familiale. Le père n’a-t-il pas préconisé et peut être même participé à la torture des « Bougnoules » comme ses semblables surnommaient alors les Algériens qui se battaient pour l’indépendance de leur pays ?
Dans notre propre pays, des milliers de Résistants torturés ont prouvé qu’il est excessivement difficile de faire avouer des gens de conviction sous la torture et que le mot torture est lui même antinomique de dignité pour celui qui la pratique.
Souvenons-nous d’ailleurs que, dès avant la Révolution française, la France des Lumières avait arraché à Louis XVI l’abolition de la question suite, notamment, aux campagnes de Voltaire à propos de l’Affaire Calas. Cela permet de mesurer le degré de régression historique auquel veulent nous amener, non seulement les Le Pen et ceux qui les promeuvent, mais le monde capitaliste dans son entier : n’oublions pas que le point de départ de tout le scandaleux « débat » actuel sur le « bon » ou le « mauvais usage » de la torture part du « Patriot Act » étasunien, de l’usage systématique de la torture pratiqué à Guantanamo par les EU (alors que Cuba socialiste, dont les EU occupent contre son gré une parcelle de territoire, n’a jamais pratiqué la torture) et de l’aveu qui vient d’être fait par les services d’Obama que ces procédés dignes des nazis ont été systématiquement utilisés par la CIA, prétendument défenseur du « monde libre ».
Afin de démontrer que la torture, quelle qu’elle soit, ne peut pas faire avouer des hommes ou des femmes, quand ils sont convaincus de se battre pour une cause juste, je vais commencer par relater certains événements survenus à mon père et à mon frère, tous deux résistants communistes de la première heure. Notre premier déraillement date de décembre 1940 et visait un train de marchandises en partance pour l’Allemagne en gare de Frejus-Plage (Var).
Le 12 mai 1943, ils sont arrêtés à Saint-Raphaël par les carabiniers des troupes d’occupation italiennes. Ils étaient soupçonnés « avec justes raisons d’ailleurs... » d’avoir déposé des bombes contre l’armée occupante.
Refusant d’avouer quoi que ce soit, ils furent tous deux affreusement torturés.
A mon frère, les carabiniers lui firent avaler une bouteille de pétrole ; devant son mutisme, ils lui enfilèrent dans la bouche un kilo de sel ; comme rien n’y faisait, ils lui appliquèrent le supplice du casque, un engin qui enserre la tête et finit par faire éclater tout le cuir chevelu. Devant une pareille souffrance il perdit connaissance et resta six heures dans le coma. En reprenant vie et afin d’éviter que les tortures ne recommencent, il simula la folie. Il ne parlait plus, il faisait ses besoins sur lui, il fallait le tenir debout pour le faire marcher, sinon il tombait.
Plusieurs médecins et psychiatres l’auscultèrent et tous arrivèrent à la même conclusion : « Il ne redeviendrait plus jamais normal ! ».
Après une période d’enfermement à Saint-Raphaël, mon père et mon frère furent tous deux emmenés aux prisons nouvelles à Nice.
En septembre 1943 après la capitulation des armées italiennes, ce furent les Allemands qui occupèrent la prison et en novembre 1943 ils déportèrent tous les internés des prisons nouvelles en direction de l’Allemagne et des camps de la mort.
Arrivés à Dijon, avec l’aide des cheminots ils réussirent tous deux à s’évader et à rejoindre la Creuse où se trouvait le reste de la famille.
Mon père, âgé de 53 ans, fut intégré dans un maquis FTPF commandé par Jean-Baptiste Virviale.
En ce qui concerne mon frère, (30 ans) bien que vivant en France depuis son plus jeune âge, il n’avait pu, à cause de son militantisme, obtenir sa naturalisation.
En conséquence, parce qu’il était toujours italien, L’Etat-major régional des FTPF de la région limousine lui demanda s’il voulait bien accepter de rejoindre les FTP-MOI à Lyon.
Bien que marié et père de deux enfants, début janvier 1944 il se retrouva dans les rangs de Carmagnole, unité d’élite des FTP-MOI.
Peu de temps après je suis allé le rejoindre.
Maintenant, après la Résistance des miens, je souhaite démontrer que la conviction d’avoir raison dans le combat qu’ils mènent, permet à des femmes et à des hommes, de supporter l’insupportable et de se sublimer à leur insu.
Voici quelques exemples :
Le 3 juillet 1944, je participais avec d’autres camarades à l’attaque du garage Gambetta, Avenue Félix Faure à Lyon. Garage dans lequel était parqués plusieurs dizaines de véhicules allemands.
Dénoncés alors que nous commencions à mettre des explosifs dans les moteurs des véhicules, des gardes mobiles et des soldats allemands arrivèrent devant le garage et ouvrirent immédiatement le feu contre les portes derrière lesquelles nous nous trouvions.
Surpris par cette attaque impromptue, nous n’avions qu’une seule possibilité de nous sortir de ce guêpier, c’était de grimper le long d’une poutre afin de rejoindre une fenêtre qui donnait sur l’arrière du garage et de sauter du premier étage dans la rue.
Mais une de nos combattante, Jeanine Sontag (très belle jeune fille de 19 ans) se tordit la cheville et malgré tous nos efforts pour la tirer de là nous n’y parvinrent pas et c’est elle qui nous supplia de partir sinon nous risquions tous de nous faire prendre.
Jeanine, arrêtée, fut emmenée à la Gestapo. Comme elle refusait de dénoncer ses camarades, afin de la faire parler, les tortionnaires lui lacérèrent les seins avec un rasoir et comme elle ne parlait toujours pas, ils lui ébouillantèrent les jambes, mais rien n’y a fit, pas un seul mot, pas un seul nom risquant de mettre en cause un de ses camarades ne fut prononcé. Devant son mutisme elle fut enfermée à la prison Montluc. Elle y resta cloitrée jusqu’au 20 août 1944.
Ce jour là avec 120 autres compagnons d’infortune elle fut emmenée et massacrée à Saint-Genis-Laval. (Et le mot massacré est faible).
Mais Jeanine n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Cinquante-deux de mes camarades, combattants des bataillons Carmagnole et Liberté, FTP-MOI de la région Rhône-Alpes, sont morts sous la torture. Pour certains nous n’avons jamais retrouvé leur corps, ni même connu leur véritable nom.
Pourtant devant les supplices endurés, pas un seul n’a plié sous la torture. Leurs tortionnaires n’ont jamais réussi à leur arracher un seul nom.
Pour certains, ils n’ont même pas réussi à leur faire avouer leur propre nom, ce fut entre autre, le cas de notre ami Etienne Golberger.
Arrêté et torturé par la police française il refusa de donner son véritable nom car il risquait de mettre en danger les membres de sa famille. Il fut exécuté par la police française. Le monument érigé pour rendre hommage aux Résistants fusillés en ce lieu, porte toujours le nom de Daloz qui était son nom de guerre et non pas celui d’Etienne Golberger.
Mais la même chose s’est produite pour Joseph Epstein, Commandant en chef de tous les FTPF et de tous les FTP-MOI de la région Parisienne. Celui que l’Etat-major national des FTPF et des FTP-MOI désignait comme le plus grand officier de la Résistance armée française. Malgré des mois de torture, par crainte de faire retrouver son épouse et son fils et de porter atteinte à ses camarades, il n’a jamais avoué son véritable nom.
Fusillé au Mont Valérien le 11 avril 1944, il fut enterré au cimetière d’Ivry. Pendant de nombreuses années sa tombe a porté le non d’Estaing. Ce n’est que bien des années plus tard et à la suite de nombreuses démarches de ses camarades auprès du Ministère des Anciens Combattants, que son véritable nom fut enfin inscrit sur sa tombe.
Je ne viens d’évoquer ici que quelques cas sur des milliers et des milliers de Résistants qui ont fini leur vie sous la torture. Mais, avant de conclure cetarticle, je ne veux pas oublier de citer le nom de Jean Moulin, qui malgré le temps passé demeure pour les Français une des grandes figures de résistants morts sous la torture sans avoir parlé, le grand inspirateur avec le communiste Pierre Villon du lumineux programme du Conseil National de la Résistance, toujours aussi digne d’inspirer nos résistances d’aujourd’hui et nos conquêtes de demain.
Après avoir moi-même essuyé « les caresses » de la milice et de la Gestapo, je considère que celles ou ceux qui ont encore l’audace d’essayer d’expliquer publiquement que, par moment, la torture devrait pouvoir être utilisée, se rendent coupable d’apologie de crime contre l’humanité et que pour cela ils devraient être poursuivis devant les tribunaux, car après ce que les résistants ont enduré sans jamais rien avouer, il est scandaleux de prétendre que, sous la torture, des hommes sont prêts à trahir leur famille, leur cause ou leurs amis.
Condamner ceux qui prétendent justifier la torture ne serait que justice et une manifestation de respect à l’égard de celles et de ceux qui ont connu l’enfer de leur vivant.
En réalité, l’objectif inavoué de ceux qui remettent dans le débat public une question réglée dans son principe depuis le XVIIIe siècle savent parfaitement que la torture n’a pas d’intérêt militaire ou « patriotique » réel ; bien au contraire, elle ne fait que démoraliser l’armée qui utilise ces moyens ignobles et dresser contre elle encore plus fort tous ceux qui sympathisent avec les victimes des tortionnaires.
Le véritable but de ceux qui relancent ce misérable « débat », symptomatique de nos temps contre-révolutionnaires, où des dirigeants occidentaux vont jusqu’à soutenir des gouvernements pronazis en Ukraine ou dans les Pays baltes, c’est d’habituer les peuples à l’idée que les idéaux progressistes, révolutionnaires et antifascistes sont morts et enterrés, qu’à nouveau « tout devient possible » pour les maîtres impérialistes du monde qui détruisent le progrès social, la souveraineté des nations et l’héritage même de la Résistance, de la Révolution française et des Lumières. Avec à l’arrivée, l’accoutumance généralisée à la fascisation des esprits et à la préparation, sous le nom de « choc des civilisations », d’une troisième guerre mondiale visant à un nouveau partage du monde.
Plus que jamais, résistons, car elle est de plus en plus vivace la Bête immonde qui surgit à nouveau du ventre fécond de l’exploitation capitaliste, de l’oppression impérialiste et de la contre-révolution.
Léon Landini,
résistant, torturé par les sbires de Klaus Barbie
Officier de la Légion d’Honneur.
Médaille de la Résistance
Grand Mutilé de Guerre suite aux tortures endurées par la Gestapo pendant mon internement à la prison Montluc à Lyon.
Président de l’Amicale des Anciens Francs-Tireurs et partisans de la Main-d’Œuvre-Immigrée (FTP-MOI) des bataillons Carmagnole et Liberté.
Léon Landini est Président du Pôle de Renaissance Communiste en France – PRCF