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« Le monde entier est un théâtre… », disait déjà Shakespeare.

Abasourdis... Glacés... Qui le nierait, face aux scènes de violence mortelle de la semaine dernière, auxquelles les chaînes-infos nous ont désormais habitués lors de tels événements... A la suite de quoi, dans ce qui paraissait comme une communion nationale, européenne, voire planétaire – « Paris est la capitale du monde », déclarait François Hollande (rien que ça !) – la plupart des gens se sont sentis « Charlie »... n’ayant pour beaucoup jamais ouvert la moindre page de ce canard parfois plus que douteux. A la limite du bon goût. Cultivant la provoc sous prétexte de « Liberté d’expression »...

Dans ces moments où l’émotion et la sensibilité sont exacerbées, la raison est paralysée. Tétanisée. Claquemurée. Et l’Etat, flairant l’affaire, a sommé le peuple via ses « spécialistes » en communication et des médias contrôlés, de descendre dans la rue pour afficher sa solidarité aussi peu probable qu’éphémère sans doute. Dans quelques temps, lorsque l’étau policier se sera resserré et qu’il voudra s’en défaire, ce sera trop tard. Il ne pourra plus dénouer la corde qui l’asphyxie. Il l’a demandée, exigée, plébiscitée... Cela s’inscrit parfaitement dans ce que la journaliste Naomi Klein explique dans son livre La stratégie du choc. Lors de « chocs » émotionnels importants – guerre, catastrophe naturelle, attentat,... – qui peuvent toucher une nation et créer un traumatisme collectif, les gouvernements ont une fenêtre d’ouverture pour légiférer et prendre des mesures hors normes qu’ils ne pourraient faire passer en temps ordinaire. Cet « état de grâce » ne dure pas. Il faut donc aller vite et donner par cela l’impression que l’Etat agit promptement pour répondre à la demande expresse du peuple... Les médias, complices et parfaitement contrôlés par le pouvoir, s’en font d’ailleurs les relais complaisants. Nous déversant chaque soir, notre potion de ce feuilleton sordide. De quoi maintenir le pays dans cet état de « choc » émotionnel, le temps de prendre mesures et lois liberticides au service du capitalisme effréné dont une minorité dans nos sociétés dites « civilisées » juge utile à ses intérêts jamais assouvis. Et avant que le soufflé ne retombe...

« Le monde entier est un théâtre, et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles » est la phrase complète de Shakespeare. Et tous, nous savons qu’il y a de bonnes pièces et de mauvaises. De bons acteurs et de mauvais. Nous avons été spectateurs de l’horreur. Du sordide. De l’abject. En direct... Et certains ont cru devenir acteurs en descendant dans la rue, convoqués par les tenants du pouvoir et leurs médias disciplinés afin de dire non au « terrorisme islamiste », ce nouvel ennemi inventé par les EU après les attentats du 11 septembre 2001... mais alimenté par ceux-là mêmes qui déclarent le combattre ! La plupart auront l’impression d’être enfin acteur de leur vie. De la prendre réellement en mains. De forcer le destin. Sans voir qu’ils n’auront été que des marionnettes manipulées par des forces occultes et dont ils ignorent jusqu’à l’existence. C’est un leurre. Et dans quelques semaines ou quelques mois, beaucoup déchanteront...

En attendant, le mal aura été fait. Et malgré les mises en gardes officielles mais purement formelles, l’Autre et dans ce cas précis, la population arabo-musulmane aura été une fois de plus stigmatisée. Et le racisme rampant de nos Etats dominants qui gardent leurs réflexes coloniaux à l’intérieur comme à l’extérieur de leurs frontières, se perpétuera sous des formes serviles et des plus sournoises.

Sous la complaisante revendication de ‘Liberté d’expression’ rampe la démagogie la plus perfide qui inocule son poison lentement mais sûrement. Les amalgames sont légion. Les coupables sont désignés. De manière dissimulée, mais suffisamment efficace pour qu’il n’y ait aucun doute sur les identités visées. Or, il n’y a de réelle ‘Liberté d’expression’ que pour celle qui n’entame pas les intérêts du pouvoir. Quantité d’opinions, d’avis, de positions restent interdites, sanctionnées sous des prétextes tordus et opportunistes. Il y a une fois de plus, une ‘Liberté d’expression’ à géométrie variable. Comme pour la Justice. Une ‘Liberté d’expression’ pour bobos de gauche de plus en plus à droite, outrepassant toute limite. Une ‘Liberté d’expression’ de nouveaux riches, de parvenus. De ceux qui peuvent tout se permettre, et affichent cette suffisance décomplexée les autorisant à tout transgresser. Sans la moindre retenue. Cette ‘Liberté d’expression’ qui va toujours dans le même sens. De celle des arrogants envers ceux qui ne peuvent ni répondre, ni se défendre. Ou que l’on entend à peine. De celle par exemple où l’on nous fait croire par l’angle de la prise de vue à une foule dense et compacte massée dimanche dernier derrière le rassemblement de chefs de gouvernements au rang desquels des terroristes d’Etat avérés... alors que derrière eux, il n’y avait personne en-dehors des services de sécurité... Ou de celle qui en quelques heures, a fait changer sa couverture à Paris-Match dès lors que le commentaire à propos de Nicolas Sarkozy se poussant aux premiers rangs de cette même marche équivoque, a dû déplaire à l’intéressé... Est-ce cette habituelle ‘Liberté d’expression’ grossière que d’aucuns réclament ?

Pour ma part, et sans le moindre doute, je préfère cette réflexion de Saint-Exupéry dans Citadelle : « Quand mon ami est estropié, je ne lui demande pas de danser »... Cela me paraît d’un tout autre niveau que l’humour de caniveau de certains humoristes élevés aujourd’hui au rang de ‘génies’... ! Et à ce propos, il me semble qu’au minimum le débat mériterait d’être ouvert en lieu et place de le cadenasser et d’imposer un point de vue tel un diktat. Y aurait-il quelque déshonneur pour nos pays laïcs à réapprendre les notions de respect de l’Autre ? De ce qui fait sa part sacrée, même si nous ne la partageons pas ? Nous abaisserions-nous, comme certains veulent nous en persuader, à prendre en compte les sensibilités des plus hésitants, des plus inquiets ? Faut-il, tels des méprisants, éclabousser nos voisins de nos certitudes, à tous les coups !? Leur en foutre plein la gueule ? Le souci de l’Autre nous indiffère-t-il à ce point pour nous autoriser à le violenter dans ses peurs, ses questions ou tout simplement ses traditions, sa culture ? Ne nous a-t-on pas appris que le bon berger est celui qui va au rythme du plus lent de ses agneaux ? Et sommes-nous à ce point aveuglés par notre suffisance que pour ne plus voir la violence que peuvent revêtir nos paroles et nos gestes auprès de l’Autre ? Accepterions-nous que nos enfants, nos jeunes soient violés dans leur part sacrée au nom de la ‘Liberté d’expression’ d’autrui ? Ou en sommes-nous à penser que définitivement, le ‘sacré’ n’existe plus !? Notre violence, même verbale nous est-elle devenue incontrôlable, sous le prétexte commode de la ‘Liberté d’expression’ !? Si c’est le cas, nombreux sont ceux qui devraient consulter...

L’appareil d’Etat veut nous manipuler. A l’Assemblée nationale, comme un seul homme, les élus ont chanté “ La Marseillaise ”. Du jamais vu depuis un siècle, nous ont expliqué les médias ! Cet hymne guerrier où il est question de : ’Aux armes, citoyens... formez vos bataillons, ...’ et ‘Qu’un sang impur abreuve nos sillons’... Va-t-on tomber dans ce piège grossier de croire que nous sommes en guerre !? Va-t-on suivre une fois encore cette injonction américaine de l’infâme équipe Bush déclarant la ‘guerre au terrorisme’, et reprise par nombre de politiques, de commentateurs et d’intervenants !? L’Europe va-t-elle basculer dans cette spirale infernale qui ne profite qu’aux marchands d’armes et aux grands patrons, proches du pouvoir quand ils n’y sont pas acoquinés !? Il me semble que de tous temps, les guerres se font entre armées ennemies. Appartenant chacune à un Etat. Quel Etat nous aurait-il envoyé son armée pour nous combattre ? Le personnel politique doit se frotter les mains de voir ainsi le peuple prêt à descendre aussi docilement dans la rue, tel un troupeau disposé à en découdre contre cet ennemi fabriqué, fantasmé... Ils seront donc nombreux les volontaires prêts pour aller se battre contre le prochain ennemi que nous désignera l’Etat...

Et, dans cette morbide foulée d’une “ Marseillaise ” douteuse, de quel ‘sang impur’ s’agit-il donc ?... Ceux qui jouent ainsi avec les mots pensent-ils aux dégâts qu’un tel usage du vocabulaire peut entraîner pour les demeurés qui seront toujours prêts à étriper tout ce qui ne leur ressemble pas ? En définitive, comme le dit très justement Bernard Lavilliers : « Au moment où l’on a le plus besoin de culture, on choisit de mettre des soldats dans la rue » ! Certains veulent profiter de cette dramatique situation et duper le peuple... et particulièrement en ces temps de barbarie alimentée par un personnel politique et médiatique irresponsables qui le malmène !

Pour terminer, je pense qu’il est urgent de nous demander si nos standards de ‘liberté’ sont les seuls valables... et s’ils ne devraient pas avant tout, s’exercer... dans le respect de l’Autre !

Daniel Vanhove –

Observateur civil -
Membre du Mouvement Citoyen Palestine -
Auteur -
Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes - 2005 – Ed. M. Pietteur
La Démocratie Mensonge - 2008 – Ed. M. Pietteur

18.01.15

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Daniel VANHOVE
D. Vanhove de formation en psycho-pédagogie, a été bénévole à l’ABP (Association Belgo-Palestinienne) de Bruxelles, où il a participé à la formation et à la coordination des candidats aux Missions Civiles d’Observation en Palestine. Il a encadré une soixantaine de Missions et en a accompagné huit sur le terrain, entre Novembre 2001 et Avril 2004. Auteur de plusieurs livres : co-auteur de « Retour de Palestine », 2002 – Ed. Vista ; « Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos (…)
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Si Eve avait écrit la Genèse, que serait la première nuit d’amour du genre humain ? Eve aurait tout clarifié et dit qu’elle n’était pas née d’une côte, qu’elle ne connaissait aucun serpent, qu’elle n’a offert des pommes à personne et que Dieu ne lui a jamais dit qu’elle accoucherait dans la douleur et que son mari la dominerait. Que tout ça ce sont de purs mensonges qu’Adam a raconté à la Presse.

Eduardo Galeano

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