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L’Europe n’existe pas !

Nous accompagnons la rediffusion d’un bulletin sur l’Europe publié en 2012 d’une représentation de l’enlèvement de la nymphe Europe par Zeus. Les représentations du mythe sont très nombreuses et la plupart donnent de l’évènement, qui est pourtant l’exercice d’un droit de cuissage brutal et permanent par le roi de l’Olympe, une image adoucie et édulcorée.

De la même façon, la prise de contrôle de la partie occidentale du continent par les Etats-Unis après 1945 est le plus souvent présentée comme un acte amical, une « ingérence » , comme on dit aujourd’hui, positive. Pourtant de l’OTAN au Traité Transatlantique, l’animal, parfaite incarnation du capitalisme dominant, poursuit sa charge.

A force de propagande, de colloques, de corruption des milieux de la presse et de l’éducation, l’Europe a fini par faire croire qu’elle existait.

Rien n’est plus faux !

1 - Géographie : cette péninsule du continent eurasiatique demeure un défi conceptuel pour les géographes.

Si à l’Ouest l’Océan Atlantique constitue bien une frontière commune, ses limites à l’Est sont imprécises :

  • Les Dardanelles et le Bosphore ? Mais alors la plus grande partie d’Istanbul et la Turquie de l’ouest sont en Europe et donc l’entrée de la Turquie dans l’UE devrait elle se faire en n’acceptant qu’une fraction du pays. Hypothèse ridicule.
  • L’Oural : c’est le sens de la célèbre formule gaullienne : « De l’Atlantique à l’Oural » Mais alors la Russie serait une entité artificielle mi européenne mi asiatique. Non sens : les populations sibériennes sont-elles asiatiques au même titre que les indonésiens, les birmans ou les japonais ? L’Asie elle-même est-elle une unité conceptuelle valable ? la réponse s’impose : dés l’instant où le géographe ou le géopoliticien fait un effort de précision il fait éclater le cadre et introduit des distinctions : Asie mineure (la pauvre !) Asie centrale, Asie du Sud-est, Asie orientale et pour brouiller encore les limites s’y surajoute le concept d’Orient : Proche, Moyen, Extrême sans oublier la plaque tectonique indienne collée au « continent » par les hasards de la dérive qui sera un « sous-continent » trop à l’Est pour être moyen-orientale, trop à l’Ouest pour être extrême-orientale. Cette particularité fera le bonheur des tenants de l’invasion aryenne et des nazis qui accrocheront l’Inde à l’Europe prenant ainsi le monde arabe en tenaille.

2 - Histoire :

Faute de limites géographiques réelles, la Manche, pas plus que les Alpes ou les Carpates ne constituent pas des obstacles à une importante circulation humaine l’Histoire de l’Ouest de l’Eurasie est, le plus souvent, une histoire de conflits entre européens. Plus rarement il s’agit de conflits entre européens et non européens (turcs ottomans ou mongols) mais dans ces cas la traversée d’est en ouest de l’Eurasie n’a été empêchée par aucun obstacle géographique et ces empires disparus ont été plus victimes de leur immensité que de transgression de fortes limites terrestres. L’empire romain ne s’étend par sur toute l’Europe du Nord et déborde largement sur le monde arabe et quand il éclate en deux parties l’empire d’Occident et l’empire d’Orient la coupure se fait en pleine Europe.

3 - Institutions :

La situation contemporaine se caractérise par une énorme confusion (La Suisse, au cœur de l’Europe restant presque toujours un cas à part, comme elle s’est tenue à part des nombreuses guerres européennes)

L’Union Européenne est l’héritière à la fois de la CEE et de l’OTAN. Ces deux institutions d’origine sont le produit de la mise sous tutelle par les Etats-Unis au sortir de la seconde guerre mondiale de la partie la plus occidentale de la péninsule eurasiatique. Cette tutelle va continuer à s’exercer jusqu’à l’élargissement l’UE en 2004 et ne seront admis dans l’UE élargie à l’Est que des membres de l’OTAN. Aujourd’hui les écarts entre les deux groupes sont très peu nombreux. Quelques membres de l’UE ne sont pas membres de l’OTAN : Autriche Irlande, Suède, Finlande alors que l’ « orientale » Turquie en est un membre de poids.
Au sein même de l’UE les sous-ensembles se sont multipliés : il y a les Schengen et les non Schengen, il y a les Euros et les non Euros il y a même les enclaves espagnoles en Afrique et les régions « européennes » ultramarines ou ultra périphériques, ces colonies françaises éparpillées sur tous les océans

Dans les compétitions sportives européennes sont admises les équipes turques et israéliennes mais pas celle des deux Etats qui les séparent géographiquement : la Syrie et la Liban.

La mise en tutelle de l’Europe de l’extrême ouest par les Etats-Unis s’est faite économiquement par le biais du plan Marshall dont les crédits étaient répartis par l’Organisation Européenne de Coopération économique : OECE élargie ensuite aux autres pays mis sous tutelle économico politique par les Etats-Unis : Mexique, Chili, Corée du Sud, Japon, Turquie, Australie, Nouvelle-Zélande, Israël : ce sera l’OCDE

Un des objectifs des gouvernements des pays membres de l’UE est de faire croire que cette Union déjà bourrée de contradictions institutionnelles et prospérant sur le maintien voulu par les traités d’inégalités de revenus, de régimes fiscaux, de systèmes de protection sociale, est un bloc solide alors qu’il est en première instance un espace de libre circulation des marchandises et des capitaux et un lieu d’exercice de la concurrence libre et non faussée.

L’autre objectif est de minimiser deux autres institution européennes elles aussi : l’Organisation pour la Sécurité Collective Européenne (OSCE) et le Conseil de l’Europe.

L’OSCE issue des accords d’Helsinki regroupe 56 Etats. Sa qualification d’européenne est discutée et discutable puisqu’en sont membres le Canada et les Etats-Unis d’une part et les républiques d’Asie centrale ex soviétiques d’autre part Contrairement à la propagande otanienne la paix qui règne depuis 1945 en Europe est le résultat non pas de la politique de paix de l’OTAN mais d’abord de l’équilibre des forces URSS/USA jusqu’en 91. Il a suffi que l’URSS disparaisse pour que l’OTAN mène une guerre en Europe contre la Serbie en 1997. Quant à la « politique européenne de défense » celle de l’UE elle n’est qu’une annexe de la politique de l’OTAN et intéresse plus les fabricants d’armes européens que les populations du « continent ». En pratique l’OSCE est affaiblie volontairement par les Etats-Unis qui Serbie mise à part ne se gênent pas pour mettre en cause la stabilité des régimes qui leur déplaisent bien qu’ils soient membres de l’OSCE. De ce fait l’OSCE n’est plus un outil de sécurité puisque, par le biais des révolutions de couleur un des membres de l’organisation s’ingère dans la vie des autres. Cette critique a été fortement exprimée par Vladimir Poutine en 2007 à la conférence de Munich et elle a toute sa place dans sa vision de l’avenir de l’Europe.

En vert les membres de l’OSCE, en orange les membres associés

4 - Le Conseil de l’Europe :

Il se présente lui-même ainsi sur son site (www.coe.int)

Le Conseil de l’Europe, dont le siège est à Strasbourg (France), regroupe aujourd’hui, avec ses 47 pays membres, la quasi-totalité du continent européen. Créé le 5 mai 1949 par 10 Etats fondateurs, le Conseil de l’Europe a pour objectif de favoriser en Europe un espace démocratique et juridique commun, organisé autour de la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres textes de référence sur la protection de l’individu.

Conçu lui aussi comme un instrument de la guerre froide et promu par le même homme qui en avait lancé le discours inaugural (Churchill – discours de Fulton) l’institution s’est progressivement élargie. Il est aujourd’hui l’institution européenne la plus large. Ainsi en sont membres des pays comme l’Islande la Suisse, l’Albanie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui ne font pas partie des découpages traditionnels. Il s’y ajoute deux observateurs : les Etats-Unis et le Canada dont la présence rappelle l’origine historique de l’institution et confirme le maintien d’une tutelle anglo-saxonne sur l’Europe. Le bannissement du Belarus, seul exclu du Conseil, illustre ce droit de veto otano-étasunien car aucun observateur honnête n’accepterait de dire que par exemple les performances de la Turquie en matière de droits de l’homme qui constituent le critère d’admission sont supérieures à celles du Belarus.

Le Conseil de l’Europe s’est cependant ces dernières années illustré en produisant des documents accusant les atteintes aux droits de l’homme de l’OTAN ( en ex Yougoslavie par exemple) ou la complicité de certains Etats européens dans l’ouverture sur leur territoire de prisons de la CIA destinées aux séquestrés de la « guerre contre le terrorisme ». Mais ces Etats étaient trop liés aux Etats-Unis pour leur refuser ce service si peu conforme aux principes « européens » des droits de l’homme et le Conseil de l’Europe n’a pu aller au-delà d’une simple élucidation officielle de vilenies cachées.

5 - Bilan

Ce bref survol démontre que l’EUROPE est un concept guimauve trituré de mille manières par les puissances du moment, que c’est un drapeau arboré depuis 1945 autant à Washington qu’à Bruxelles (siège de l’Otan et de l’Union Européenne) qu’à Strasbourg (siège du Conseil de l’Europe et du Parlement européen). La crise économique européenne qui affecte les pays de la zone Euro comme d’autres (la Grande-Bretagne par exemple) est le prétexte d’une grande offensive idéologique en faveur de l’Europe fédérale. Il s’agit évidement d’un château de cartes : Quelle Europe ? Qui ? Comment ?

Laissant de côté le cas d’Etats centralisés préexistants qui se décentralisent en adoptant une constitution fédérale , comme par exemple le Brésil, s’il y a une leçon à tirer de l’application concrète de la doctrine politique fédérale : libre association de partenaires égaux qui délèguent à l’échelon supérieur les pouvoirs de défense et de représentation politique commune au niveau international , c’est qu’elle n’a été le plus souvent que la mise en œuvre d’une domination d’un partenaire sur les autres : le fédéralisme étasunien a été scellé par la guerre de Sécession et la défaite des confédérés, le fédéralisme allemand a été le fruit de la domination prussienne sur les autres principautés et régions.

Quels pays et quels intérêts domineraient une Europe fédérale ? « L’axe franco-allemand », si à l’honneur dans le discours ici dominant, peut légitimement inquiéter les citoyens des petits pays de cette Europe incertaine qu’ils soient grecs, serbes, hongrois , portugais ou autres et il en inquiète déjà beaucoup.

Etonnante contradiction du discours des puissants : la biodiversité serait à protéger impérativement chez les animaux et les végétaux et à combattre chez les humains, espèce unique mais culturellement et socialement extrêmement diversifiée, au nom de l’unité du mode de production et de consommation capitaliste, au nom de l’unicité du calcul bancaire.

COMAGUER

http://comaguer.over-blog.com

Bulletin n° 271 – Semaine 21 - 2014

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