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1940 : Une défaite bien organisée

La trahison qui a conduit à la défaite de 1940 et à la débâcle qui lui a servi de cortège a revêtu des aspects multiples. Mais le fond en était certainement la formule : "Plutôt Hitler que le Front Populaire."

L’astuce - car il y a une astuce - remontait aux lendemains de l’écrasement sanglant de la Commune de 1871. Elle se trouve inscrite dans le livre qu’Ernest Renan publie cette année-là : La réforme intellectuelle et morale.

Voici ce que l’on peut y lire (redisons que nous sommes bien en 1871) :
"Si la Prusse réussit à échapper à la démocratie socialiste, il est possible qu’elle fournisse pendant une ou deux générations une protection à la liberté et à la propriété. Sans nul doute, les classes menacées par le socialisme feraient taire leurs antipathies patriotiques, le jour où elles ne pourraient plus tenir tête au flot montant, et où quelque Etat fort prendrait pour mission de maintenir l’ordre social européen."

En 1940, le moment est venu de mettre cette doctrine en pratique.

Or, tout cela se retrouve dans des documents tout ce qu’il y a de plus officiel...

Avec, tout d’abord, une ligne Maginot qui s’arrête tout juste à l’endroit où, sans le vouloir mais par l’effet de la géographie, la France tend son cou gracile à l’ennemi qu’on aura longtemps dit "héréditaire ", et dont la dernière visite entre voisins avait additionné, de-ci, delà, quelques millions de morts, d’invalides, de veuves, d’orphelins, etc.

Déclarée le 2 septembre 1939, la guerre suivait drôlement sa route à travers l’automne, l’hiver et l’annonce du printemps, non sans susciter toutefois quelques inquiétudes du côté d’une certaine droite - qu’on dira nationaliste - qui se décide enfin à y regarder de plus près.

Le 8 mars 1940 et les jours suivants, un groupe de députés conduit par Pierre Taittinger rend visite aux Ière, IIème et IXème armées. Il établit un rapport qu’il remet au président du Conseil, Edouard Daladier, qui le transmet, le 21 mars, "pour information et suite à donner", au généralissime Gamelin, qui se tourne le 1er avril vers le général Georges "pour éléments de réponse", et voici que la patate chaude arrive dans les mains du général Huntziger le 3 avril "en communication".

Oui, oui, le général Huntziger est effectivement le commandant en exercice de la zone qui inclut Sedan, et c’est bien lui qui conduira la délégation française qui ira plier l’échine devant Hitler dans le wagon de Rethondes. L’Histoire n’a pas distribué les rôles autrement.

Et alors ?... Alors, il y a maintenant ce rapport établi en pleine guerre, par et pour des gens qui avaient connu, souvent jusque dans leur chair, le bout de tranchée que l’on défend pied à pied, que l’on s’efforce de reprendre le lendemain si on l’a perdu la veille, et le prix à payer pour la moindre brèche, pour la plus petite faute d’inattention, etc...

Le rapport de mars 1940 le dit pourtant clairement : "Pour conjurer en particulier le triste souvenir que la visite du secteur de Sedan fait revivre, des mesures urgentes doivent être prises."

Or, ce billet doux, on se le repasse très doucettement, avec des annotations plus ternes les unes que les autres. Il n’y a décidément pas le feu puisque :
"Les organisations défensives sont, dans ce secteur, rudimentaires, pour ne pas dire embryonnaires." (C’est souligné dans l’original.)

Mais oui, il s’agit de petits cailloux noirs fort joliment déposés pour l’ennemi : "Les Allemands ont montré, en 1914, qu’ils étaient passés maîtres dans l’art d’utiliser le couvert des bois et nous pourrions avoir, de ce côté, un jour prochain, une surprise suivie d’amères déconvenues. Nos ennemis évitant le point solide de Montmédy pourraient se laisser "couler" en direction de Sedan, point particulièrement faible de notre système défensif."

Et voici les Allemands en passe de se la couler douce sur le sol de France. Ah, s’ils l’avaient su, la trahison n’en aurait été que plus réussie...

Eh bien, justement, ils le savaient... pour l’avoir, de leurs yeux, vu, et pas dans le marc de café.

Michel J. Cuny

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