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Le 25 août : 69e anniversaire de la libération de Paris

La libération de Paris, avec André Carrel

L’Humanité a publié au fil des années plusieurs entretiens avec André Carrel, qui fut l’un des principaux responsables de la Libération de Paris. Jusqu’en avril 1945 il participe à la nouvelle administration de la Capitale. Il entre à l’Humanité à la fin de l’année 1946, avant de devenir rédacteur en chef de L’Humanité Dimanche de 1957 à 1981. Il est décédé le 17 décembre 2011. A l’occasion du 69ème anniversaire de la libération de Paris, son témoignage nous est précieux.

L’Humanité : Vous avez écrit un livre important « Au coeur de la libération de Paris », dont vous avez été un des acteurs, en tant que vice-président du Comité parisien de libération (CPL). Pourquoi avoir attendu cinquante ans pour écrire ce livre ?

André Carrel. D’une part parce que j’avais de nombreuses activités, notamment au sein de ce journal. Ensuite parce que je n’étais pas persuadé qu’il me faille écrire. Il y a tant de bons livres sur le sujet... Mais, finalement, à l’approche du cinquantième anniversaire, j’ai vu que l’on mettait un peu sous le boisseau le rôle des communistes dans la Résistance. A partir de là, je me suis dit qu’il fallait rétablir certaines vérités.

Il y a un moment clé : celui de la création du Comité parisien de libération, le 23 octobre 1943. Comment y avez-vous participé ?

André Carrel. J’étais à l’époque responsable en région parisienne du Front national, l’organe de la Résistance, à ne surtout pas confondre avec le mouvement qui en a usurpé le nom. Cet organisme a été fondé en 1941 à l’initiative des communistes avec la volonté de regrouper tous ceux qui voulaient participer à la Résistance, quelle que soit leur opinion politique, philosophique ou religieuse. La porte était ouverte à tous. Mon prédécesseur, Streider, venait d’être arrêté et écartelé. J’ai dû le remplacer.

Quelle était la composition du CPL ?

André Carrel. Nous avons constitué un bureau composé du PCF, du Front national, de syndicats et de mouvements de résistance. Il était représentatif des différentes couches de la société, des cadres aux ouvriers.

Vous n’aviez pas tous les mêmes options à chaque moment ?

André Carrel. C’est le moins que l’on puisse dire. C’est aussi naturel et prouve que nous allions au fond des discussions. Nous représentions chacun des courants de pensée. Nous avons toujours eu des discussions très poussées, y compris en pleine insurrection. Ce qui n’a pas empêché, et nous en sommes très fiers, d’être très unis jusqu’au bout.

Venons-en au rapport des forces. Le 15 août 1944, quatre jours avant que soit lancé le mot d’ordre d’insurrection, il n’y a, en région parisienne, que 1.750 FFI armés dans toute l’Ile-de-France, et seulement 600 armes pour les FFI de Paris. Ce n’est vraiment pas beaucoup.

André Carrel. Effectivement. Il y a eu, pour la région parisienne, la volonté de ne pas nous parachuter des armes et tout particulièrement aux Francs-tireurs et partisans français (FTP). Londres considérait qu’il ne fallait pas d’armes pour les FTP, estimant qu’il s’agissait du bras armé du PCF, et que les communistes voulaient prendre le pouvoir. Je relate d’ailleurs dans mon livre des conversations qui m’opposent à d’autres résistants à ce sujet.

Le 14 juillet 1944 est une grande date dans la libération de Paris.

André Carrel. Oui, c’est un grand moment de mobilisation de la population en vue de l’insurrection. Pour moi, cette insurrection a débuté à ce moment-là.

Pourquoi ?

André Carrel. Parce que le 6 juin avait eu lieu le débarquement qui a créé un choc considérable. La libération de Paris, ont compris nombre de parisiens, était bien une possibilité réelle. Notre souci, au CPL, était de recevoir dans une capitale libérée le gouvernement d’Alger conduit par le général De Gaulle. Cela pour éviter toute magouille politicienne des Anglo-Américains, toute mise sous tutelle de la France. Eviter ce qu’ils avaient fait en Italie. Cela impliquait un Paris qui ne soit pas passif, si possible un Paris libéré, en tout cas avec des masses populaires en mouvement. Pour cela, il fallait un déclic. Ce fut le 14 juillet. Tout l’effet résistant, dans cette période, a été basé sur une constante nationale, héritée de la Révolution française. On touchait là au fondement de notre combat. Le 14 juillet 1944, des manifestations diverses ont impliquées 100.000 personnes dans la région.
Il faut aussi insister sur une spécificité française, avec l’engagement très fort de la classe ouvrière. Sans doute, comparativement à d’autres pays européens, parce que nous étions une nation très industrialisée. L’engagement fut très fort. Faut-il rappeler la grève des mineurs, dans le Nord, en 1940 ? Pendant l’insurrection, des grèves avec occupation ont éclaté. Les cheminots, qui ont joué un rôle clé, ont multiplié les actions entreprises de longue date à la suite des manifestations du 14 Juillet. En août, ils ont décrété la grève générale. D’autres corporations se sont aussi totalement impliquées.

Pas d’attentisme donc ?

André Carrel. Nous avons eu à combattre ce sentiment qui aurait pu conduire à des catastrophes. L’idée qu’il suffisait que les armées alliées viennent libérer Paris. La capitale, avec ses ponts, était une zone stratégique pour que les armées allemandes de l’ouest en recul passent la Seine.

Pendant l’insurrection, il y a cet épisode controversé de la trêve.

André Carrel. Je ne voudrais pas rentrer dans le détail, car, avec le temps imparti, forcément, nous ne faisons que survoler quelques questions. Certains, pour des raisons que j’ai exposées, ne voulaient pas d’une insurrection parisienne. D’autres, pendant cette bataille, ont pensé qu’il fallait obtenir des Allemands une pause, pour que la Résistance reprenne souffle. Je crois que cela ne se justifiait pas. La bataille était dure, mais il ne fallait pas, à mon sens, permettre le repli des forces allemandes de l’ouest de la France. Il ne fallait pas négocier avec un ennemi perdant pied. Il fallait aller jusqu’au bout de la bataille engagée. D’ailleurs, bientôt, pour empêcher les nazis de manoeuvrer dans Paris, se sont dressées des barricades. La libération était au bout de ces combats quand la jonction se fit avec l’appui des chars de la 2e DB de Leclerc.

Quel impact a eu cette libération sur le cours de la guerre ?

André Carrel. Les alliés n’avaient pas prévu ce scénario. Ils voulaient, pour des raisons stratégiques, contourner Paris. Ils ont dû modifier leurs plans. Les Allemands étaient chassés de Paris. Cette victoire a eu un retentissement considérable à travers le monde.

Quel était, à cette époque, le sens de votre engagement ?

André Carrel. Le sens de mon engagement était très clair. J’étais jeune militant des Jeunesses communistes avant la guerre. J’ai participé à la Résistance dès que l’Occupation est arrivée. J’ai été amené à prendre plusieurs responsabilités et, par conséquent, il était normal que je sois intégré, si je puis dire, dans la Libération de Paris. J’ai été choisi par le Front national de lutte pour l’indépendance de la France pour représenter une partie de la Résistance. André Tollet m’a fait élire comme représentant du Front national de la Résistance. Je venais de participer à la Résistance en Seine-et-Marne où j’avais de grandes responsabilités, et j’ai été désigné vice-président du Comité parisien de la Libération. J’ai participé, au nom du Front national de l’époque, à ce qui touchait à la fois à la partie militaire, avec Rol-Tanguy et d’autres dirigeants comme Ouzoulias, et à la partie concernant les fonctionnaires, la police, etc. C’est à ce titre-là que j’ai été vice-président du Comité parisien de la Libération. J’ai participé à la Libération en tant que dirigeant du CPL, aux côtés d’André Tollet en particulier. J’ai assisté à un mouvement de masse exceptionnel qui a eu lieu dans une période très difficile où les communistes ont joué un rôle considérable.

En quoi cette bataille de la Résistance, dont on célèbre le 65e anniversaire avec la libération de Paris, nous concerne-t-elle aujourd’hui ?

André Carrel. La Résistance aujourd’hui nous concerne comme un des éléments importants de la vie républicaine française puisqu’elle a participé à la victoire de la liberté. Aujourd’hui, nous avons le besoin de repenser tout ce qui s’est passé dans notre pays pour participer à son émancipation. La Résistance est un événement fondamental qui a marqué la population française. Perpétuer le souvenir concret, précis, de cette partie de l’histoire de France me semble tout à fait adapté pour que les jeunes générations comprennent ce qu’est la bataille pour la République.

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"Avec une bonne dose de peur et de violence, et beaucoup d’argent pour les projets, je pense que nous arriverons à convaincre ces gens que nous sommes là pour les aider."

Un commandant a expliqué la logique derrière les mesures extrêmement répressives
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[New York Times, Dec. 7, 2003]

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