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L’instrumentalisation du divin et l’Ordre impérial

Le chaos en Égypte

Ça y est ! Ce qui devait arriver arriva. L’Égypte est à feu et à sang. Des centaines de victimes innocentes pour une cause qui est celle de l’accaparement du pouvoir soit par les « mécréants » représentés par l’armée et les libéraux, soit par les Frères musulmans qui veulent gouverner au nom du divin. Les deux camps manipulés par un Occident qui a toujours deux fers au feu attend dans quel sens va pencher le balancier. C’est un fait et nous l’avons écrit, l’intervention de l’armée pour écarter le président Morsi le 3 juillet est un coup d’État qui ne veut pas dire son nom.

Le bain de sang en Égypte était-il inévitable ?
« Addine LIllah oua el Outane lildjami’e » : « La religion relève de Dieu et la Nation appartient à tous ses citoyens ».

Une dispersion qui est devenue un « bain de sang »

Ce fut la guerre de tous contre tous ! On lit : « Les gaz se dissipent. Un tout jeune homme apparaît, le visage en sang. Il tourne en rond, hébété. « Que t’est-il arrivé ? » demandent les gens autour de lui. « Je ne sais pas, je ne sais pas qui m’a attaqué, je ne sais pas pourquoi... », il peut seulement répéter : « Regardez, regardez ce qui m’est arrivé. » A un moment, un homme dit : « C’est à cause des brutes de Morsi. » Le choix est fait. « Oui », répond simplement le jeune homme. « Je suis un bon citoyen et je veux apporter mon aide à l’armée ou à la police contre les Frères. (...) Et s’il le faut, on formera à nouveau des comités populaires. » [1]

L’imam d’Al-Azhar, plus haute autorité de l’islam sunnite, s’est désolidarisé après avoir pourtant apporté sa caution lors du coup de force des militaires contre Mohamed Morsi le 3 juillet.
Mohamed ElBaradei a pour sa part annoncé sa démission du gouvernement.
Le gouvernement et la presse quasi unanimes accusaient les Frères musulmans d’être des ´´terroristes´´ ayant stocké des armes automatiques sur les deux places et se servant des femmes et des enfants comme ´´boucliers humains´´.

Pour rappel, le secrétaire d’État américain John Kerry avait déclaré jeudi 1er août que l’armée égyptienne était en train de « restaurer la démocratie » alors même qu’elle a renversé le président élu du pays, Mohamed Morsi, lors du coup d’État militaire du 3 juillet. « Des millions et des millions de gens demandaient à l’armée d’intervenir, ils avaient tous peur de sombrer dans le chaos, dans la violence. » Il a poursuivi, « Et l’armée n’a pas pris le pouvoir, d’après ce que nous comprenons jusque... jusqu’ici. Il y a un gouvernement civil. En fait, ils restauraient la démocratie. » [2]

Ce que l’on reproche à Mohamed Morsi

Il faut d’abord, signaler que tout le monde « occidental » l’avait adoubé et même les potentats réactionnaires du Golfe qui l’ont aidé financièrement.
Que s’est-il passé pour qu’il tombe en disgrâce ?
Pourtant, il a fait ce qu’on lui a demandé à l’extérieur vis-à-vis de l’extérieur, allant jusqu’à inonder les tunnels de Rafa pour asphyxier les Palestiniens de Ghaza, il a dénoncé Damas, coupé les relations diplomatiques, chassé l’ambassadeur. Montré chaque fois que demandé, son allégeance.
À l’intérieur de l’Égypte c’est une autre affaire. Morsi a été élu dans des conditions douteuses et aurait, d’après ses détracteurs, amené l’Égypte au chaos.

Tarek Ezzat, un militant anti-Morsi nous explique comment Morsi n’a pas été élu démocratiquement : « Fraude en masse, chrétiens et femmes menacées pour les dissuader de voter, assassinat d’opposants. Son parti et la confrérie islamique ont falsifié les listes électorales. C’est pour permettre à ces fraudeurs de voter partout que les élections ont été étalées sur plusieurs jours.
Une autre affaire de fraude concerne l’imprimerie nationale qui a émis plusieurs centaines de milliers de bulletins de vote qui ont été remis aux partisans de Morsi pour bourrer les urnes. Les anti-Morsi et surtout les chrétiens ont été interdits de vote parfois sous la menace de brûler leurs maisons ou leurs commerces et de tuer leurs enfants. La magistrature a refusé de superviser les bureaux de vote, parce que les « Frères musulmans » s’attroupaient en masse dans les bureaux de vote pour intimider les votants et les obliger à voter pour Morsi. (...) Le jour où la Haute Cour constitutionnelle devait rendre sa décision sur la validité du vote sur la Constitution, des hordes payées par les islamistes ont assiégé le bâtiment de la cour et empêché les magistrats de se réunir. »
 [3]

À charge encore, sous le règne des Frères musulmans majoritaires, les « députés » de l’Assemblée nationale ont proposé les textes de lois suivants : une loi supprimant l’âge minimal du mariage, pour permettre le mariage des filles mineures et même enfant. Une loi supprimant la scolarité obligatoire des enfants et la gratuité de l’enseignement primaire.
Depuis que Morsi a été « élu », les chrétiens étaient accusés d’être des « croisés » ennemis de l’Égypte et de l’Islam, En plus des chrétiens, il y a eu en mai 2013 un véritable pogrom où les islamistes ont assassiné d’autres musulmans chiites qui priaient.
Morsi et sa mafia ont délibérément laissé des jihadistes de Aqmi et de Hamas investir le Sinaï, pour servir de force de soutien, Morsi a nommé comme gouverneur de la région touristique de Louxor un membre d’une association terroriste qui avait assassiné 75 touristes devant le temple de Hatshepsout.

« Le peuple, qui est la source de la légitimité démocratique n’a pas accepté de vivre trois ans de plus sous ce régime criminel pour respecter une échéance électorale qui serait évidemment truquée et falsifiée comme la précédente. » [4]

Que peut encore faire l’armée ?

Il est indéniable que cette armée que l’on dit populaire est un segment important aussi de l’économie du pays. Les jours et les mois qui viennent seront difficiles car chacun a bien conscience qu’une grande fracture a eu lieu entre les pro et les anti-morsi qui ont aidé l’armée dans le massacre des Frères musulmans. Les vengeances seront terribles et on s’oriente vers un scénario à l’algérienne.
Cela favorise les ´´jusqu’au-boutistes´´ des deux bords et donc, violence et coup d’État.
On peut légitimement penser que ce coup d’État a ouvert la boîte de pandore en Égypte. En décrétant l’état d’urgence on revient au régime de Hosni Moubarak, qui autorise les forces de sécurité : d’arrêter et fouiller sans restriction les personnes présentant une menace ; pour garder en détention des suspects sans mandat et pendant des années ; de surveiller les communications et les médias ; d’interdire le port d’arme.
Cette loi a permis à Moubarak de détenir environ 17.000 prisonniers politiques sans jugement, selon l’ONG Amnesty International.

Que vont faire les Frères musulmans ?

Il faut se souvenir que le mouvement des Frères musulmans existe depuis plusieurs décennies et qu’ils ont toujours pu rebondir malgré des périodes difficiles. Il se présente comme l’allié objectif de l’Empire. De plus, leur faculté d’endoctrinement a fait que ce sont les faibles qui trinquent.
Ces 500 morts, pour la plupart jeunes - comme la fille du leader Al Baltagui- sont-ils morts pour aller au paradis ou pour avoir une vie meilleure ici-bas ?

« Pour Ali Hakimi, deux grandes lignes d’hypothèses se dégagent autour de l’attitude que les Frères égyptiens sont en train de camper pour récupérer le fauteuil de leur président élu Mohamed Morsi. La première reposerait sur leur pleine conscience du rapport de force qui prévaut et qu’ils ne devraient pas ignorer. Puisqu’il est évident qu’ils ont en face d’eux l’écrasante majorité du peuple égyptien et tous les moyens de la violence d’État. Cette conscience de leur faiblesse et de leur isolement politique aurait pour preuve le recours aux femmes et aux enfants dans les rassemblements. De ce point de vue, la perspective d’un apaisement négocié du conflit n’est pas de mise. L’issue violente devient plus qu’inévitable. Céder se transformerait donc en reconnaissance, non seulement d’une défaite contre les ennemis de l’Islam, mais de l’impossibilité consommée de la réalisation d’un « État islamique », présenté comme alternative à « l’État laïque » en vigueur. » [5]

Il faut croire qu’ils n’ont pas opté pour la sagesse, qui aurait fait qu’ils se retirent de la rue, au contraire, par leur envahissement ils ont braqué les autres Égyptiens contre eux.
« Les habitants du quartier de Rabaa Al-Adawiya, lit-on dans une contribution du Courrier international, ont déjà exprimé leur colère et leur frustration à se voir occupés par les partisans du président déchu : les dirigeants de la confrérie, en particulier son guide suprême Mohamed Badie et Mohamed Al-Beltagui pourraient choisir de mettre en danger leur organisation et l’Égypte, en les jetant dans une spirale de violence et d’instabilité. Les Frères musulmans n’ont visiblement pas tiré les leçons de leur confrontation avec Nasser dans les années 1950 : (...) La seconde option passerait par une médiation entre l’armée et la direction des Frères musulmans. La colère gronde au sein même de la confrérie, où certains dénoncent la gestion de la crise par le guide suprême : chaque fois qu’ils ont été puissants, ou se sont crus puissants, les Frères ont systématiquement eu recours à la force et à la violence. (...) A cela s’ajoute leur tendance à se considérer perdants dès lors qu’ils n’ont pas tout raflé - ce dont témoignent, par exemple, leurs efforts pour prendre la main sur toutes les commissions parlementaires après leur victoire aux élections de 2012. (...) Enfin, il faut signaler que le projet islamique, dans le Monde arabe, est pour l’heure presque terminé (...) Mais s’ils persistent dans leur volonté d’escalade guerrière pour ramener Morsi au pouvoir, ils risquent de s’affaiblir. Et pour des décennies. » [6]

La déchéance du Monde arabe musulman

Pour expliquer le poids réel du Monde arabe musulman, il faut savoir que dans toutes les statistiques scientifiques, il est invisible.
L’Égypte que l’on dit « le poids lourd » du Monde arabe est un nain technologique. Les islamistes et l’armée s’entre-tuent avec des armes vendues par l’Occident aux belligérants.
D’après le rapport du PNUD sur le développement humain 2005 « Le retard dans le domaine des connaissances et de leur transmission entraîne l’absence de démocratie » : c’est le constat d’un groupe d’intellectuels de la région travaillant pour l’ONU.
Le Monde arabe, avec quelque 280 millions d’habitants qui partagent une langue, une religion et une histoire communes, est un désert du savoir et de la création, selon un rapport d’un groupe d’intellectuels arabes. En raison d’un environnement culturel et politique rétif à la recherche, il publie de moins en moins de livres, lesquels sont de moins en moins lus et de plus en plus censurés. Il existe dans le monde, en moyenne 78,3 ordinateurs pour 1 000 personnes. Ce rapport n’est que de 18 pour 1 000 dans les 22 pays arabes. Et seuls 1,6% de leur population ont accès à Internet. Il y a plus d’internautes en Israël que dans le monde arabe.
De plus, le classement de Shanghai du jeudi 15 août 2013 des universités mondiales, confirme à nouveau la suprématie des universités américaines, qui se taillent la part du lion, avec le tiercé gagnant composé de Harvard, Stanford et Berkeley. Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) est quatrième, l’université britannique de Cambridge, cinquième. » [7]

Les universités arabes ne sont visibles qu’après la cinq millième place ! C’est dire si le retard est important ! Est-ce dû à l’islam voire à un gène qui fait que les musulmans sont croyants ? Sommes-nous programmés pour croire ? « Avons-nous un interrupteur « divin » dans la tête ? Un bout de cervelle, une disposition particulière des neurones- Le gène de Dieu ?-qui permettrait de nous identifier comme croyant ou non ? Les neuroscientifiques, notamment aux États-Unis, depuis les années 1980, travaillent en tout cas sur cette hypothèse. D’où le développement d’un champ original de la recherche : la neurothéologie. » [8]

De plus, on dit que les athées seraient plus intelligents que les croyants ? Des scientifiques de l’Université de Rochester, ont établi qu’ils sont en moyenne moins ´´intelligents´´ que les personnes athées ; cette étude se fonde sur les capacités analytiques ou d’abstraction. C’est une étude à faire bondir les croyants de toutes obédiences. » [9]

Démocratie ou califat

En fait, ce n’est pas une question de croyance, les musulmans du fait de leurs dirigeants sans réelle légitimité ne sont pas libres.
« En un mot comme en cent, rappelle Mohamed Bouhmidi, le Monde arabe ne s’appartient pas, et dans cet espace, l’Égypte encore moins. Dans ces conditions, il est difficile de parler de démocratie. Quand l’essentiel des décisions de souveraineté vous échappe, que vaut la souveraineté du peuple, postulat primordial de l’exercice de la démocratie qui traduirait en actes et en réalité cette souveraineté ?(...) » [10]

Pour René Naba, le califat est une utopie dans les conditions actuelles : « Un an de pouvoir a fracassé le rêve longtemps caressé d’un 4e Califat, qui aurait eu pour siège l’Egypte, le berceau des « Frères musulmans », devenue de par l’éviction brutale du premier président membre de la confrérie, la tombe de l’islamisme politique.

« Le Califat est une supercherie lorsque l’on songe à toutes les bases occidentales disséminées dans les monarchies arabes, faisant du Monde arabe la plus importante concentration militaire atlantiste hors des États-Unis. Dans un contexte de soumission à l’ordre hégémonique israélo-américain, le combat contre la présence militaire atlantiste paraît prioritaire à l’instauration d’un califat. Et le califat dans sa version moderne devrait prendre la forme d’une vaste confédération des pays de la Ligue arabe avec en additif l’Iran et la Turquie soit 500 millions de personnes, des réserves énergétiques bon marché, une main-d’œuvre abondante.
En un mot, un seuil critique à l’effet de peser sur les relations internationales. Faute d’un tel projet, en présence des bases de l’Otan, le projet de restauration du califat relève d’une supercherie et d’un trafic de religions. »
 [11]

« Le devenir de l’Islam, écrit Burhan Ghalioun [12], dépendra des efforts conscients de compréhension, d’assimilation et de maîtrise que les musulmans déploient pour dominer leur temps et leur environnement. Rien n’est certes gagné d’avance, mais rien non plus n’est perdu. Il faut bien l’admettre, il n’est dans l’histoire aucune fatalité. Si le Texte reste actuel, c’est que les sociétés musulmanes n’en ont pas encore épuisé le sens, qu’il est encore capable de les inspirer et est ouvert à l’enrichissement. » Amen !

Chems Eddine CHITOUR

»» http://lexpressiondz.com

[1Je ne sais pas qui m’a attaqué : Le Point. 14.08.2013

[7Classement des universités www.arwu.org et www.shanghairanking.com

[12Burhan Ghalioun Islam et politique.p.11 et 10, Edtions Casbah 1997


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Les caisses noires du patronat
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Je ne pense plus que les journalistes devraient bénéficier d’une immunité particulière lorsqu’ils se trompent à ce point, à chaque fois, et que des gens meurent dans le processus. Je préfère les appeler "combattants des médias" et je pense que c’est une description juste et précise du rôle qu’ils jouent dans les guerres aujourd’hui.

Sharmine Narwani

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