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La dignité humaine - Les justiciers du Net des utopistes

« L’Amérique a des responsabilités et des intérêts globaux, mondiaux. Toute nouvelle tendance, tout mouvement imprévu sur la planète peuvent avoir un impact sur son bien-être et sa sécurité. Elle doit donc avoir la capacité d’être renseignée partout, non seulement sur ses ennemis, mais aussi sur ses amis. » Zbigniew Brzezinski. Interview 16 décembre 1998 Nouvel Obs.

Cette sentence de Zbigniew Brzezinsky explique plus que mille discours la stratégie américaine concernant sa tentation d’empire qui fait qu’elle doit toujours être la meilleure et gouverner d’une façon ou d’une autre le monde, en commençant naturellement par la nécessité d’avoir du renseignement sur tout le monde tout le temps, même sur ses propres alliés en théorie. De ce fait, il est pour le moins hypocrite que les vassaux de l’Empire fassent preuve d’étonnement, voire être scandalisés parce qu’ils savent depuis toujours, sans oublier que naturellement eux aussi espionnent les autres, notamment les plus faibles et même les citoyens de leur pays au mépris des lois.

Un scoop en forme de flop

Les Etats-Unis espionnent l’Europe ! Les médias et les hommes politiques crient au scandale !

« Les Etats-Unis ont, en effet, installé des micros électroniques dans les bureaux de l’Union européenne à New York et à Washington, une révélation de plus sur l’opération de collecte de renseignements à grande échelle qui visait des ambassades et des missions à l’étranger, selon une nouvelle information publiée par The Guardian. Ces révélations publiées après celles du Spiegel, font partie des documents rendus publics par l’ancien agent de la NSA Edward Snowden. (...) Toutes ces techniques d’espionnage peuvent être utilisées à des fins d’intelligence économique. » (1)

Fin mai, Edward Snowden, un ancien collaborateur de la NSA, avait révélé à la presse un vaste programme de surveillance des citoyens, du nom de Prism, mis en place par cette agence. Bien que Washington ait annulé le passeport de Snowden et appelé les autres pays à l’empêcher de voyager, l’informaticien a réussi à quitter Hong Kong pour Moscou. Il a demandé l’asile politique à l’Equateur. Dans une tribune publiée par plusieurs journaux européens, Julian Assange le cofondateur de WikiLeaks et le directeur général de Reporters sans frontières plaident pour que, au nom de la liberté de la presse et du droit à l’information, les Etats européens accordent le droit d’asile au lanceur d’alerte qui a dévoilé les écoutes de la NSA. « L’Europe ne devrait pas rester indifférente au sort de Snowden » écrit Gazeta Wyborcza, insistant sur le fait que les Européens «  doivent empêcher que le lanceur d’alerte américain soit envoyé en prison à vie aux Etats-Unis simplement pour avoir révélé des activités qu’il considère comme illégales. » (2)

Aux dernières nouvelles, le Venezuela et le Nicaragua sont prêts à lui donner l’asile politique.

Les nouvelles révélations sur l’espionnage dont les ambassades et les délégations des pays de l’UE aux Etats-Unis ont fait l’objet de la part de la NSA américaine ont créé un choc chez les alliés européens et la réaction - entre indignation et fatalisme - de la presse européenne. Le 30 juin, Der Spiegel a révélé que la représentation diplomatique de l’Union à Washington, ainsi que celle auprès de l’ONU de New York et certains bâtiments du Conseil à Bruxelles étaient sur écoute du programme de la NSA "Dropmire". Le même jour, The Guardian a raconté que la France, l’Italie et la Grèce figuraient parmi les cibles privilégiées de l’agence américaine. De quoi provoquer l’embarras des Européens, à une semaine de l’ouverture des négociations du traité transatlantique de libre-échange (Ttip).

En Allemagne, Die Welt, qui titre "L’Allemagne et l’UE dans le viseur des agents américains", tente de dédramatiser la situation. Dans son commentaire, le journal écrit ainsi qu’il n’est « pas sympa d’espionner ses amis, [...] mais que cela arrive tant dans la vie privée que dans la politique » .(3)

Enfin, La Commission européenne a répété qu’elle était "préoccupée" par Prism, le programme américain de surveillance électronique dirigé par l’Agence nationale de sécurité (NSA) qui lui permet d’accéder aux données d’étrangers, notamment européens. Inhabituellement discrète, Viviane Reding, la commissaire à la Justice, n’a pas pointé du doigt les Etats-Unis, avec lesquels, a expliqué sa porte-parole, elle évoque "systématiquement" les droits des citoyens européens.(4)

L’hypocrisie de l’Europe qui se savait espionnée, notamment depuis 2001

La levée de boucliers tout à fait hypocrite ne s’explique que par le fait que les autorités veulent donner le change à leurs opinions nationales. Ces rodomontades n’impressionnent personne et surtout pas les Etats-Unis qui ont réagi avec condescendance, voire avec une sorte de mépris. « Nous vous espionnons et alors ? » semblent dire les Américains De nombreux pays collaborent depuis longtemps avec la NSA Il y a "une certaine ironie", commente Der Standard, dans la demande faite le 10 juin par plusieurs eurodéputés au Parlement européen de réagir aux révélations sur la surveillance des communications électroniques par la NSA américaine. Le quotidien viennois rappelle en effet que le phénomène ne date pas d’hier : en 2001 déjà, le Parlement avait mis en place une commission sur le système d’espionnage international Echelon : Six jours avant les attaques du 11 septembre, cette commission n’avait plus aucun doute sur l’existence d’un système d’écoutes global des communications, mis en place par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada.

«  Lorsque tout le monde feint la surprise, il est temps lit-on sur le site alternatif Le Grandsoir, de rafraîchir les mémoires... avec un article du Monde diplomatique daté de 1999. Avec un budget annuel de 26,7 milliards de dollars les services de renseignement américains sont les mieux dotés de la planète. Des alliances stratégiques et une technologie puissante leur permettent d’espionner de manière routinière téléphone, fax et courrier électronique dans le monde entier. Les Etats-Unis sont-ils désormais si puissants qu’ils ne craignent plus les réactions leurs alliés européens ? Il avait fallu l’obstination d’un chercheur néo-zélandais, Nicky Hager, pour dévoiler l’existence d’un formidable réseau de surveillance planétaire, le système Echelon, en place depuis les années 1980... (5)

Mieux encore, on apprend que les gouvernements espionnent leurs propres concitoyens. Les méthodes utilisées sont variées : « Ce peut être un nom propre, un surnom, une formule chimique, de l’argot, un acronyme, dit un expert. On les saisit dans un fichier et on attend. » Dès que l’un de ces mots apparaît, l’ordinateur revient en arrière et enregistre la communication depuis le début. A la Dgse, on appelle cela la « veille » ou « la pêche au chalut ». « Pour les e-mails, ces tris informatiques sont très efficaces », dit un autre spécialiste. Il ajoute : « Etant donné les capacités des ordinateurs, on peut, de la sorte, filtrer plusieurs millions de messages électroniques par minute. Un bon moteur de recherche suffit. Il faut simplement l’adapter à nos besoins. » Selon toute vraisemblance, la Dgse utilise l’outil de recherche développé par la société française Lexiquest. » (6)

Qui sont ces justiciers du Net ?

Qui sont ces personnages responsables qui risquent leur carrière, voire leur vie, pour témoigner du dérèglement du monde et qui mettent au grand jour le double standard entre ce qui est dit par les puissants de ce monde, Droits de l’homme, générosité, empathie, solidarité..et ce qui est fait réellement ? Les révélations faites permettent de mettre à nu la triste réalité du monde. Comme nous le lisons sur le journal Le Courrier International : « D’Edward Snowden, l’ancien employé de la CIA qui a révélé les abus de la NSA, à Sean Parker, le fondateur de Napster, ou encore à Jason Trigg, richissime analyste qui redistribue l’essentiel de ses revenus, portraits de ces geeks qui tentent de changer le monde. Edward Snowden, Bradley Manning, Julian Assange, Aaron Swartz ou encore Sean Parker... Qu’ils soient lanceurs d’alerte, bidouilleurs informatiques de génie ou gourous de la Silicon Valley, ces jeunes - pour la plupart âgés de moins de 30 ans - font la pluie et le beau temps sur le Net et au-delà. Ils déstabilisent des gouvernements (lire cet article), édictent les règles à observer en ligne ou rêvent de sauver le monde à leur manière (lire cet article). Mais ils sont aussi de plus en plus critiqués pour leur arrogance, leur pouvoir et leur influence. Bienvenue dans l’ère des mégalogeeks. » (7)

Le point commun entre Edward Snowden, Bradley Manning ou Julian Assange ? Un goût immodéré pour les nouvelles technologies, un refus de l’autorité et la défense d’un credo libertaire. A Wall Street, Jason Trigg analyste quantitatif gagne beaucoup d’argent pour mieux le redistribuer dans des pays en développement. Sean Parker, fondateur de Napster et premier président de Facebook, ce gourou du Net fait la pluie et le beau temps sur la Toile. Non sans s’attirer des inimitiés. ».(7)

L’alignement sans état d’âme de l’Europe sur les Etats-Unis

La réalité est beaucoup plus simple, l’Europe est peut-être une puissance économique même sur la pente d’un déclin inexorable, mais elle a perdu son âme par un alignement sans discernement sur ce que dicte Washington. Philippe Grasset nous explique cela en opposant la politique gaullienne à ce qui se passe maintenant : « On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en criant "L’Europe ! L’Europe ! L’Europe !"... », disait fameusement le général en 1965. Il doit bien rire. Ils ne sautent plus sur leurs chaises et ne crient plus « L’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! » ; non, ils font leur coup en douce, comme des petits commissionnaires des dernières instruction impératives, montrant le complet alignement de l’Europe sur les consignes-Système des USA, après qu’on ait montré, deux jours auparavant, qu’on les espionnait comme dans des latrines à tous vents.

Revenant sur l’arraisonnement scandaleux de l’avion de Evo Morales, il écrit : « Qu’un ministre bolivien, Ruben Saavedra de la Défense, qui était dans l’avion avec Morales puisse déclarer comme s’il parlait des gouvernements européens comme de services annexes du département d’État, pour lesquels il suffit d’appuyer sur un bouton pour qu’ils agissent comme on a décidé pour eux : « C’est un acte d’hostilité de la part des Etats-Unis qui ont utilisé différents gouvernements européens » (...) « L’avion d’Evo Morales, le président bolivien, a été forcé d’atterrir à Vienne, mercredi 3 juillet parce qu’il était soupçonné de transporter Edward Snowden, le lanceur d’alerte en fuite. Morales revenait d’un meeting sur l’énergie à Moscou qui s’était tenu mardi et au cours duquel il avait déclaré à la TV russe, que la Bolivie envisageait d’accorder l’asile politique à Snowden. Il a dit qu’il tenait beaucoup à protéger les lanceurs d’alerte. » Selon les médias, la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal ont fermé leur espace aérien à son avion. Morales, son ministre de la défense, Ruben Saavedra, et l’équipage de l’avion ont été obligés d’attendre dans le salon VIP de l’aéroport autrichien. Le ministre des Affaires étrangères autrichien a depuis confirmé que Snowden n’était pas à bord de l’avion. Tous les pays, sauf l’Espagne - lui ont ensuite rouvert leur espace aérien « Les pays de l’UE, qui font partie de l’UE, sont donc confrontés à une véritable schizophrénie de leurs psychologies. D’un côté, ils sont victimes de l’agression de ce puissant élément constitutif du Système qu’est le complexe de surveillance avec la NSA au centre, et leur réaction reste malgré tout furieuse et d’une intense frustration, d’être l’objet de surveillance et espionnage illégaux, intrusifs, sans aucun respect de la souveraineté et dans des conditions frisant la trahison des liens d’alliance, - et essentiellement, sinon, exclusivement parce que tout cela est étalé publiquement. D’un autre côté, ils sont les complices, voire les serviteurs inconditionnels du Système et ses obligés bien sûr, et ils jugent leurs destins liés au sien. Par conséquent, il doit leur apparaître également impératif de tout faire pour assurer sa protection au niveau d’un de ses composants essentiels, y compris les actes les plus illégaux. Dans ce cas, la frustration d’être la victime des actes de surveillance du monstre est complétée d’une façon horriblement antagoniste par la panique communicative de la psychologie du monstre devant de prétendues "menaces" contre l’intégrité de sa puissance... » (8)

Quelles sont les conséquences ?

« Le scandale d’espionnage de données menace les négociations sur un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’UE » titre le Financial Times, « A la veille de l’ouverture des négociations, les entreprises américaines de technologie ansi que les compagnies de services financiers ont fait campagne pour assouplir les restrictions sur le partage de données entre l’Europe et les Etats-Unis » rappelle le FT. (9)

Sans état d’âme, les Européens guidés par le président Barroso qui a tout fait pour amoindrir, voire annihiler cet incident-pensant vraisemblablement à se ménager les Etats-Unis, du fait qu’on lui prête l’ambition démesurée aidant, l’intention de briguer le poste de secrétaire général de l’Otan.

Après avoir laminé l’Europe et l’avoir rendue économiquement exsangue, ils s’apprêtent à faire avaler la dernière couleuvre ; celle de négociations avec les Etats-Unis sur ce qui n’a pas été déjà obtenu, à savoir, les restrictions concernant le désarmement concernant les productions d’OGM,où globalement l’Europe avait des velléités de maintenir un principe de précaution qui aura vécu. Dans ce combat démesuré, l’entêtement de la France pour son exception culturelle malgré la pression de la Commission, parait être un combat pathétique digne pour lutter contre la vulgate planétaire et la macdonalisation de la culture. Le combat est magnifique, mais la cause est entendue, le laminoir de l’uniformisation est en marche.

Chems Eddine CHITOUR

1. http://www.presseurop.eu/fr/content/news-brief/3927781-de-nouvelles-fuites-revelent-comment-les-etats-unis-ecoutent-ses-allies-e

2. Pourquoi l’Europe doit protéger Edward Snowden Le Monde 5 juillet 2013

3. http://www.presseurop.eu/fr/content/press-review/3929001-l-oncle-sam-se-comporte-tres-tres-mal

4. http://www.presseurop.eu/fr/content/article/3868671-les-espions-americains-comme-chez-eux-en-europe

5. Philippe Rivière, juillet 1999 http://www.monde-diplomatique.fr/mav/46/RIVIERE/m1

6. http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/07/04/comment-la-france-ecoute-le-monde.html#xtor=EPR-3-[Actu17h]-20130706

7.http://www.courrierinternational.com/article/2013/06/26/les-justiciers-du-net?page=2#page_2

8.Philippe Grasset ; Dedefensa http://www.oulala.info/2013/07/qui-dit-quil-y-a-pas-deurope-et-celle-de-linfamie/#sthash.M2eUvXp3.dpuf

9. Le scandale PRISM menace l’accord de libre-échange Presseurop 10 juin 2013


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