Pour moi, qui a commencé par rencontrer des cubains ici en Europe, qui me suit documenté sur Cuba et qui est allé plusieurs fois dans l’àŽle, ce documentaire commence fort mal. Dans la première phrase, il est fait allusion à la révolution castriste. Aucun cubain n’utilisera jamais ce mot car même pour un cubain qui considère ses politiciens comme corrompus (il y en a), la révolution cubaine est d’abord pour lui synonyme d’indépendance et de liberté. Et il ne souhaitera pas un changement de système mais sa transformation depuis la base. De plus, ce n’est pas la révolution qui a porté Fidel Castro au pouvoir, mais une série de grèves générales, donc un mouvement populaire, qui suivit le triomphe de la révolution.
Cependant, ce documentaire est plus qu’un assemblage de clichés car il comporte quand même quelques vérités sur la cuba d’aujourd’hui, Il dit par exemple qu’après restauration, les familles récupèrent leurs logements et qu’il n’y a donc pas de phénomène d’embourgeoisement des centres villes. Et c’est vrai. Il y a aussi des hlm à Cuba, mais moins que chez nous, et j’ai pu voir des ouvriers qui habitent avec leur famille dans des maisons coloniales du XVI siècle, et pas rien qu’à la Havane. Imagines ce genre de maison, le plafond est à 5 mètres de haut, il y a souvent encore le lustre en cristal d’époque qui trône sous le plafond du salon, le jardin est assez grand pour pouvoir même y faire un peu d’élevage et y planter des arbres.
Par contre, où ce documentaire ne me satisfait pas est dans la mise en perspective. Pas un mot ou presque n’est dit sur le blocus ni sur la catastrophe économique qu’a représenté pour Cuba la fin du bloc de l’est. De même, quand il est fait référence aux années 50, il est dit que le tourisme y fut développé, mais sous une forme différente. Curieux euphémisme pour dire que tous les hôtels et casinos étaient tenus par la mafia, que tout le reste de ce qui rapportait de l’argent étaient propriété de firmes US, que la plus grande partie de l’àŽle était pauvre, la majorité de ses habitants étaient des illettrés qui n’avaient un travail, et donc un revenu, que pendant les 2 ou 3 mois de la récolte de canne à sucre, et que le seul débouché pour une jeune fille était la prostitution.
Un bon moment du documentaire est l’interview de Gregory, un canadien qui habite depuis 15 ans à la Havane. On voit aussi que la présentatrice du documentaire, soit a déjà été à Cuba, soit s’est bien renseignée avant de faire ses documentaires. Ses équipements de baseball, surtout les gants, ont du faire des heureux car en raison du blocus, il est très difficile d’en trouver qui soient de bonne qualité à Cuba. Comme il est très difficile pour un pécheur cubain de trouver du fil de pèche ou des hameçons de qualité.
La présentation des jardins urbains de la Habane est rudimentaire. Ce système est présent dans tout Cuba, et s’il n’y a pas de grands marchés comme chez nous, il y en a beaucoup de petits, sans compter les marchands ambulants qui vendent directement leur production aux particuliers. Des entreprises ont aussi leurs propre jardins potagers qui alimente leur restaurants. J’ai pu même voir des jardins potagers même autour des postes de police.
Par contre, où je ne suis pas du tout d’accord, c’est quand en guise de conclusion il est dit que la Havane est comme figée dans le temps dans les années 50. Ceci n’est que la surface des choses, surface qui s’écaille vite pour qui sait se documenter sur Cuba et laisser son carnet d’adresses à la maison quand i va dans l’àŽle. Cuba a su se remettre de la catastrophe économique causée par la fin du bloc de l’est. Son gouvernement a réussi alors la gageure, dans une économie en perdition, d’augmenter ses dépenses sociales et d’investir pour diversifier l’économie du pays. Ces efforts portent aujourd’hui leurs fruits, et même si bien des choses simples chez nous peuvent être très compliquées à Cuba, ce pays reste un endroit où il fait bon vivre et où l’ingéniosité ne se limite pas, comme pourrait le faire penser ce documentaire, aux choses de tous les jours. Par exemple, une des priorités des programmes de développement économique de l’àŽle est, dans la mesure du possible, de développer des procédés artisanaux qui permettent de produire des produits de première qualité. Cette façon de faire à le double avantage supplémentaire (outre la qualité des produits), de permettre de délocaliser la production près des habitants et près des lieux de production des matières premières, ainsi que de permettre d’employer plus de personnel.
Un tel développement n’est pas ce que j’appelle être figé dans le passé mais bien plutôt. en bon français, être à l’avant-garde du progrès. Voir par exemple The Power of Community : How Cuba Survived Peak Oil (Désoé, c’est en anglais...)
Je mettrais aussi un bémol quand il est dit que beaucoup de cubains se comparent au USA et considèrent que l’introduction du capitalisme à Cuba mettraient à disposition de tous un tas de biens de consommation. Si cela est vrai chez beaucoup de jeunes, dés qu’ils ont fondé une famille, la plupart changent d’avis car il savent bien qu’aucun autre pays de la planète ne fait autant en termes de bien-être pour ses jeunes que Cuba. Par exemple, Cuba représente 2% de la population de l’Amérique latine et compte 11% de ses scientifiques.
Bref, j’hésite encore entre l’indulgence et le garder ou l’effacer de mon disque dur.