RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
L’art de la guerre

Le reality show du Pentagone

Les commandos se jettent à la mer du haut d’un hélicoptère et, arrivés sur la rive en canot pneumatique, éliminent les ennemis avec leurs fusils d’assaut, minent un dépôt et le font exploser tandis qu’ils repartent accrochés à l’hélicoptère. Ceux qui accomplissent l’action ne sont pas des marines ou des Navy Seals, mais des acteurs, chanteurs, champions sportifs ou hommes d’affaires connus. Recrutés par la chaîne étasunienne NBC pour le reality show « Stars Earn Stripes »[1], entraînés et accompagnés dans l’action par de véritables commandos, dont les Bérets Verts.

Le but du reality, explique NBC, est de rendre hommage à « nos héros » qui reviennent des guerres, en montrant « quelles incroyables missions ils accomplissent dans la réalité ». Chaque compétiteur concourt pour une somme d’argent, qu’il laissera à une association en faveur des militaires, poussant ainsi les téléspectateurs à contribuer de leur poche. Mais ce qui rend unique le reality est son conducteur exceptionnel : le général Wesley Clark, ex-Commandant suprême allié en Europe de 1997 à 2000. C’est lui qui planifie les missions des concurrents, qui les guide et les juge. L’expérience ne lui manque pas : c’est lui qui planifia et commanda la guerre contre la Yougoslavie. Une fois au repos, Clark a écrit des livres et tenu des leçons sur comment « conduire et gagner la guerre moderne », sur la base de celle de 1999. Ce fut la première guerre effectuée par l’Otan dans ses 50 années d’histoire, explique Clark, pour « mettre fin à l’épuration ethnique de Milosevic contre les Albanais du Kosovo ». Une guerre dans laquelle «  l’Amérique (Etats-Unis d’Amérique, NdT) fournît son leadership et choisît les objectifs à frapper ».

Mais le Pentagone en fit « une guerre Otan », en impliquant les alliés qui effectuèrent 60% des attaques aériennes. De cette façon, Wesley Clark décrit le palimpseste d’un autre reality show, bien plus important que celui de la NBC, que le Pentagone diffuse sur les ondes en mondovision pour faire apparaître comme réel ce qui ne l’est pas, en camouflant les causes et les buts de la guerre. Il s’en tient pour cela à deux règles : focaliser l’attention de l’opinion publique sur l’ennemi numéro un du moment (Milosevic, Ben Laden, Saddam Hussein, Khadafi, Assad, Ahmadinejad) en montrant combien il est dangereux, et combien est juste et urgente l’intervention militaire ; impliquer les alliés, mais de telle sorte que ce soit toujours les Etats-Unis qui aient le leadership.

Dans le reality show de la guerre il est permis de fabriquer des « preuves » contre les ennemis : comme celles présentées à l’Onu par le secrétaire d’état Colin Powell, le 5 février 2003, pour démontrer que l’Irak possédait des armes biologiques de destruction massive. « Preuves » dont Powell lui-même a ensuite admis la fausseté, en demandant à la CIA et au Pentagone d’expliquer pourquoi ils lui avaient fourni des « informations inexactes ». Mais désormais le reality show de la guerre est passé à de nouveaux épisodes : maintenant on accuse l’Iran de vouloir fabriquer des armes nucléaires (en feignant d’ignorer qu’Israël en possède depuis des décennies, et les tient pointées contre l’Iran et d’autres pays).

Des transmissions populaires comme « Stars Earn Stripes » contribuent aussi à alimenter l’idée de l’ennemi et de la nécessité de se défendre. Wesley Clark pourrait la transmettre aussi en Italie, en embauchant un figurant exceptionnel : Massimo D’Alema, qui en 1999, quand il était président du conseil, mit les bases et les forces armées italiennes aux ordres du futur conducteur du reality show « Stars Earn Stripes ».

Manlio Dinucci

Edition de mardi 21 août 2012 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120821/m...

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

[1] « Des stars gagnent leurs galons ».

URL de cet article 17506
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Histoire du fascisme aux États-Unis
Larry Lee Portis
Deux tendances contradictoires se côtoient dans l’évolution politique du pays : la préservation des “ libertés fondamentales” et la tentative de bafouer celles-ci dès que la “ nation” semble menacée. Entre mythe et réalité, les États-Unis se désignent comme les champions de la « démocratie » alors que la conformité et la répression dominent la culture politique. Depuis la création des États-Unis et son idéologie nationaliste jusqu’à George W. Bush et la droite chrétienne, en passant par les milices privées, (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Une fois que vous avez vu certaines choses, vous ne pouvez pas les -voir. Et ne rien voir est autant un acte politique que de voir quelque chose.

Arundhati Roy

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.