Il est sûr que la question est franchement triviale au moment où le monde retient son souffle face à la crise financière causée par les banques. Mais Mark (Sir Mark, d’ailleurs et j’y reviendrai) étant le fils de la femme politique ayant le plus contribué à la dictature de la finance et à la propagation de la misère en Europe et ailleurs, il n’est peut-être pas si inutile que cela de se pencher un instant sur le destin de ce grand garçon de 58 ans qui, justement, est le produit d’un monde, de valeurs, d’habitus que, j’en mettrais ma main au feu, les lecteurs du Grand Soir honnissent à qui mieux mieux. Cela dit, sans le thatchérisme, des films tels que My Beautiful Laundrette, Brassed Off (Les virtuoses), The Full Monty ou Raining Stones n’auraient pas vu le jour. Merci Maggie !
Mark est l’un des deux enfants de Margaret, une chimiste de bon niveau ayant le virus de la politique chevillé au corps (elle fut, à vingt-cinq ans, la plus jeune candidate aux élections législatives de 1950) et de Denis, un homme d’affaires traumatisé par le départ de sa première femme au point qu’il cacha le divorce à ses enfants pendant plusieurs dizaines d’années. Conservateur bon teint, Denis a toujours eu son franc-parler. Un jour que la duchesse d’York - qui fut un temps une des belles-filles de la reine et qui avait la distinction naturelle d’un tracteur agricole - se plaignait devant lui du traitement que les journalistes lui infligeaient, Denis répondit à l’altesse : « Avez-vous pensé à fermer votre clapet ? »
Mark est le frère jumeau de Carol. Malgré ses échecs à répétition, il sera toujours le chéri de sa maman alors que sa jumelle est, depuis trente ans, une journaliste et écrivaine d’un certain renom. Mark ne risquait pas ce parcours. Il échoue trois fois au diplôme de comptable (malgré de longues études au collège de Harrow, l’une des meilleures institutions privées du pays) avant de se lancer dans une carrière professionnelle un peu cahoteuse : représentant en bijoux de luxe, mannequin à Hongkong et en Afrique du Sud, employé de la firme Lotus (les automobiles, pas le papier). Mark a la passion de la voiture. Maman va jouer de son influence pour qu’il puisse prendre la tête d’une écurie de second rang : Mark Thatcher Racing. Mais l’écurie est parrainée par une entreprise de textile japonaise alors que le textile britannique licencie en masse. Il participe deux fois aux 24 heures du Mans au début des années quatre-vingt et s’inscrit au Paris-Dakar en 1982. Il se perd pendant six jours dans le désert algérien et doit la vie sauve aux recherches de l’armée instiguées par le président du pays à la demande pressante de sa maman qui, dit-on, versera les seules larmes publiques de sa vie.
Dès lors, il déraille. Il semble qu’il ait vendu des armes à Saddam Hussein avant de se marier au Texas avec la fille d’un milliardaire puis d’aller vivre en Afrique du Sud. Au Cap, sa résidence est voisine de celle du mercenaire Simon Mann. Le 25 août 2004, Mark est arrêté en Afrique du Sud, accusé d’avoir financé un coup d’État en Guinée équatoriale, petit pays riche en pétrole. Selon certaines sources, l’agression, qui visait à renverser le président Obiang, aurait été organisée par le MI6 et Simon Mann. Le 13 janvier 2005, Mark plaide coupable et reconnaît avoir financé « des activités mercenaires » à hauteur de 275000 dollars. Mais il nie avoir participé au putsch lui-même. Il est condamné à une amende de 380000 euros et à quatre ans de prison avec sursis. Il est assigné à résidence, mais quitte illégalement et illico presto le pays pour rejoindre les siens aux États-Unis. Le 29 mars 2008, la Guinée équatoriale lance un mandat d’arrêt international contre lui. Il se serait remarié deux jours plus tôt.
Pendant des années, Mark n’a cessé de profiter de son statut officieux de fils à maman. Ainsi en 1984, au Texas, il exige une garde rapprochée permanente payée par le contribuable britannique. Comme ces 12000 livres de protection passent mal, il propose d’être nommé consul honoraire aux États-Unis afin que la facture soit transmise au gouvernement de ce pays.
Selon un des numéros du Figaro de l’époque, Mark tente, en 2005, de s’installer à Monaco de manière permanente. Le prince Albert refuse pour des raisons « éthiques ». Si, si !
Mark jouit du titre de baronnet (« The Honourable Mark ») depuis la mort de son père en 2003. Sir Denis avait été promu au baronnage en 1991. C’était la première fois depuis 1964 que le conjoint d’un personnage politique éminent bénéficiait d’un tel honneur.
Mark vivrait actuellement au Moyen-Orient ou dans l’Océan indien. Il n’est pas certain que maman, qui souffre de démence vasculaire depuis une dizaine d’années, connaisse son adresse précise.
Bernard Gensane
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