RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Maxime Vivas : le gai Huron du Lauragais

C’est sûrement parce qu’il est enraciné dans les monts du Lauragais que Maxime Vivas a pu nous livrer avec ce roman une nouvelle version de l’ébahissement du Candide face aux techniques asservissantes censées libérer les humains.

Soit, donc, un Huron né à des milliers de kilomètres de l’Hexagone, sur l’àŽle Motapa, d’une mère motapienne et d’un père parisien. A l’âge de 25 ans, ce narrateur décide de voir Paris.

Motapa est une île de paix, de sagesse, de tranquillité. La lave de son volcan charrie suffisamment de pépites d’or pour que les habitants vivent sans souci matériel, mais pas assez pour qu’ils aient la tentation de se lancer dans la guerre quotidienne imposée par les Marchés.

Paris sent mauvais et ses habitants sont frappés par une épidémie d’otites : un passant sur deux marche en se tenant l’oreille. Ils parlent tout seuls, leur phrase favorite étant : « T’es ou ? ».

Le taux de mortalité chez les usagers du métro est effrayant, si on en juge par la tête des voyageurs qui « viennent tous de perdre un être cher. » Dans de nombreuses rues, « des voyous ont défiguré des façades et des portes cochères avec des graffitis incompréhensibles, mélange de sanscrit, d’écriture arabe et cyrillique avec une once de hiéroglyphes. Ces voyous sont peut-être les mêmes qui parlent à l’envers parce qu’ils portent leur casquette à l’envers.

Le fleuve qui traverse la ville est un immense cloaque à ciel ouvert que le narrateur verrait bien entièrement recouvert.

Le Huron est atterré par les notices explicatives traduites du japonais par ordinateur (« remarkes générals : ce appareille a étai concevu pour fonctionnaliser en position horizontaux ») et par la déréalisation totale des rapports humains dans une ère qui se veut de communication (« si vous possédez un Toshni B 60 référencé RTM/C 14-78-21 W XHP/03, tapez 1 »).

La pratique des réseaux sociaux tend à faire croire que nous existons pour l’autre en temps réel, alors que nous ne sommes que des adorateurs passifs de « la Déesse L secondée par Aude Ébit ».

Le Huron de Motapa est sidéré par la pratique des grands sports collectifs, dont l’objectif est de « réunir le maximum de supporters (divisés en deux camps qui se haïssent) et provoquer le bruyant enthousiasme de l’un en administrant à l’adversaire une sévère correction dont il sortira humilié. »

Mine de rien, ce (trop) court livre est une dénonciation magistrale par l’absurde du modernisme effréné de notre - ne disons pas civilisation - organisation.

Bernard GENSANE

Maxime Vivas. Paris terre d’asile. Paris : Le léopard Démasqué, 2012.

http://bernard-gensane.over-blog.com/

URL de cet article 17146
   
Même Auteur
Le cauchemar de Humboldt de Franz Schultheis
Bernard GENSANE
Bien qu’un peu long, ce compte-rendu rend à peine justice à la richesse de cet ouvrage indispensable à ceux qui veulent comprendre pourquoi, par exemple, la première contre-réforme imposée par Sarkozy fut celle des universités. On pourrait commencer par cette forte affirmation de 1991 de sir Douglas Hague, universitaire britannique de haut niveau, professeur de sciences économique, spécialiste du " marché de l’éducation " et, ô surprise, ancien conseiller de Madame Thatcher : (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le domaine de la liberté commence là où s’arrête le travail déterminé par la nécessité.

Karl Marx

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.