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Le peuple-classe comme très large fraction de peuple dominé.

Un mot pour l’en-bas large.

La domination est vue comme interne et vient d’en-haut. Elle peut aussi venir du dehors (eux-nous) le eux pouvant d’ailleurs être soit un en-haut externe (ex la troika) ou un en-bas externe ( ex : les sans-papiers) mais ici c’est le rapport "en-haut" contre "en-bas" qui est privilégié.

Dire cela ne va pas de soi pourtant le terme "peuple-classe" n’est pas nouveau mais il est peut connu. Il mérite d’être actualisé avec un sens large.

1) Le terme même de "peuple-classe" n’est pas nouveau.

Si l’on veut bien laisser de côté le peuple-classe juif lié à une théorisation très particulière le terme vient (à ma connaissance) de l’étude du populisme (Meny et Surel) . L’analyse du populisme se doit en effet de préciser notamment les différents sens du mot peuple pour déployer sa fonction clarificatrice. Car contrairement au préjugé
courant qui privilégie une notion englobante le mot peuple est polysémique. Le peuple-classe se réfère alors à une conception historique proche de plèbe ou de populace. Mais on trouve des exemples récents comme en Grande Bretagne avec le mépris de classe contre "la populace mal éduquée des banlieues"

Il faut remarquer que le mot peuple prend aussi un sens socio-économique moderne avec le mot "couches populaires" mais dans un sens tout aussi restreint - employés et ouvriers-(en-bas) et toujours pas au sens large.
Il manque donc un mot pour dire "le peuple moins la classe dominante". Ce n’est pas neutre. Les mots, le fait de nommer l’envers de la classe dominante a un impact social et politique.

Et cet envers n’est pas que le seul salariat et pour certains ce n’est pas d’ailleurs pas totalement le salariat puisqu’il existe une petite minorité de salariés "bourgeois" qui perçoivent un salaire privé ou même un traitement public mais il font aussi partie de la classe dominante de part la possession d’un patrimoine important et de revenus
particulièrement élevés. Mais laissons ce point qui fait débat . Il faudrait aussi parler de l’encadrement capitaliste comme petite-bourgeoisie salariée au sein du peuple-classe car fraction dominée objectivement quoique payée pour renforcer la domination de la classe dominante. L’encadrement capitaliste ainsi d’ailleurs que son
excroissance administrative dans les fonctions publiques ne font pas grève et ne votent généralement pas à gauche, sauf pour une gauche d’accompagnement social du capitalisme.

2) La notion actualisée avec un sens large est scientifique.

Elle dit une vérité, elle dévoile un manque et elle dérange.

De plus elle est ouverte car elle peut intégrer plusieurs théorisations internes tant marxistes orthodoxes que néomarxiste altermondialiste ou même celles en terme stratificationniste de couches sociales.

L’ouverture vaut vers le haut également car le peuple-classe s’oppose aussi bien à la classe dominante des marxistes qu’à l’oligarchie néolibérale des démocrates.

La notion de peuple-classe au sens large est donc issu d’une part du mixage des deux ordres de groupes humains existants celui des peuples et celui des classes et ce pour plusieurs raisons.

Elle prend en charge théoriquement le propos scientifique et critique des Pinçon-Charlot de la bourgeoisie comme classe dominante objective et subjective. Les autres classes dominées existent bien mais elles sont à 
objectivité contestée (plusieurs théories des classes sociales en présence sans parler des conceptions stratificationnistes en termes de couches sociales) et à subjectivité faible (division, poids de la domination, fatigue de l’exploitation, etc).

Elle vient aussi d’une double insatisfaction :
 d’une part, celle de peuple d’une part qui est mystificatrice car à double sens tantôt englobante (en-haut et en-bas confondu) tantôt en contradiction (peuple contre un en-haut et pas un "eux" extérieur) le tout dans un univers sémantique riche et donc plus largement polysémique dès que l’on veut bien se pencher sur les significations du mot mais sans se laisser subjuguer par une diversité sans hiérarchie ;
 d’autre part, celle de classe qui perdure fort heureusement mais qui a perdu du sens pour les masses populaires (on l’a dit) mais pas du côté de la classe dominante et son oligarchie. Cette classe n’a pas besoin de théoriser longuement sa constitution en classe ni son entretien ni sa domination. Elle pratique un collectivisme subjectif et cela lui suffit.

Il y a donc bien des classes dans le peuple-classe mais elles ne sont pas clairement définies de nos jours. On en trouvent plusieurs théorisations. Sans parler des conceptions stratificationnistes ! Le salariat n’est pas perçu comme une classe car elle est si extensive qu’on y trouve des bourgeois. Et je dis rien de "l’encadrement capitaliste". Quand à la "classe ouvrière", elle est devenue une simple catégorie socioprofessionnelle parmi d’autres. Les employés sont souvent mis à côté d’eux pour évoquer les "couches populaires". Certains (dont moi) évoquent un salariat prolétaire distinct d’un salariat petit-bourgeois (sans portée péjorative).

Le peuple-classe est pertinent scientifiquement car il dérange socialement. Il évacue la notion devenue classique entendue comme groupe limité en nombre et donc peu dangereux, à l’image jadis du "solo" de la classe ouvrière . Ceci dit on pourra toujours parler de "couches populaires" car il n’y a évidemment aucune police de la pensée. Il existe aussi les pesanteurs langagières.

La pensée dominante évite l’usage du peuple socio-économique large car le peuple-classe forme précisément la plus large fraction de la population ce qui est dangereux. Voir les "couches populaires" dangereuses comme tout en-bas permet soit des politiques sécuritaires soit des politiques compassionnelles mais pas la visualisation d’un
rapport de force massif pour une nouvelle forme d’ Etat, un autre Etat social.

 Blocage épistémologique ou temps long de reconnaissance et validation nécessaire ?

Pourquoi persiste-t-on à employer la terminologie "couches populaires" au sens restreint (ouvriers et employés) et non pas au sens larges (couches modestes et couches moyennes si l’on veut parler en couches ou travailleurs prolétaires et petite-bourgeoisie en termes de classes sociales). A défaut du terme. Il y a peuple-classe désormais.

Pourquoi ATTAC dont je fais parti persiste à dire "les peuples contre la finance" alors que ce sont les peuples-classe qui ont vocation à s’opposer à la finance ? Du moins si la finance est tout autant interne (en-haut) qu’externe (eux). Je comprends qu’ATTAC puisse user d’un détournement du mot peuple qui a massivement un sens englobant :
peuple-nation, peuple tout entier, peuple citoyen, peuple démocratique.
Mais pourquoi ne pas faire oeuvre pédagogique et employer une terminologie plus précise. Avec peuple, en apparence, tout les chats sont gris et l’ennemi est alors dehors sur un axe "eux-nous". Le "eux" pouvant même s’introduire dans le nous mais par le bas : les pauvres migrants ou les pauvres sans-papiers.

Christian DELARUE

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Günter Anders
L’Obsolescence de l’homme (1956)

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