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Remarques sur la guerre impérialiste contre la Syrie

Dans ces huit ou dix derniers mois, les médias de l’Empire américain et des subordonnés s’arrêtent de plus en plus fréquemment à l’expression du Printemps arabe ; et cela dans le but de caractériser les protestations qui font trembler plusieurs pays au monde arabe. Avant toute chose, nous apprécions favorablement le succès du peuple tunisien à renverser un président absolu, Bin Ali, et la réussite des Égyptiens à détrôner un pharaon, Moubarak fils de Ramsès II. Ici, il faut noter à ce propos que le règne du premier dura vingt-quatre ans, tandis que la dynastie du second dépassa les quatre décennies et quelques, sans que les médias de l’Empire ni ceux des provinces européennes, donc impérialistes, eussent fait la moindre allusion à l’atrocité de leur imperium.

En plus, selon les médias de l’Empire, ces deux événements marquent le commencement d’une nouvelle saison, celle du Printemps aux pays des Arabes, où la chaleur arrive, normalement, à des degrés insupportable. Toutefois malheureusement, ce Printemps qui eut commencé Ode à la joie, en Tunisie et en Égypte, devint, précipitamment, un Automne funèbre en Syrie et au Yémen, et un Hiver mortuaire en Libye.

En premier lieu, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait suivant : pour cacher son rôle monstrueux dans les bouleversements qui frappent des régions se trouvant au-delà des frontières géographiques de l’Empire américain et de ses provinciis Europaeis, c’est-à -dire dans des régions où habitent des « Barbares », la machine médiatique de l’Empire se sert d’un « bouquet » d’expressions romantiques, accueillies des jardins parfumés et des oasis paradisiaques à la Baudelaire.

En outre, une première remarque s’impose sur l’usage récent de l’expression Printemps arabe. N’est-il par vrai que cette expression est bricolée par la machine médiatique de l’Empire et de ses subordonnées arabes, telles que les chaînes al-jazeera et al-arabiya ? Rappelons ici que la première est une propriété de l’émir de Qatar, et la deuxième celle de la famille royale saoudite ! Pater de caelis, Deus, Miserere nobis !

De plus, la deuxième remarque que nous tirons, c’est que l’expression du Printemps arabe, qui constitue une nouvelle innovation dans le « parler politique », ne manque pas de couleurs orientalistes. Ici, on parle d’un Printemps, mais qui ne ressemble pas vraiment à celui que nous vîmes en Europe de l’Est, à la période soviétique ; car celui-ci est arabe, donc exotique. D’un côté ce Printemps éveille en nous des moments « Madeleine de Proust », surtout pour ceux qui eurent la chance de lire Les Voyages de Sindbad le marin et Aladin et la lampe merveilleuse ; de l’autre côté, la chaleur étouffante de ce Printemps nous fait remonter loin dans la mémoire, pour arriver à des époques plus froides de l’Histoire du XXe siècle, celles de la Guerre froide.

Bien plus, la troisième remarque se précipite sous nos yeux, une fois qu’un parallèle est établit avec d’autres bouleversements politiques, là où les empreints digitaux de l’Empire furent déjà identifiés. Il n’est que de constater le calepin de l’Empire qui ne manque pas de belles expressions telles que : Printemps de Prague (1968) ; Printemps de Pékin (1989) ; Révolution des Roses (Géorgie, 2003), Révolution orange (Ukraine, 2004) ; Révolution de Jasmin (Tunisie, 2010 - 2011).

Du reste, la quatrième remarque porte sur les événements historiques. Nous ne doutons pas que les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce, comme l’exprime bien Karl Marx dans son célèbre Brumaire. [1] Il en va de même que dans la version syrienne du Printemps arabe, la farce se présente dans le fait que ces présumés « soldats de liberté », que créent l’imagination artistique des médias de l’Empire, ne croient ni à la liberté, ni à la démocratie ni même aux droits de l’Homme.

Pour en finir avec la cinquième remarque, nous sommes persuadés que la Syrie est en pleine guerre contre des groupes armés, soutenus de l’extérieur par les puissances impérialistes. Les attentats des groupes armés contre les institutions de l’État, les assassinats systématiques qui frappent les cadres académiques et scientifiques du pays, ainsi que les actes de violences contre les groupes minoritaires en font preuves.

Parallèlement à ces remarques mentionnées ci-dessus, moult points
d’interrogation se posent sur le rôle que jouent les puissances impérialistes dans l’accroissement des violences en Syrie, et sur la nature de leur discours « philanthrope » contradictoire. Nous limitons ces questions à trois rubriques : 1) le despotisme dans les pays arabes dociles aux Américains ; 2) la question kurde ; 3) les droits du peuple palestinien. Les questions suivantes en font l’illustration :

1. Comment pourrions-nous « avaler » que les émirs et sultans arabes, donc des figures absolutum dominium, appellent à la fin de la « dictature » en Syrie et à l’établissement de la démocratie, tandis qu’ils refusent de libérer leurs propres serfs ? Tel est le cas au Yémen, au Bahreïn et en Arabie saoudite, où l’Empire et ses provinces européennes ne bougent pas donc ; silence on tue.

2. Comment expliquer le fait que le vent khamsin souffle du Sahara vers Damas, sans passer par le Quart vide ? Autrement dit, Comment expliquer le fait que les émirats et sultanats arabes dociles à l’Empire américain survécurent, par hasard, la chaleur étouffante de ce Printemps. Ainsi qu’en témoigne le cas du Bahreïn, où le Roi-Soleil, Hamad II, fit appel à l’armée saoudite pour écraser les protestations pacifiques, qui remplissaient les rues du royaume. Ce qui résulta à l’emprisonnement des milliers de manifestants pacifiques, la mort des centaines, l’exécution des dizaines, et la persécution continue. Quant aux événements du Yémen, voyons le Montesquieu de Sanaa et défenseur de l’Esprit des lois, Ali Abdullah Saleh, s’enorgueillit dans son Palais présidentiel, malgré la guerre civile, les bains de sangs et les tueries tribales qui frappent sa République depuis l’épanouissement des fleurs d’Acacia et de Gardénia, aux premières lueurs du Printemps arabe.

3. Comment expliquer le fait que le sultan ottoman, Erdogan Pacha, chevauche « au secours de l’humanité » en Syrie, tandis que ses janissaires rejettent à pied ferme la question kurde.

4. Comment expliquer le fait que l’Empire américain et ses provinces européennes exigent le droit du peuple syrien à la « liberté », à la « dignité » et à la « démocratie », tandis qu’ils le nient au peuple palestinien ? un droit que l’Empire l’approche aliis si licet, tibi non licet.

5. Comment expliquer le fait que l’Empire américain se précipite au Conseil de sécurité pour en tirer une résolution condamnant le régime syrien pour des « crimes contre l’Humanité », tandis qu’il impose un veto sur la moindre allusion aux crimes, à l’injustice et à l’oppression que subit le peuple palestinien, depuis des décennies ?

A fortiori, la machine médiatique de l’Empire ne fait la moindre remarque concernant la tyrannie ni le despotisme dans les royaumes arabes du Golf ; comme si ces émirats et sultanats constituaient une étape suprême d’utopies saint-simoniennes, et comme si l’égalité parfaite et l’association entre les Hommes y règnent depuis des siècles.

Ici, les convergences se font jour entre ce qui vient d’être dit ci-dessus et le rapport d’Amnesty International, décrivant la violation des droits de l’Homme en Arabie saoudite : « L’ampleur et la gravité des violations des droits humains en Arabie saoudite sont inacceptables tant sur le plan moral que légal. Le gouvernement n’est toutefois pas le seul responsable de la situation des droits humains dans le royaume. Une part de responsabilité incombe aussi à la communauté internationale, qui s’abstient de demander des comptes à l’Arabie saoudite ». [2]

En plus, le rapport met neuf recommandations sur la violation des droits de l’Homme dans le Royaume, dont cinq sont adressées au gouvernement saoudien et quatre à la communauté internationale. Les recommandations relevées au gouvernement saoudien sont :
1) Abroger les lois et les pratiques discriminatoires ; 2) Mettre un terme à l’arrestation et à la détention arbitraires ; 3) Mettre un terme à la torture ; 4) Mettre un terme aux exécutions ; 5) Ratifier les traités internationaux relatifs aux droits humains ; tandis que celles à la communauté internationale sont : 6) Condamner les violations des droits humains perpétrées en Arabie saoudite ; 7) Exhorter le gouvernement saoudien à mettre en oeuvre les recommandations émises dans le présent rapport ; 8) Appeler les autorités saoudiennes à autoriser les ONG internationales de défense des droits humains à se rendre dans le pays ; 9) Demander aux autorités saoudiennes de coopérer avec les mécanismes thématiques de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, notamment le rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, et de les inviter à visiter le royaume. [3]

Par contre, la machine médiatique de l’Empire met en relief l’octroi aux femmes du droit de vote, annoncé par le roi Abdallah d’Arabie saoudite, il y a quelques semaines . [4]

Ironiquement, grâce à l’octroi de sa Majesté, les Saoudiennes, qui vivent, pour ainsi dire, noblement au Royaume-Soleil, peuvent d’ores et déjà se présenter aux conseils municipaux, et voter dans le cadre des principes de l’islam. Gaudeamus igitur !

Tristement, ce que cette machine ne révèle pas c’est que les autorités de ce royaume subordonné à l’Empire américain ont les mains rouges et le coeur asséché par les actes de violences exercés sur le territoire du royaume, à l’égard de femmes, qui font l’objet d’une discrimination instituée et traditionnelle.

En guise de conclusion, il s’avère que la conjuration contre la Syrie présente un besoin urgent de démasquer ces loups qui se prennent et qu’on prend pour des moutons ; de montrer que leurs bêlements ne font que répéter, dans un langage de « démocratie » et de « droits de l’Homme », le discours idéologique des puissances impérialistes ; et de montrer que les fanfaronnades des hâbleurs de l’Intelligentsia arabe, réduite en une bande de « fonctionnaires » aux salons des ambassadeurs et des praesides provinciae, ne font que refléter, en effet, des actes dérisoires des échecs continus de la guerre impérialiste contre la Syrie.

Fida DAKROUB, (Ph.D)
Études françaises


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