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Les leçons de Fukushima : Un coup d’épée dans l’eau

’’Pendant des décennies, nous avons été conscients que les jours d’accès facile à un pétrole bon marché étaient comptés. Pendant des décennies, nous avons parlé et parlé encore de la nécessité d’en finir avec un siècle d’addiction pétrolière des Etats-Unis. Et pendant des décennies, nous avons échoué à agir avec le sentiment d’urgence que ce défi requiert. A chaque fois, la volonté d’aller de l’avant a été bloquée - non seulement par les lobbyistes de l’industrie pétrolière, mais aussi par un manque de courage et de franchise politique’’.

Barack Obama, Discours historique du 15 juin 2010

Dans ce discours nous retenons deux éléments importants : l’addiction américaine au pétrole, et le rôle néfaste des lobbys pétroliers. Les changements climatiques atteignent de plus en plus notre planète, ils sont dus essentiellement à l’utilisation des énergies fossiles qui seront à leurs tours épuisées les prochaines années, pour cela il faut trouver des énergies nouvelles non carbonées pouvant affronté ce problème. L’une des solutions est la production d’électricité par l’énergie nucléaire. En effet les lobbys du nucléaire martèlent que le nucléaire produit peu de CO2 contre 400 à 500 g CO2/KWh pour les centrales à pétrole et 1200 g CO2/kWh pour les centrales à charbon. Ce calcul est incomplet car c’est sans compter l’extraction le transport et le traitement du minerai pour en faire un combustible mais aussi les quantités d’énergie nécessaires pour la construction des centrales nucléaires qui nécessitent une technologie particulière, mais aussi pour le démantèlement d’une centrale qui peut coûter aussi cher que la construction.

L’énergie nucléaire est répartie inégalement dans le monde avec seulement 32 pays équipés L’Australie (30 %) le Kazakhstan (16%) le Canada (14%) le Niger (8 ¨%) renferment plus des deux tiers des réserves mondiales. Le nucléaire fait donc figure « d’énergie rare », avec une contribution à l’énergie mondiale de 6% seulement, qui le classe en dernier, après l’hydroélectricité et les énergies renouvelables. En 2010, 457 réacteurs de puissance fonctionnent dans 31 pays différents dans le monde, soit un total de 370 GW produisant environ 17% de l’électricité mondiale.

Les stratégies nucléaires

Les Etats-Unis ont 119 réacteurs ils restent le pays-continent des possibles. Malgré leur lente évolution globale sur le plan du paysage énergétique où les fossiles couvrent 80% des usages, l’efficacité énergétique s’est améliorée d’1,63% par an entre 1990 et 2007 (AIE/OCDE 2009). Le nucléaire restera encore longtemps une énergie majeure pour la production d’électricité Selon une étude du CSIS les sources d’énergies renouvelables hors hydroélectricité couvriront 41% de la croissance de la production électrique entre 2008 et 2035. Ce qui n’empêchera pas les énergies fossiles de fournir 78% de l’énergie finale américaine en 2035, selon cette étude.

L’après Fukushima avait donné l’espoir qu’une vision nouvelle de l’énergie était atteint.

Certains pays l’ont compris et diversifient leur bouquet énergétique en misant sur l’éolien dont on dit que curieusement il s’essouffle. En France, la puissance du parc éolien atteignait 5,6 gigawatts (GW) fin 2010 (contre 27 GW en Allemagne et 21 GW en Espagne), ce qui a couvert 1,9 % de la consommation totale d’électricité du pays. L’objectif des pouvoirs publics est d’atteindre 25 GW d’ici à 2020 (19 GW en éolien terrestre et 6 GW en offshore). (..) Et l’incertitude qui pèse sur l’avenir du nucléaire après la ­catastrophe japonaise devrait encore ­augmenter l’intérêt pour cette solution énergétique. Celle-ci ne demeure cependant qu’une part minuscule du bouquet énergétique. Elle représentait 2 % de l’électricité produite aux Etats-Unis en 2009, selon la US Energy Information Administration, et 1 % de l’électricité ­produite dans le monde en 2008, selon l’Agence internationale de l’énergie. Selon des études gouvernementales, l’éolien pourrait un jour représenter 20 % de l’électricité produite aux Etats-Unis, le même pourcentage qu’au Danemark. (1)

Plusieurs pays, majoritairement européens, ont abandonné la production d’énergie d’origine nucléaire depuis 1987, suite à la catastrophe de Tchernobyl. Plus de vingt ans après avoir renoncé par référendum à l’atome civil, l’Italie se lance dans un vaste programme de construction de centrales nucléaires. La France et l’Italie signé à Rome un accord historique qui va permettre à une Italie très dépendante de l’étranger pour son approvisionnement en électricité de renouer avec le nucléaire » (2).

Changement total de cap en juin 2010 : A la relance de l’énergie nucléaire les Italiens ont dit ’non’.

En Espagne un moratoire a été adopté par le gouvernement socialiste de Felipe González en 1983 Le parti socialiste réélu en 2008, a annoncé a sortie progressive du nucléaire civil, les centrales arrivant à fin de terme devant être fermées dans la mesure où l’approvisionnement énergétique du pays demeurait garanti. la fermeture effective de la centrale de Garona, est prévue pour 2011.. En Autriche la construction de la centrale nucléaire de Zwentendorf en 1972, n’a donc jamais fonctionné, et le Parlement a voté, le 15 décembre 1978, une loi interdisant l’usage de l’énergie nucléaire. Une nouvelle loi confirmant cette orientation a été votée le 15 juin 1997.

La politique d’arrêt du nucléaire en Belgique a été annoncée en juillet 1999 par la coalition au pouvoir à cette époque, formée par les partis libéraux, socialistes et écologistes. Cette coalition a promulgué la loi de sortie du nucléaire le 31 janvier 2003 Cette loi prévoit la fermeture de chacun des sept réacteurs après 40 ans d’exploitation commerciale et interdit de construire de nouveaux réacteurs. Ces fermetures s’échelonneront entre 2015 et 2025. En Suède Le parlement a interdit dès 1980 la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et a fixé la date limite d’exploitation des centrales existantes à 2010.

En 1994, le Parlement néerlandais a décidé de ne plus utiliser l’énergie nucléaire après un débat sur le traitement du combustible usé et le stockage des déchets nucléaires. Le réacteur de Dodewaard a été arrêté en 1997. La sortie du nucléaire est devenue officielle en Suisse. Berne a décidé d’une « nouvelle stratégie énergétique  » qui comporte le non-remplacement des 5 centrales nucléaires exploitées en Suisse. Représentant aujourd’hui environ 40% de la production électrique du pays. Si cette décision se traduira très progressivement, elle implique l’abandon progressif du nucléaire d’ici à 2034. L’Inde dispose de 16 réacteurs et entend continuer le développement du nucléaire.

La Chine dispose de 13 réacteurs et doit faire face à une très forte augmentation de la demande en énergie, 23 centrales -sur les 60 en construction dans le monde-sont actuellement en construction et elle envisage la construction de 36 tranches nucléaires de 1 000 MW dans les 15 ans à venir. Cela portera à 4 % contre 2,1 % actuellement la part du nucléaire dans la consommation chinoise d’électricité.

Pour l’heure, seuls 19 réacteurs sur 54 fonctionnent au Japon alors que l’énergie nucléaire fournissait 30% de l’énergie totale. Le chercheur de MF Global pense qu’’à court terme, les compagnies produiront davantage d’électricité avec du gaz, du charbon et du pétrole’, ce qui va à l’encontre de l’objectif de réduction de 25% des émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2020 par rapport à 1990, le Premier ministre de centre-gauche, Naoto Kan, prépare une loi sur les énergies renouvelables. Il souhaite élever leur part de 10% aujourd’hui à 20% d’ici à 2030 au plus tard. (3)

Ces trois pays représentent 80 % du nucléaire européen avec une centaine de réacteurs.

L’Allemagne produit chaque année environ 25 % de plus d’électricité que la France soit 660 Milliards de Mega Watt Heure. en 2009 : - 45 % sont produit par le charbon 15 % par le gaz naturel, 25 % nucléaire, 3 % hydro la part des énergies renouvelables solaire et éolien est de environ 12 % secteur en augmentation C’est un changement spectaculaire qu’a fait l’Allemagne en déidant de fermer le dernier réacteur en 2022. En arrêtant sur le champ la moitié de ses réacteurs nucléaires, l’Allemagne perd sa capacité d’exportation d’électricité sans risque pour la consommation. L’Allemagne a le marché électrique le plan grand de l’Union européenne. Aussi, Günther Oettinger, le Commissaire européen à l’Energie tient-il à évaluer les conséquences de la fermeture des 17 réacteurs du pays d’ici 2022. Les conséquences interviendront dans un premier temps sur ses exportations, avec l’arrêt immédiat de huit réacteurs. ’Les huit réacteurs qui vont être arrêtés représentent 10% du marché allemand de l’électricité et moins de 3% du marché européen’ a rappelé le Commissaire En revanche, la situation sera plus complexe quand l’Allemagne fermera les neuf réacteurs restants (4).

Le Royaume uni vient d’annoncer une stratégie sur le long terme évaluée à 100 milliards de Livres. La stratégie énergétique du Royaume-Uni déposée, jeudi 23 juin, incarne déjà un aboutissement. L’enjeu est important puisqu’il s’agit pour le Royaume-Uni d’opter pour une consommation qui s’accorde avec ses engagements de réduire de 3/4 ses émissions de CO2 d’ici à  2050. Le pays mise tout d’abord sur le nucléaire. Il représente actuellement 20% de son approvisionnement total en énergie et inclus 19 réacteurs en activité. Mais le parc doit être rénové en urgence. Selon le ministère en charge de l’énergie et du climat compte tenu de la vétusté des centrales nucléaire, ’un quart (…) doit fermer d’ici 2018’. Il est donc urgent de mettre en chantier des centrales faiblement émettrices de gaz carbonique. Londres veut augmenter le poids de cette source d’énergie en renforçant sa production actuelle de 22 000 MW à 59 000 33 000 MW d’énergie éolienne devront également être développés d’ici 10 ans, pour remplir l’objectif de 20% d’énergies renouvelables en 2020, Le coût du projet est évalué à  100 milliards de livres selon les estimations de Chris Huhne (5).

Et en France ? Actuellement, la part du nucléaire dans la production d’électricité est d’environ 75%. La France compte répondre à la directive européenne des trois fois 20 % en misant sur l’hydraulique mais en ne lâchant pas le nucléaire que le lobby du nucléaire s’évertue à « vendre » comme étant sûr ne polluant pas ou très peu ; Bref l’idéal.

Cependant, pour la première fois et devant une opinion de plus en plus sceptique quant à la panacée du nucléaire,- Un sondage Ifop publié le 6 juin 2011 dans le Journal du Dimanche révèle que 62% des Français seraient favorables à un arrêt progressif du nucléaire en France, sur les 25 ou 30 années à venir...- le gouvernement français a évoqué, pour la première fois, l’hypothèse d’un scénario de sortie du nucléaire à l’horizon 2040-2050, dans le cadre d’une étude prospective, « Energies 2050 » « Nous allons étudier tous les scénarios possibles de ce qu’on appelle le bouquet énergétique’ des années qui viennent », a annoncé le ministre de l’Energie, Eric Besson. Toutes les pistes seront envisagées « y compris les scénarios de sortie du nucléaire », a-t-il indiqué. « Je suis convaincu qu’à terme de vingt ou trente ans, la France a besoin d’un socle d’environ deux tiers d’électricité d’origine nucléaire, parce que nous développons le renouvelable », a souligné M.Besson. Le ministère de l’Industrie a précisé à l’agence Reuters que certains des scénarios étudiés comporteraient une « sortie totale du nucléaire à l’horizon 2050, voire 2040 ». Eric Besson se dit pour sa part convaincu, à ce stade, qu’il faudra maintenir en France un socle nucléaire représentant 60 à 70% de la production d’électricité, au lieu de 74% aujourd’hui. » (6).

Le risque nucléaire

Parmi les grands dangers du nucléaire, le problème du traitement des déchets est à ce jour non résolu. Ecoutons ce qu’on pense Najmedin Meshkati, expert en sûreté nucléaire. « Les évènements au Japon ont montré la vulnérabilité des piscines d’entreposage du combustible usé (qui doit impérativement rester sous l’eau afin de ne pas dégager de rejets radioactifs dans l’atmosphère). Or les Etats-Unis recensent 65 piscines de stockage de combustible usé (la plupart ayant atteint leur capacité maximum) dans 33 Etats, piscines qui sont devenus des centres de stockage permanents alors qu’il ne devait s’agir que de solutions temporaires. »

L’appréciation des risques liés à l’industrie nucléaire, en particulier de ce qui conduirait à un accident grave, constitue de ce fait un thème central des débats. Comme l’écrivent Jean-Claude Debeir, Jean-Paul Deléage et Daniel Hémery dans leur ouvrage d’histoire de l’énergie « l’aléatoire industriel [...] ne naît pas avec l’électronucléaire, mais avec lui, il atteint à l’excessif et à l’incalculable ». Le risque d’accident grave est universellement reconnu et le débat porte d’une part sur l’évaluation de sa probabilité et, d’autre part, sur la gravité des conséquences.

Jean-Claude Debeir, Jean-Paul Deléage et Daniel Hémery écrivent dans leur ouvrage : « le nucléaire déplace les risques, avec lui ce sont les cycles écologiques qui peuvent se trouver contaminés sans que l’on puisse agir sur cette contamination. Même si la probabilité de l’accident est très réduite, le nucléaire introduit dans l’histoire humaine la notion de risque majeur. Ce n’est plus seulement une population statistique définissable qui est concernée mais, potentiellement, l’espèce elle-même ». Encyclopédie Wikipédia

Conclusion

Le nucléaire est à la fois une énergie couteuse et dangereuse. Malgré ses inconvénients, il continuera à faire partie des bilans énergétiques de beaucoup de pays industrialisés, malgré en définitive « la fausse émotion après Fukushima ». De plus nous exploitons un stock fini » de matières premières qui s’épuisera bientôt, croissance aidant. La pénurie nous guette, et plus vite qu’on ne le croit : dans trente ans il ne restera plus de pétrole dans 60 ans plus de gaz naturel, avant la fin du siècle plus d’uranium La « croissance verte » qui viendrait apporter la solution à tous nos maux est un mythe : la course technologique et l’innovation créent un emballement de besoins énergie mais aussi en métaux, en particulier les plus rares, qui rend cette croissance non durable.

L’extraction des minerais requiert de plus en plus d’énergie, car ils sont de moins en moins concentrés. Or l’énergie, toujours moins accessible, exige de plus en plus de minerais : nous venons tout juste d’entrer dans ce cercle vicieux. Croire que le recyclage va tout régler est une erreur. La seule solution c’est d’aller vers la sobriété énergétique en évitant tout ce qui est superflu et en revoyant fondamentalement le paradigme consommation d’énergie - niveau de vie. Pour nous, et sans faire dans la démagogie écologique, rien ne remplace les fruits de saison cueillis à proximité au lieu à tout prix consommer des fruits à qui on a payé un voyage de tour du monde ou mieux encore que l’on a produit sous serre consommant cinq fois plus d’énergie….

Chems Eddine Chitour

1. www.courrierinternational.com/article/2011/04/28/eole-ne-souffle-plus-aussi-fort-qu-avant

2. www.tdg.ch/actu/monde/berlusconi-sarkozy-scellent-retour-nucleaire-italie-2009-02-24

3. http://www.maxisciences.com/catastrophe-nucleaire-au-japon/le-japon-force-de-limiter-sa-consommation-electrique_art15491.html

4. Allemagne : sans le nucléaire, finies les exportations d’électricité La Tribune.fr - 10/06/2011

5. S. Forcioli www.euractiv.fr/royaume-uni-mise-nucleaire-solaire-thermique-eolien-article

6. http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/07/08/energies-a-l-horizon-2050-besson-prone-2-3-de-nucleaire_1546332_823448.html#xtor=EPR-32280229-%5BNL_Titresdujour%5D-20110708-%5Bzoneb%5D


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La Chine est entrée dans les temps modernes, au xixe siècle, avec un mode de production inapte à assurer sa modernisation. La dynastie Qing en a fait l’expérience. Le républicain Sun Yatsen n’a pas réussi à le dépasser. Seule la révolution communiste a débarrassé ce pays de ses structures anciennes. Depuis lors, son économie a suivi de nouvelles trajectoires. La première partie du livre décrit les trajectoires réelles contemporaines de la Chine (démographiques, agricoles, industrielles, (…)
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