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Réflexion d’un homme du 21è siècle

Je ne vous apprendrai rien en affirmant que tout être humain d’où qu’il vienne et quelles que soient ses idées, sa religion, sa sexualité, a des droits et des devoirs. Droit pour lesquels il s’est battu, se bat et se battra encore car ce fragile équilibre qu’est l’humanité est par nature en mouvement et sujet à de multiples injustices et contradictions. N’oublions donc pas que notre comportement se veut à l’image de nos idées, même s’il peut nous arriver d’agir de façon contraire à ce que l’on croit être juste. En cela d’ailleurs, nous sommes des animaux particuliers. Mais lorsque ces contradictions ou ces injustices deviennent trop importantes, qu’elles débordent, se déversent et se diluent insidieusement dans les décisions et les actes que nous posons, on ne peut plus les définir comme naturelles, saines et propres à chaque individu, mais plutôt comme extrêmes ou même dans certains cas dangereuses pour la pérennité de l’humanité. L’Histoire nous l’a prouvé à de nombreuses reprises, mais hélas, comme je l’explique dans un buvard publié il y a quelques mois, nous avons - pour la grande majorité d’entre nous - confié notre mémoire à des systèmes d’exploitation binaires et virtuels, nous plongeant à corps perdu dans le monde de l’instantanéité, perdant ainsi progressivement le contact avec le réel et ses composantes. Parallèlement, quand est-il de nos devoirs ? Qu’avons-nous fait des centaines de milliers d’ouvrages et de recherches dont nous avons hérité ? Les avons-nous relégués au ban de l’histoire en les considérant comme inutiles ou ringards ? Combien d’entre nous prennent la peine de lire et de se documenter ? Comment pouvons-nous nous targuer d’être au fait de l’actualité sans même avoir la plus infime volonté de nous intéresser au passé, hormis à travers les images et les vidéos que nous brandissons sur nos murs Youtube ou Facebook ou que nous montrons du doigt lorsque cela nous arrange ?

Pour anticiper les critiques creuses des partisans du "tout ou rien", tout aussi vide de sens les unes que les autres, je souhaite réaffirmer ici que la finalité de mon travail n’est pas de noircir le tableau ou de donner une image négative du monde dans lequel nous vivons - préservons-nous de ces raccourcis - car mon rôle en tant qu’auteur est de rester le plus objectif possible, même s’il est évidemment vain de prétendre l’être absolument. Car loin d’être pessimiste, j’essaie d’être réaliste. Et je m’adresse ici aux éternels somnambules qui refusent de passer à l’état d’éveil et préfèrent croire que tout est rose ou noir, alors qu’in fine, ne pas vouloir voir la réalité telle qu’elle est ou vouloir lui attribuer des causes desquelles ils se dissocient implicitement est, contrairement aux apparences, l’illustration profonde d’un repli sur soi et d’une volonté affirmée de stagner dans le brouillard de son ignorance. Je ne peux néanmoins m’épargner de dénoncer l’inacceptable, de tenter de démonter les raisonnements, de les analyser pièce par pièce, pour en extraire la substance et les aspirations. Car au regard de l’accessibilité à l’information et au savoir qui est celle de notre génération, telle est la responsabilité de l’homme d’aujourd’hui.

Notre pensée doit être, parallèlement à l’évolution de nos sociétés, en perpétuel mouvement, alimentée par la quête de nos mensonges pour traquer notre vérité et non l’inverse. On ne prêche pas le vrai pour trouver le faux, au risque de passer à côté de l’essentiel. C’est en cela que notre soif de connaissance devrait être insatiable. Au-delà du soulagement momentané qu’ils peuvent nous procurer, les discours passionnés, haineux ou revanchards n’ont aucune crédibilité pour le commun des mortels. Autant se battre contre le vent. Malheureusement, la majorité d’entre nous n’a pas encore compris cela et s’évertue bêtement à condamner en poussant des cris d’horreur. Certes leurs causes peuvent être légitimes, mais c’est inévitablement leur propre combat qu’ils sabotent. Comme l’a très bien expliqué Sartre, on ne peut comprendre les choses qu’en les vivant de l’intérieur tout en les observant de l’extérieur. Si les écrivains du XVIIIè siècle ont si bien dépeint les travers de la société bourgeoise de leur époque, c’est parce qu’en grande majorité, ils en faisaient partie ou tout au moins en dépendaient. Le corollaire avec la réalité de notre siècle est évident : le monde capitaliste ou consumériste que nous condamnons est aussi le nôtre. Le moindre de nos achats y contribue, en passant par l’eau que l’on boit ou le carburant dont on rempli le réservoir de notre voiture. Tenter de combattre un ennemi que l’on croit extérieur à nous, qu’il soit inconnu ou qu’on l’associe à un système, une nation ou une politique, est tout simplement stupide et immature et à coup sûr contre-productif.

Ce que je tente de développer ici, c’est l’idée que pour faire bouger les choses de manière efficace, il faut d’abord les comprendre, les étudier, les vivre dans leurs propres contextes. Porter un jugement sur un évènement qui se déroule à l’autre bout de la planète sans avoir la moindre connaissance ni des causes, ni des protagonistes, ni des enjeux, est intellectuellement malhonnête.

Un point qui me paraît important à soulever également, est l’aspect réducteur de nos comportements. Les velléités de soulèvement, de révoltes qui révèlent notre désespoir doivent être exploitées positivement. S’indigner est une chose, certes accessible à tout être humain doté d’un minimum de conscience. Mais réfléchir, structurer sa pensée, s’informer intelligemment, rester sceptique et critique face à l’actualité et finalement agir est une autre paire de manches. Rares sont mes contemporains qui comprennent cela malheureusement, de quelque origine, niveau social ou confession qu’ils soient. L’enjeu pour notre génération n’est pas de se révolter pour se révolter. Mon intime conviction est qu’il nous faut avant tout révolutionner nos schémas de pensée, nos mentalités et nos philosophies de vie. Ne pas s’en rendre compte serait rendre service aux ennemis que nous sommes pour la plupart aveuglément convaincus d’avoir identifié.

Je sais évidemment que je prends le risque de m’attirer les foudres de certains d’entre vous, mais que m’importe. Mon unique intention est d’élever quelque peu le niveau de nos sujets d’intérêts. Il n’est jamais bon de voyager le nez dans le guidon. Prenons de la hauteur, essayons de sortir des carcans religieux, communautaires, idéologiques ou systémiques. Le théâtre du monde n’est pas le terrain de jeu d’un monologue. C’est par les discussions, la lecture et l’élévation de l’esprit que nous arriverons à construire notre avenir. Le monde de demain nous appartient, comme qui dirait. Alors ne brûlons pas nos ailes dans des dénonciations aveugles et des considérations réactionnaires. Développons nos arguments, étayons notre discours, ne condamnons pas tel ou tel peuple pour les exactions de ses dirigeants, même si ceux-ci sont issus des urnes. Avant de sortir nos balais pour dépoussiérer nos portillons, réfléchissons d’abord à l’origine de cette poussière. Nos armes sont celles de nos ennemis, ne l’oublions pas. Et la vraie guerre est celle des valeurs et des idées. Les plus humaines et les plus répandues sont celles qui l’emporteront. Nous contenter de camper dans l’opposition est autodestructeur. Car à force de crier au monde qu’il doit se réveiller, il risque de se limiter à entendre la répétition d’une berceuse et de se complaire dans son sommeil. Si je devais clôturer ce billet par la métaphore, je reprendrais la célèbre réplique - en apparence manichéenne - de Clint Eastwood dans "Le bon, la brute et le truand’ : "Le monde se divise en deux catégories, ceux qui tiennent le pistolet en main et ceux qui creusent, et toi tu creuses." Si nous considérons que le pistolet est notre pensée, qui sont ceux qui creusent selon vous ?

Badi BALTAZAR

www.lebuvardbavard.com

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