RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Droit de grève et service public.

Lors de chaque mouvement de grève, dans les services publics, revient sur le tapis la question du « service minimum ». Appelé de ses voeux par la droite, gênant aux entournures la gauche, hérissant au delà du supportable les organisations syndicales, souhaité par une partie des usagers qui trépignent sur les quais de gare, les pouvoirs publics ne savent pas trop comment traiter le problème.

Collectif Bellacio

Coincée entre le droit de grève, qui est constitutionnel, et la continuité du service public, qui l’est aussi, la garantie de l’un risque de limiter l’exercice de l’autre. On ne voit pas très bien comment on pourrait assurer la continuité du service public sans limiter le droit de grève, puisque la grève c’est justement un « arrêt collectif du travail ayant pour but de faire pression sur l’employeur en bloquant la production ». Il y a donc là , et le gouvernement actuel l’a bien vu, un point de levier pour remettre en question le droit de grève, sinon totalement et dans son principe, du moins dans certains cas, ce qui peut évidemment constituer un début.

Cette situation existe depuis 1945, date à laquelle ont été créés les grands services publics mais, la situation a pris une réelle ampleur du fait, d’une part du développement colossal des transports publics, lié à l’éloignement toujours plus grand du lieu de travail par rapport au domicile mais aussi, du fait de la dégradation importante des entreprises de services publics lié à la marchandisation et rentabilisation de celles-ci. Une grève dans les chemins de fer ou le métro est devenu un phénomène social tellement elle est perturbante.

L’attitude du gouvernement dans cette situation de conflit est parfaitement logique. Il se doit de « gérer » le mécontentement des usagers (qui est une réalité que l’on aurait tort de négliger, je vais y revenir) qui sont les principaux gênés et ce d’autant plus qu’il est le premier concerné puisque garant de la gestion de ces entreprises il a des comptes à rendre sur les raisons du conflit, d’autant plus également que ce sont des électeurs-trices. Mais, et là est l’astuce, en mettant en avant le « mécontentement des usagers » il arrive à dévier le problème et à ne braquer les projecteurs que sur les conséquences et jamais sur les causes faisant ainsi assaut d’une démagogie d’une incontestable efficacité. Il en rajoute même (et pourquoi se gêner ?) en montrant du doigt ces « salariés-privilégiés-qui-ont-un-emploi-et-la-sécurité-de-cet-emploi ». Il peut ainsi dévier le coup porté par les grévistes et en faire une arme offensive contre eux.

C’est dans ce contexte que se pose, qu’il pose, la question, non pas de la « limitation du droit de grève » (vision négative), mais ce qui est, nous l’avons vu, de fait la même chose, la « garantie d’un service minimum » (vision positive). Aucun gouvernement n’avait osé s’attaquer de front à ce problème. La Droite par crainte d’une généralisation et d’un durcissement du conflit. La Gauche, pour préserver son fond de commerce électoral et pour ne pas être soupçonnée de faire une politique de Droite que la Droite n’a d’ailleurs jamais fait jusqu’à présent.

Aujourd’hui le gouvernement C.R.S sait qu’il peut gagner sur des questions importantes et sensibles, l’exemple des « Retraites » a montré que la mobilisation sociale, dans sa forme actuelle, ne faisait pas le poids face à sa politique, et ce d’autant plus que le front syndical est brisé, la Gauche est devenue sénile, quand elle n’est pas « collabo », et que sur cette question (le « service minimum ») il aura de son côté une partie de l’opinion publique. C’est donc, pour lui, le moment ou jamais.

Les syndicats sont paraît-il décidés à aller au conflit dur sur cette question, faudra juger sur pièce !.. Ils sont il est vrai les premiers concernés, la grève, depuis la fin du 19e siècle est leur principale modalité d’action., c’est même leur « fond de commerce militant », s’ils ne peuvent plus in fine, dans un conflit, menacer de la grève, on leur coupe les ailes ou on leur lime les dents.

Mais tout compte fait est ce si vrai que ça ? Méfions nous des évidences.

La grève c’est l’« arrêt collectif du travail pour faire pression sur l’employeur ». Il est vrai qu’au 19e siècle, dans un système marchand qui se structure, cette action est d’une efficacité qui peut-être, et qui est souvent, redoutable, surtout si elle est générale et à fortiori insurrectionnelle, et ce n’est pas un hasard si le mouvement ouvrier à absolument tenu à en faire un droit c’était, et c’est demeuré durant des décennies, une garantie pour les salariés. Durant le 20e siècle c’est resté une arme efficace, surtout dans un système fondé sur des Etats-nation, c’est-à -dire ayant une relative indépendance économique.

On peut légitimement se poser la question de savoir si, la mondialisation marchande, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’a pas modifié la donne, autrement dit si de manière générale, les luttes traditionnelles des salariés et la grève en particulier, sont adaptées aux nouveaux développements du système. La réduction massive de la masse des salariés dans la production, l’élimination dans les pays développés des secteurs à forte proportion de main d’ oeuvre et la tendance générale à la délocalisation, relativisent grandement l’efficacité du recours à la grève.

Dans les services publics, le recours à la grève perturbe plus la masse des usagers que l’Etat patron qui nous l’avons vu peut tactiquement utiliser la grève comme moyen de pression sur les salariés, via les usagers. D’autre part, les marges de manoeuvres de plus en plus étroites du patronat et de l’ Etat du fait de la concurrence mondiale les incitent à ne pas céder à ce genre de pression et à laisser pourrir la situation, ce qui est à peu prés le cas de tous les conflits actuels. Enfin, la « précarisation de l’emploi » et sa probable institutionnalisation dans les nouveaux contrats de travail conconctés par le gouvernement et le MEDEF sont rendre le recours à la grève de plus en plus difficile.

Ceci veut dire qu’il faille, tout en défendant bien sûr le principe du droit de grève qui est et demeure un acquis, « inventer » de nouvelles formes de luttes, adaptées aux nouvelles conditions de fonctionnement du système marchand.

Les bureaucraties des organisations syndicales traditionnelles sont bien évidemment incapables de « repenser » les formes de la lutte salariale. Totalement conservatrices et archaïques dans leurs objectifs et plus ou moins compromises dans la gestion du système, elles incitent et laissent se reproduire des formes de luttes qu’elles savent inefficaces, déconsidérant par là même le mouvement syndical en perte de vitesse dans tous les secteurs.

Quelles nouvelles formes pourraient prendre les luttes ?

Elles devraient répondre à deux objectifs : d’une part se référer aux mécanismes actuels du fonctionnement du système, d’autre part intégrer une dimension de changement social, enfin s’élaborer à l’échelle internationale.

1- Les mécanismes actuels du système : On assiste à une « marchandisation » généralisée, en particulier concernant les services publics, c’est donc à ce niveau qu’il faut agir. L’important n’est pas d’arrêter la production, ce qui ne changera rien, mais de rendre obsolète le statut de la marchandise en produisant non plus « pour vendre » mais « pour son usage ». En d’autre terme mettre à disposition gratuitement la production : dans les chemins de fer en faisans voyager gratuitement, avec l’électricité en, par exemple, tarifant au tarif de nuit durant toute la journée, la lutte sera populaire et posera le vrai problème de fond.

2- Une dimension de changement social : de telles formes de luttes augurent du changement social en ce sens qu’elles remettent en question le « statut » marchandise de la production autrement que dans des discours de principe. S’il s’agit de lutter contre la marchandise c’est comme cela qu’il faut s’y prendre, pas en la reproduisant mécaniquement suivant le modèle que l’on conteste.

3- Coordonner ce genre de lutte internationalement pour des raisons évidentes liées à la mondialisation du système, au moins dans un premier temps à l’échelle européenne.

Ces luttes, ces nouvelles formes de luttes, ne peuvent se mener qu’avec, solidairement, les usagers, ce qui leur donne une dimension citoyenne nouvelle. Le rapport de force est d’une autre nature et porteur de nouvelles perspectives, y compris sur le plan politique. C’est bien sûr à chaque secteur, à chaque branche de réfléchir aux nouvelles modalités de luttes.

La mise en place de telles modalités de lutte ne se fera pas sans mal, du côté « syndical officiel » qui dans sa myopie criera à l’aventurisme, mais aussi de l’Etat et du patronat qui verra tout de suite le danger. Mais, de même que les salariés ont du, au 19e siècle, lutter dur pour faire reconnaître le droit de grève, la lutte sera dure pour imposer ces nouvelles formes de luttes sociales, mais comme nous venons de le dire, ce ne sera pas l’affaire des seuls salariés, mais une véritable action citoyenne.

Ce n’est qu’à cette seule condition que nous pourrons dépasser les divisions stériles et l’impuissance permanente du mouvement social. Alors oui, un autre monde sera possible.

Patrick MIGNARD 5 février 2004

Lire la suite sur Bellacio, clic ICI

Source : Collectif Bellaciao http://bellaciao.org/fr 6 février 2004


URL de cet article 1330
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Roms de France, Roms en France - Jean-Pierre Dacheux, Bernard Delemotte
Population méconnue, la plus nombreuse des minorités culturelles, présente en Europe depuis des siècles, les Roms comptent plus de dix millions de personnes. Ils ont subi partout l’exclusion et les persécutions : l’esclavage en Roumanie du XIVe au XIXe siècle, l’extermination dans les camps nazis… Peuple à l’identité multiple, son unité se trouve dans son histoire, sa langue et son appartenance à une "nation sans territoire" . La loi Besson de juillet 2000 a reconnu les responsabilités de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

La différence entre antisionisme et antisémitisme ?
Environ 80 points de QI.

Viktor DEDAJ

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.