RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Piste de réflexion et de travail pour les camarades, et les autres, sur la Guerre annoncée en Libye.

La nuit a dû être chaude dans les cafés prestigieux du boulevard Saint Germain. C’est la guerre, enfin, et Glucksmann et Bernard-Henri Levy, habitués déjà à chauffer les peuples aux côtés des Contras, les tueurs et les violeurs, avec Reagan et Videla, contre le Nicaragua Sandiniste, habitués déjà à se battre contre le même Kadhafi pendant l’expédition mitterandiste au Tchad, habitués déjà en Bosnie, en Croatie, en Géorgie, en Afghanistan, etc, etc, donc très habitués à légaliser l’envoi de tonnes de bombes démocratiques sur les peuples, ces gens-là fêtent autour d’une bonne coupe de champagne leur droit onusien à une nouvelle expédition.

La nuit a dû être chaude dans les palais princiers d’Arabie Saoudite. C’est la guerre, enfin, la révolte au Bahreïn écrasée par leurs troupes, la fructueuse diplomatie a placé ses pions libyens en première ligne, à faire passer quelques ex-ministres de Kadhafi pour la crème des démocrates, ces gens fêtent pieusement les révoltes populaires bâillonnées dans « leur » péninsule et bientôt riront des explosions furieuses dans le désert libyen.

La nuit a dû être chaude, à Tel Aviv, à Washington, à Londres, dans tous ces petits coins de bourgeoisie qui germent dans les capitales du monde. C’est la guerre, enfin, et après des semaines d’acharnement à bourrer la tête des pauvres travailleurs qui partagent le monde avec les dits bourgeois, même mon voisin de pallier en est tout heureux : Ah, enfin, on va lui foutre une branlée à ce Kadhafi... Ah enfin, on va sauver le peuple libyen... Les deux pôles sentimentaux d’une même manipulation mentale.

Bref, tout l’empire est bien content, in extrémis c’est la guerre en Libye, la guerre juste sous la bannière de l’Onu, la guerre aux matières premières. Rayé d’un coup de matraquage médiatique l’ami d’hier, celui qui signait des commandes de matériel militaire, pour s’en servir comme dit si justement Serge Dassault, celui qui vendait son pétrole et pourquoi pas s’équiperait en centrales nucléaires françaises. Retournement de veste dont les va-t-en-guerre sont friands, ne gâchons pas leur plaisir. Eux en tout cas ne le cachent pas, la litanie des bons mots tragiques et grandiloquents a commencé. Demain sans nul doute ces images fantastiques de mitraillages nocturnes, de déflagrations violentes, ce spectacle déjà usé mais toujours efficace du bien contre le mal. Pour l’instant on s’accommode des embrassades et des accolades de ministres, enfin c’est la guerre.

C’est la guerre, enfin, ils n’en pouvaient plus ces bandits de voir des révolutions faites sans eux, les tortionnaires de la démocratie, et justement dans un pays gavé de pétrole. Quelle splendide manoeuvre pour les sbires de la mort absolue. Les hormones gonflés au maximum de ce qu’il est possible, l’armada testostéronée va déverser ces tonnes de bombes pour empêcher des crimes contre l’humanité, rien de moins que cela. On remerciera les camarades de la France sur ce coup là , la Bosnie-Bosnie-Herzégovine, le Gabon, le Liban, le Nigeria, la Colombie, le Portugal, l’Afrique du Sud, et donc les États-unis, la France et le Royaume-Uni qui ont voté pour au conseil de sécurité de l’ONU et à la Russie, la Chine, l’Allemagne, l’Inde et le Brésil qui se sont abstenus.

Les armes vont parler ? La guerre inévitable ? L’aide aux rebelles ? L’Honneur de l’Occident ?... Ils n’y vont pas de main morte pour adorer la déesse Athéna. Et pourtant quelles horribles et grossières balivernes martelées sur tout les tons, quelle repoussante adoration de la destruction ! Le cataclysme du Japon ne leur suffit pas, il leur faut une guerre.

Des crimes contre l’humanité ! Quelle autre sordide mensonge ! On ne les entend pas ici les adorateurs du Crif s’insurger contre la formule qu’ils jalousent pourtant comme une évangile révélée. N’est-il plus de lecteur attentif pour apprécier la définition de cette formule ? Nous parleront-ils demain d’un génocide, d’armes de destruction massive, de terrorisme... nous l’avons déjà entendu, on nous a déjà lourdement trompés. Les seules crimes qui se préparent ce sont les crimes de guerre des forces coalisées qui ne manqueront pas : bombardements massifs, missiles borgnes, munitions enrichies à l’uranium... elle est là la saloperie de la guerre.

Comment certains camarades peuvent-ils tomber dans ce piège si grossier ? Comment s’en remettre à l’ONU comme de saints guignols en regardant, et la composition du conseil de sécurité, et le résultat du vote, et les tristes positions du même conseil ces dernières décennies ? Une belle idée certainement, un instrument de l’empire surement ! La fracas médiatique des tueurs par procuration, des experts en bombe intelligente, des politiciens du meurtre légal... basta de ces pue-la-mort... avez-vous déjà vu, messieurs les oligarques, ces corps traversés de balles, ces visages défigurés par le souffle des bombes, ces maisons enflammées que toutes les larmes du monde ne peuvent éteindre ? Quelle est votre position sur la prise de pouvoir de l’Arabie Saoudite au Bahreïn et au Yémen et de la répression qui s’y passe en silence ? Qu’est-elle est donc cette horde assoiffée du sang des autres, ces trompeurs sans coeur qui ne se lasseront donc jamais de voir les terribles avions violer le ciel si bleu et répandre la mort à coup sûr ?

Il faut prendre une position claire, féconde et sans aucune digression de nos valeurs, et ceci vaut pour tous les camarades, et même à toi l’ami Mélenchon dont la naïveté des sorties médiatiques sur cette résolution onusienne nous laisse pantois.

Premièrement, nous sommes absolument ANTIMILITARISTES, pilier fondamental de l’engagement véritable de gauche, de Proudhon à Lénine, de Marx à Jaurès, et qui sais-je encore. Les guerres de classes de la bourgeoisie pour l’accumulation des rentes et le contrôle des matières premières, même déguisées sous les plus beaux oripeaux ne sauraient nous tromper. L’antimilitarisme a trop souffert du pacifisme et de ses dandys peinturlurés qui défilent dans les rues et pétitionnent à tout va, comme il a souffert de l’interventionnisme, impérialisme déguisé, porté depuis les années quatre-vingt par d’ex-maoïstes revanchards et finalement dévoilant leur morbide tentation fasciste ; certains furent socialistes, certains le sont encore (c’est à dire au PS)... Le seul engagement qui vaille est celui de la lutte populaire, quel que soit son degré de violence. Contre l’armée professionnelle, contre la conscription, contre le mercenariat, contre la police professionnelle, mais pour le peuple conscient et en armes, maitre de son destin et de sa sécurité. Voilà la seule violence acceptable, légale et légitime à nos yeux, définition communiste de l’antimilitarisme. Et donc, ces guerres de la bourgeoisie entre elle, il n’est pas question d’y participer, sous aucun prétexte. C’est une tautologie qu’il faut répéter, nous sommes communistes, nous sommes antimilitaristes. D’absurdes et nauséeux scribouillards en appellent à la révolution espagnole des années trente, aux brigades internationales même... Pour les camardes qui sont tombés, qui tombent et tomberont encore dans le combat contre l’infâme militariste, pour tout autre chose que remplir les poches des actionnaires, nous avons un devoir de lutte contre la guerre, il est impossible de se défiler.

Deuxièmement, qui sont les rebelles ? Qui sont donc ces responsables du Conseil national libyen de transition (CNLT) embarqués dans les bagages de BHL, l’intolérable faiseur de rebelle médiatique ? Moustafa Mohamed Aboud al-Djeleil, ministre libyen de la Justice de Khadafi jusqu’au mois de février (février 2011, je précise parce que tout le monde veut nous le faire oublier) en est le président. Il dispose depuis peu d’une page Wikipédia qui s’efforce de faire de lui un éminent démocrate. Lorsque le numéro deux emmène avec lui une partie de l’armée et se bat pour la place du chef, c’est tout sauf une révolte populaire assoiffée de démocratie. C’est une révolution de palais, un 18 brumaire, un coup d’état. Qui croit encore à ces histoires impossibles de vaillants insurgés montés torses nus à l’assaut des mitrailleuses pour s’emparer des dépôts d’armes du dictateur ? C’est beau comme un tableau de Delacroix mais c’est bien une image absurde des élites qui n’ont jamais vu fonctionner un nid de mitrailleuses, leurs langues jaunes vous coupent un homme en deux à cent mètres ! Où l’ont-ils vu cela sinon dans leurs films gringos préférés ? Les insurgés armés dès la première heure, prenant une à une les villes de la côte sont évidemment une partie de l’armée qui a changé de camp, enhardie par les pays voisins qui ont balayés leur dictateur sans jamais, eux, prendre d’assaut quelques armureries. Allons camarades, quelle est la légitimité, la morale, l’éthique à prendre part d’un côté ou de l’autre dans cette révolution de palais ? Où est le bénéfice pour les camarades travailleurs ? Seront-ils mieux traités par l’un ou par l’autre les immigrés suant le noir pétrole, au salaire misérable, sans aucune sécurité, sans médecine, sans rien d’autre que le bon vouloir des patrons... hier les patrons étaient capitalistes...demain ils seront capitalistes et quoi d’autre ?

Troisièmement, qu’en est-il du débat populaire alors que l’armée de tous les français s’apprête à ensevelir sous les bombes les positions décrétées comme ennemies ? Le représentant de la Bosnie, de la Colombie ou des États-unis ont-ils plus de valeurs que la voix d’un seul d’entre nous ? Battons en brèche cette Vème république qui accorde tous les droits à une élite, à une caste et finalement à un homme qui se bat avant tout pour sa prochaine élection. Et cette diplomatie française ? Qui est-elle, pour qui roule-t-elle, elle qui depuis plusieurs semaines se démène pour obtenir le droit de tuer, d’écraser, de broyer, de répandre le sang d’un lointain tyran ? Est-ce la diplomatie des pétroliers, des vendeurs d’armes, des corsaires de la colonisation marchande ?

C’est notre tâche, à nous communistes, parce que nous savons exactement répondre à ces questions, de rentrer tête baissée dans ce débat capital ! Oublions un peu nos tactiques et nos stratégies électorales ! Le parti n’a jamais été conçu pour cela, ce n’est pas une machine, ni un machin, c’est la base organisée pour l’émancipation des travailleurs, contre la bourgeoisie et ces misères, contre l’oligarchie et ses alliances internationales capitalistes, contre leurs guerres et leurs cortèges d’orphelins, de veuves, d’infimes... de mort absolue.

Nous devons multiplier les rassemblements, les prises de parole publique, les assemblées populaires et faire valoir notre droit à la critique, notre vision de l’égalité remarquable, notre conscience de classe. La révolution citoyenne ne peut pas se permettre l’infamie de se tâcher au contact des ignobles noctambules de la presse parisienne zélée. Notre révolution citoyenne est populaire, elle invente ces propres analyses, s’appuie sur ses propres réseaux, se fortifient de la vérité dont elle éclabousse tout les murs. Elle doit être plus forte et plus ambitieuse que les calculs et que la mode, elle doit être sûr de ses valeurs...et elle peut l’être, ce sont les plus belles valeurs. La guerre ne fait pas partie de celles-là .

Que les bandits qui veulent sauver leur tyran, le numéro un, deux ou trois, prennent le fusil ! Courage les mythomanes, les affameurs de peuple, embrassez vos proches et partez affronter la tyrannie...vous seriez surpris, peut-être, de vous battre contre un fantôme monté de toutes pièces et d’être vous-même un tyran..

Archibald EMOREJ

URL de cet article 13142
   
Même Thème
Le choix de la défaite - Les élites françaises dans les années 1930
Annie LACROIX-RIZ
Comment, pour préserver leur domination sociale, les élites économiques et politiques françaises firent le choix de la défaite. Un grand livre d’histoire se définit premièrement par la découverte et l’exploitation méthodique de documents assez nombreux pour permettre des recoupements, deuxièmement, par un point de vue qui structure l’enquête sur le passé (Annie Lacroix-Riz répond à Marc Bloch qui, avant d’être fusillé en 1944, s’interrogeait sur les intrigues menées entre 1933 et 1939 qui (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.