RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Discours de la servitude volontaire.

Bouffons du riche, pas de la merde. par E. de La Boétie

Discours de la servitude volontaire.

E. de La Boétie

Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et
aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau
et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et
dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres !

Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous
regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la
moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies.

Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des
ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait
ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et
pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la
mort.

Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus
que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a
de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire.

D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment
a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les
pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il
pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous
assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous
faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices
du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos
champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour
fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa
luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse des soldats dans le
meilleur des cas, pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie, qu’il les
rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. Vous
vous usez à la peine afin qu’il puisse se mignarder dans ses délices et se
vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus
fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant
d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les
sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous
délivrer, seulement de le vouloir.

Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas
de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous
le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son
poids et se rompre. (Extrait)

*** *** ***

Notice biographique

Étienne De La Boétie (1530-1563) : Issu d’une famille de magistrats périgourdins, qui représente le type même de la bourgeoisie cultivée sur laquelle le pouvoir continue de s’appuyer pour se débarasser des derniers restes du féodalisme. Après avoir fait ses humanités puis son droit à Orléans (foyer de philosophie averroïste et d’humanisme évangélique), il devient en 1553 conseiller à la cour de Bordeaux. Il y rencontre Montaigne, et s’affirme fidèle à Michel de l’Hospital. Il traduit à cette époque Plutarque et Cicéron, mais on n’a conservé que son Discours de la Servitude volontaire, écrit dans les années 1547-1548, publié sous le titre Contr’un dans le Réveille-matin des français (1574). Le Discours sera considéré comme un pamphlet contre la monarchie et réimprimé en 1789, en 1835 puis à Bruxelles en 1857 contre Napoléon III. Prenant le contre-pied du Prince de Machiavel, La Boétie cherche lui aussi à expliquer les structures du pouvoir, mais à l’intention du peuple.

Source : www.cerphi.net

URL de cet article 1309
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
Le « populisme du FN » un dangereux contresens, d’Annie Collovald et Guerre aux chômeurs ou guerre au chômage, d’Emmanuel Pierru
DIVERS
Récemment apparues, les éditions du Croquant, issues d’une dissidence des héritiers de Pierre Bourdieu, publient des ouvrages riches, au coeur des problèmes sociaux actuels et offrant un regard juste et pertinent. Deux d’entre eux ont particulièrement retenu notre attention : Le « populisme du FN » un dangereux contresens A travers cet ouvrage, Annie Collovald a voulu déconstruire et remettre en cause le terme de « populisme » qui sert aujourd’hui d’explication au succès électoral du Front national. (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Aucune femme en burka (ou en hijab ou en burkini) ne m’a jamais fait le moindre mal. Mais j’ai été viré (sans explications) par un homme en costume. Un homme en costume m’a vendu abusivement des investissements et une assurance retraite, me faisant perdre des milliers d’euros. Un homme en costume nous a précipités dans une guerre désastreuse et illégale. Des hommes en costume dirigent les banques et ont fait sombrer l’économie mondiale. D’autres hommes en costume en ont profité pour augmenter la misère de millions de personnes par des politiques d’austérité. Si on commence à dire aux gens la façon dont ils doivent s’habiller, alors peut être qu’on devrait commencer par interdire les costumes."

Henry Stewart, Londres

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.