En tant que citoyen, je trouve que l’actualité n’est pas toujours rapportée
avec une objectivité exemplaire.
En tant qu’altermondialiste, je déplore la portion congrue accordée à
l’actualité internationale et quelques partis pris. Ainsi, les articles de
presse relatifs Cuba lui sont hostiles dans 99 % des cas et on peine à
trouver, à l’occasion du traitement d’un sujet chaud concernant l’île, une
caméra braquée, un micro tendu vers un responsable cubain, son Ambassadeur
en France, un ami Français de la Perle des Caraïbes. Dans le meilleur des
cas, le monologue dépréciatif du commentateur s’efface devant des débats
bancals, à un contre cinq (cf. La journée « cubaine » sur France Culture).
Nos médias flirtent parfois avec la pensée unique qu’ils abhorrent par
ailleurs.
En tant qu’auteur, je suis sensible aux problèmes de la concentration de
l’édition et de la diffusion des livres. S’y ajoute, là aussi, le poids des
médias qui peuvent tuer un ouvrage par un silence sépulcral ou en promouvoir
un autre pour des raisons étrangères à la littérature.
Bref, j’ai été triplement intéressé par l’annonce de la création d’un
Observatoire Français des Médias (OFM).
Le lundi 29 décembre 2003, sur les ondes de Radio Mon Païs, à Toulouse,
j’ai consacré ma dernière chronique littéraire de l’année à ces sujets :
l’information et la création littéraire.
Je m’y suis étonné de la charge violente de Philippe Val, le patron de
Charlie Hebdo contre cet Observatoire qu’il voue aux gémonies avant même
qu’il soit sorti de ses langes. Un organisme prétend « observer » le seul
pouvoir qui n’ait pas de contre-pouvoir ? On attendait une levée de
bouclier des éléments les plus corporatistes de la profession. Mais qui
aurait prévu une fusillade si prompte, si nourrie, et venant de ce
bosquet-là ? Une grosse Bertha en embuscade.
Pour ma chronique, j’ai emprunté des passages d’un texte d’ACRIMED
(Action-Critique-Médias) rapportant un article de Philippe Val dans Charlie
Hebdo du 24 décembre 2003.
Morceaux choisis :
" Après le flicage des prostitués, des jeunes, des magistrats, des immigrés
et la fièvre répressive des journalistes, voici venir le flicage des
journalistes. (...) La popularité que le ministre de l’intérieur a gagnée
grâce à sa politique sécuritaire a sans doute inspiré nos amis d’ATTAC, du
Monde Diplomatique et du Forum Social. En septembre de cette année est né
l’OFM (Observatoire français des médias). "
Ayant d’emblée désigné l’OFM comme un repère de flics, Philippe Val propose
son épuration en faisant le tri entre les bons journalistes de
l’Observatoire et les autres dont "Les antécédents déontologiques et la
nature de leur action journalistique, ces dernières années, n’inspirent
qu’une confiance très limitée ".
Un peu contradictoire, il regrette d’avoir été tenu à l’écart du projet :
" D’abord, en tant que membre fondateur d’Attac, j’ai été extrêmement
surpris de n’avoir, à aucun moment, été informé de la création de cet
observatoire ». Dépité, Philippe Val, dont une des bêtes noires politiques
est le chef de l’Etat cubain, règle le compte d’un journaliste Français
initiateur de l’OFM :
" Déjà , la présence parmi les animateurs d’amis de Fidel Castro, comme
Ignacio Ramonet, directeur de la rédaction du Monde diplo dont on ne voit
pas ce qu’il pourrait apprendre à nos médias - si imparfait soient-ils - en
matière de liberté de la presse, ne porte guère à la confiance ".
Sur sa lancée, il excommunie un autre journaliste :
" Mais, de surcroît, que Serge Halimi soit un des initiateurs de l’OFM prive
le projet de tout espoir d’acquérir un jour une quelconque légitimité. "
Puis, il se livre à un plaidoyer pour son employeur, Jean-Luc Hees,
directeur de France Inter.
Pour finir, il menace de demander « que son nom soit retiré de la liste des
membres fondateurs d’Attac, qui est à l’origine du projet ».
Après ces extraits des écrits de Philippe Val, je précisai au micro de Radio
Mon Païs que Charlie Hebdo avait conclu un accord de promotion croisé avec
Libération et que Philippe Val tenait une rubrique tous les lundis à 18H55
sur France inter.
Or (et c’est ici qu’intervient la note comique), quittant les studios
toulousains, je montai dans ma voiture, allumai mon autoradio où, sur France
Inter, Philippe Val lisait . l’article de Charlie Hebdo qui avait été
signalé par ACRIMED sur Internet et que je venais de livrer en partie à mes
auditeurs. Comme j’avais un passager, j’ai pu le stupéfier en prononçant les
mêmes phrases que Val, un peu avant lui !
Ce qui précède m’inspire quelques remarques :
- Le prêche du lundi sur France Inter est un recyclage (payé deux fois,
quoi).
- Philippe Val dénie à l’OFM le droit de naître sans son imprimatur.
- Il démontre magistralement comment on peut rejeter l’idée d’un
observatoire et, dans le même mouvement, non pas « observer » les médias,
mais dénoncer des journalistes, les mettre à l’Index les disqualifier sans
citer leurs textes. Car, si je rapporte ici, guillemets à l’appui, des
propos de Val, si j’indique où les trouver in extenso afin qu’on ne puisse
dire que je trahis par troncature, on cherchera vainement sous sa plume la
preuve des accusations qu’il lance contre ses confrères. Et pour cause ! Les
esprits curieux qui liront son texte y verront comment, à plusieurs
reprises, il encense son patron, il injurie un journaliste : « parasite »,
« déchéance morale », « obsession maladive ». Il exige de lui des excuses
publiques (mais pas un défilé en chemise, la corde au cou).
- Impliqué (aujourd’hui mollement) dans Attac, et ayant à choisir entre des
journalistes altermondialistes et les médias de grande audience
(perfectibles, sauf erreur), Val a choisi, et plus vite que son ombre.
Pour conclure, soyons optimiste : France Inter va accorder un droit de
réponse aux journalistes incriminés et à l’OFM si injustement mis en cause.
Maxime Vivas, écrivain.
Publication de caricatures antimusulmanes par des médias européens : une provocation répugnante et calculée, par WSWS.
Reporters Sans Frontières. La liberté de la presse et mon hamster à moi, par Viktor Dedaj.
– Du même auteur :
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