Les tenants de la Droite extrême qui gouverne la France aujourd’hui et la grande majorité des intellectuels qu’il nous reste après la disparition au cours de la dernière décennie de plusieurs figures remarquables du discours critique susurrent quotidiennement aux oreilles du citoyen souvent déjà assoupi la même petite musique lancinante. C’est l’air de la résignation que tous nous fredonnent à l’unisson. Le choeur de la Gauche que l’on ne peut même plus nommer réformiste et les solos opportunément promus par la médiacratie ronronnante accompagnent harmonieusement l’orchestre. Ce bel ensemble se trompe cependant quant à son audience réelle : si une partie du peuple semble attentive, bercée qu’elle est par les langueurs sirupeuses de la symphonie jouée par la « révolution conservatrice », l’autre partie du peuple est tristement engluée dans son désarroi duquel lui parviennent quelques sonorités généralement agaçantes. On a donc grand tort de prendre pour une écoute soutenue ce qui est un sentiment d’impuissance partagée par nombre de spectateurs désarçonnés par l’oeuvre - de destruction massive - que les musiciens chevronnés prétendent donner pour le bien de tous.
A en croire les compositeurs et mélomanes du temps, nous serions condamnés à accepter certaines évolutions fatales et à les accélérer pour espérer résoudre les multiples crises qui frappent nos sociétés. Pour résoudre la crise écologique, il faut laisser les Multinationales grossir encore et s’emparer du développement durable dont le sort passe inéluctablement par le Marché totalisant. Pour résoudre la crise financière, faisons confiance au sens moral des banquiers renfloués par l’argent public pour qu’ils produisent enfin un capitalisme vertueux. Pour résoudre la crise sociale, comptons sur la générosité des nantis grâce ( !) à laquelle ils sauront inventer les formes modernes de la bienfaisance à usage des démunis. Pour résoudre la crise politique, renforçons le maillage des réseaux de la communication décérébrante et panoptique faisant ainsi vivre enfin pleinement l’idée que la politique n’est plus qu’une affaire d’image. Pour résoudre la crise identitaire, il suffit de ne plus laisser entrer « chez nous » tous ceux qui n’y sont pas officiellement invités et d’expulser ceux qui, tous comptes faits, n’étaient que tolérés à condition de se tenir bien.
Un dogme gouverne la volonté d’imposer à tous la résignation : le Dieu capitalisme est indépassable et pour durer il doit croître toujours. Une fois épuisées les réserves de pétrole conventionnel, Il va dévorer d’autres entrailles de la Terre afin d’en extraire de quoi alimenter ses exigeants foyers. C’est le prix à payer pour Sa survie. La malbouffe industrielle et l’agriculture chimique provoquent l’explosion du nombre de cancers dans les pays riches et inversent déjà la courbe de l’espérance de vie aux États-Unis. C’est le prix à payer pour Sa survie. Chez l’oncle Sam les 20% des habitants les plus riches possèdent 84% de la richesse tandis que les 40% les plus pauvres n’en possèdent que… 0,5%. Et l’Europe est sur ses traces. C’est le prix à payer pour Sa survie. Pour que l’Hôpital et l’École deviennent rentables, ces lieux jusqu’ici protégés ne doivent plus être respectivement l’affaire des soignants et des professeurs mais celle des commerçants. C’est le prix à payer pour sa survie. Tous ces dégâts collatéraux sont criminels, le résultat d’une fuite en avant mortifère, probablement consciente désormais. C’est le prix obligé du Progrès, nous serine-t-on.
Las ! Décrétons que tout cela est parfaitement idiot, d’une idiotie crasse même. Qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Humanité de poursuivre sa route sur ce chemin somme toute si fragile. Que nous voulons une économie du partage en lieu et place de l’économie de la confiscation qui chaque jour gagne du terrain. Osons proclamer partout comme le faisait « l’homme qui rit » de Victor Hugo que « c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ». Ne nous laissons pas intimider par les laudateurs de la Croissance comme unique moyen de notre salut. Raillons ceux qui voient dans la surconsommation le maintien d’une identité digne que la destruction du lien social ne permet plus. Réclamons moins de biens mais plus de liens. Les défenseurs du vieux monde ont des armes ? Oui, et ils s’en serviront quand ils ne s’en servent pas déjà . Nous en avons d’autres, et autrement plus convaincantes à bien y réfléchir. Appelons encore La Boétie à notre rescousse : ils sont grands car nous sommes à genoux. Oui, indignons-nous ! Et marchons.
Yann Fiévet
Toute manifestation à Cuba (ou à Miami, d’ailleurs) qui ne commence pas par "Abajo el bloqueo" (quoi qu’on dise ensuite) est une escroquerie ou une croisade de fous. Et brandir un drapeau états-unien à Cuba, c’est comme brandir un drapeau israélien à Gaza.
Viktor Dedaj