LE "PAPE DE JUSSIEU’ FAIT ENCORE DES BULLES
Trop content d’être sollicité par l’hebdomadaire "Le Point’ pour contribuer à un numéro « Spécial - Les Français », notre ex futur ministre écarté même par celui qui a récolté déjà plusieurs socialistes en déshérence, s’est un peu "lâché’ à nouveau. Pour une raison qui s’éclairera vers la fin son article a déjà un écho international ! (1)
La courtisanerie (qui peut selon Lacan se lire décomposée en deux parties égales) est bien mal récompensée et le dépit encourage la surenchère, pour attirer encore l’attention peut-être ? Il est vrai que les postulants sont si nombreux dans l’antichambre des princes que tous ne peuvent avoir leur chance.
Notre universitaire qui termina sa carrière dans un bâtiment rénové de l’Université de Jussieu a l’abri de la « Non dangerosité de l’Amiante » (2) qui a coûté la vie à plusieurs de ses collègues, a choisi d’intituler sa "pige’ : « Le continent de la Peur » … Il ne s’agissait que de la France dans la commande de la rédaction, mais cela sonne "mieux’ d’élargir le sujet et l’angoisse avec un titre hollywoodien de superproduction horrifique.
En partant d’une citation attribuée à Astérix destinée sans doute à mettre les jeunes et les rieurs de son côté, il introduit une série de dérapages plus inquiétants les uns que les autres.
– Aux jeunes justement on reproche " La peur qu’on ne paie pas leur retraite’ et même "La peur de faire l’amour, désormais placé sous la menace du sida’… Non Monsieur Allègre, les jeunes se posent sur l’avenir que nous leur avons préparé de bonnes questions ; ils sont acquis aussi au sens des responsabilités qui leur permet de vivre leur sexualité dans une contrainte qui évite la mise en danger réciproque. Préconiseriez vous, adversaire que vous êtes du principe de précaution le renoncement au préservatif ? Le "Pape’ de Jussieu énonce t’il ici une nouvelle bulle ?
– Suit une série "d’Allégrades’ joyeuses et délirantes conspuant : Le « Refus des OGM qui pourtant ne menacent personne », pas même les centaines de milliers de paysans Indiens ruinés et les milliers d’entre eux acculés au suicide par les multinationales de la semence brevetée… « La peur du réchauffement climatique » Celle du « Nucléaire qui pourtant nous permet de produire 78% de notre électricité »… Le déni des problématiques et des incidences déjà observables de certains choix est un péché contre l’esprit qui devrait suffire à faire radier un universitaire dont la fonction de penser légitime le salaire. Faudrait il pour celui-ci créer une chaire de "Déniologie’ ? Quels étudiants s’inscriraient à un master de "Cancrologie’ ? On pourrait en rire si le personnage ne révélait ici que ses faiblesses. D’autres que lui-même académisés ont dit beaucoup de sottises que l’age aide à pardonner … Mais nous avons ici une "vraie’ pensée, si si ! Et cette pensée est "politique’. Elle s’inscrit au centre d’une "idéologie’ parfaitement reconnaissable qui nous menace tous. Le chroniqueur du Point la justifie, la développe et désigne même des coupables qu’il convient de neutraliser.
– Il dit : « Cette peur généralisée a été en France inscrite dans la constitution sous la forme du fameux principe de précaution… On reste pantois à l’idée que l’on ait pu inventer cela au pays de Descartes »… A l’heure ou est enfin révélé un nouveau scandale de santé publique qui semble avoir déjà fait plus de morts que les attentats du 11 septembre 2001, au profit d’un laboratoire commercialisant une drogue dépourvue d’effet bénéfique mais de haute dangerosité, on est "pantois’ en effet d’un tel propos ! Si Claude Allègre devait demain être ministre ou faudrait il le mettre ? A l’Industrie ? A la Santé ? Tremblons que ce scénario catastrophe n’advienne jamais. Le "déniologue’ serait a coup sur soutenu par le MEDEF et par tous les prédateurs qui vivent déjà "peu dangereusement’ tant les lois les protègent mais qui rêvent d’une impunité plus absolue encore. Autant de drames évitables, sang contaminé, viox, amiante, médiator qui ont fait trop de victimes, par dizaines de milliers, pour que ceux qui dénient le bien fondé d’un "certain principe de précaution’ doivent assumer de comparaître au rang de complices objectifs des crimes d’hier et comme incitateurs aux crimes de demain.
– Mais qui est alors responsable ? Selon le Pape de Jussieu transformé en imprécateur : « L’idée de base vient de l’Allemagne et du philosophe Hans Jonas, l’un des penseurs les plus néfastes du dernier siècle » (!!!) Et de caricaturer : « La peur comme vertu première au dessus du savoir. C’est bien la première fois dans notre histoire depuis Voltaire ». L’ennemi est identifié, diabolisé, allemand de surcroît ! Allez savoir pourquoi ce fait est mis en avant ? Peut être pour éveiller une sourde angoisse résiduelle venue "du dernier siècle’ évoqué en parallèle avec la référence géographique ? Comme si "par essence’ un philosophe Germain devait être suspect ? A quoi joue Claude Allègre ? Au-delà de cette perversion subliminale l’imposture intellectuelle est totale : Hans Jonas n’a pas prêché la peur mais la responsabilité ! Sa pensée inspire et c’est heureux une "Ethique de responsabilité’ qui tend il est vrai à s’émanciper du poids d’une éthique kantienne qui au nom de la "pureté des intentions’ exonérait un peu facilement la responsabilité des "décideurs’ et des pouvoirs. C’est bien le coeur du débat posé par Hans Jonas dont la pensée s’est imposée comme "raisonnable’ dans ce siècle ou les périls encore inconnus issus de la science et des activités humaines imposent un constat d’évidence et une responsabilisation de tous les acteurs. Le pire a devoir être constaté est que ce "principe’ interpelle en premier les scientifiques eux-mêmes , pour ce qu’ils font et pour ce qu’ils disent lorsqu’ils sont interrogés au titre d’experts par les décideurs politiques qui ne possèdent pas les savoirs nécessaires aux décisions les plus éclairées. Hans Jonas invite alors ceux là qui sont interrogés à ne pas dissimuler leurs doutes ou leurs craintes ou leurs ignorances et à jouer si nécessaire le rôle de "lanceurs d’alerte’ devant des décisions déjà prises. Agir ainsi n’est pas mépriser ou écarter la science mais l’élever au contraire à un haut niveau d’implication dans nos sociétés ; encore faut il que les scientifiques eux-mêmes fassent preuve de modestie et d’ouverture à une pensée plus complexe que celle de leur seule discipline. Assurément l’auteur de cette rubrique ne fait pas partie de ceux là et souhaitons qu’il ne soit jamais le conseillé écouté d’aucun Prince ! A Jussieu, université prestigieuse, deux chercheurs n’étaient pas du même côté de la barricade, Claude Allègre et Henri Pézerat fondateur de l’ANDEVA (2) (3). Chacun mesure avec le recul lequel était du côté des victimes de la folie industrielle, de la justice des hommes et de l’honneur de la science.
– A ce stade l’ex ministre de la gauche du temps du "Mammouth’ a passé l’état de scientifique inconséquent pour atteindre celui de danger politique avéré. Il tente bien maladroitement dans la suite de sa chronique d’appeler la philosophie a son secours, et même Freud ! Il postule que « L’idéologie de la peur a rempli le vide des idéologies », mais sa démonstration est pathétique. Plus grave encore elle nous donne un substitut qui nous empêche de penser qu’il existe bien une "Idéologie de la peur’ au centre du discours politique qui nous gouverne, mais que cette idéologie là est tournée vers la haine d’autres hommes, roms, migrants, musulmans ou précaires devenus "dangereux’ de par leur marginalité même. La "peur’ est bien au centre de la paranoïa qui nous gouverne, des phobies développées, de l’émergence d’une idéologie identitaire et xénophobe, elle n’est pas celle évoquée ici dans « Le continent de la peur » selon M Claude Allègre !
– Il désigne lui après Hans Jonas, un autre bouc émissaire : « Les Verts n’ont pas de programme autre que des interdictions et des régressions…Leur idéologie…a recyclée…le péché originel…la haine du capitalisme…le culte de la nature dans les croyances ancestrales de l’Allemagne que s’était appropriée l’idéologie national-socialiste » ( !) L’aveu ; même absurde historiquement se construit dans ce cerveau rocheux par formation une filiation "Précaution-Jonas-Allemagne-Nazisme-Verts’ ; que cette logique soit ignorante totalement des notions même qu’elle manipule peut quand même contribuer à influencer une opinion que le désarroi contemporain n’aide pas toujours à exercer son esprit critique… Nous sommes dans une haute manipulation qui déshonore l’auteur autant que le relais de ce message qui publie nombre de penseurs plus respectables, pas tous, dans leurs argumentations.
– La fin du propos sombre dans une grande confusion lorsque l’auteur évoque « la crise financière » pendant laquelle « Refusant de voir la réalité des choses…on a conduit le système financier à la faillite » ( !) L’auteur aurait voulu démontrer la bêtise de son propos antérieur pour convaincre chacun que "le principe de précaution’ doit "aussi’ s’appliquer à l’économie jusqu’à la remise en cause d’un capitalisme débridé et dérégulé, qu’il ne s’y serait pas pris autrement ! « Ce sont pourtant les mêmes aveugles qui continuent à nous gouverner ! » Dit il … Oui les mêmes qui refusent de sortir du "déni’ qui a aussi rongé le cerveau du professeur comme l’aurait fait un prion libéral issu d’un capitalisme fou.
– L’imbroglio conceptuel de la fin de l’article et les amalgames découragerait même un analyste zélé écoutant le patient allongé dans son monologue teinté de surréalisme et de confusion. Nous apprenons que « L’Europe a peur de la mondialisation et voudrait se rassurer en contrôlant le développement de la Chine et de l’Inde via les émissions de CO2 » Le propos a été entendu par la Chine ! (1) Et aussi que « L’Europe continent de la peur, est en train de cristalliser son déclin »… Les extrêmes droites "identitaires’ et xénophobes ne le disent pas autrement. Elles encouragent aussi "le choc des civilisations’ ! « Ce déclin, les partis écologistes en sont les moteurs »… L’obsession revient, qui donne beaucoup d’importance a un courant présent mais nulle part dominant. En fin d’article il interpelle « Les idéaux…hérités des Lumières »… Tarte à la crême de la bien pensance la plus réactionnaire aussi. Son ami président avait convoqué Jean Jaurés et Guy Mocquet, pourquoi se priver de Voltaire pour promouvoir la pénombre de la pensée ?
Jacques Richaud 17 1 2011
(1) Le Point, numéro 2000, spécial « Les Français », 13 janvier 2011 pages 94-95.
http://toutsurlachine.blogspot.com/2011/01/les-francais-le-continent-de-la-peur.html
(2) De l’amiante à la morale kantienne dévoyée : http://www.legrandsoir.info/De-l-amiante-a-la-morale-kantienne.html
(3) Le 19 février 2009 http://www.humanite.fr/2009-02-19_Politique_Disparition-d-Henri-Pezerat