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L’hypocrisie des médias occidentaux concernant la nouvelle loi Hongroise sur les médias

Presque tous les médias occidentaux (surtout ceux d’Europe de l’ouest), à l’image du quotidien allemand Die Tageszeitung, (1) du haut de leur imposante et impressionnante liberté de parole, brandissent l’étendard d’une liberté de la presse dont ils se réclament, contre l’autoritarisme du gouvernement et du premier ministre Hongrois qui viennent de faire passer une loi sur les médias, qui restreint très fortement la liberté de la presse dans ce pays.

Que signifie cette loi, que dit-elle ? Elle prévoit que des amendes pouvant aller jusqu’à 730 000 euros seront infligés par une « autorité des médias » composée de 5 membres du parti actuellement au pouvoir, en cas de publication de contenus « qui portent atteinte à l’intérêt public, l’ordre public, et la morale publique ». Elle prévoit également une obligation pour les journalistes de dévoiler leurs sources dans le cas ou ce qu’ils publieraient porterait « atteinte à la sécurité nationale ». Ces termes volontairement flous, n’ayant de signification que pour celui qui les interprète (dans ce cas le gouvernement et son autorité des médias), sont largement en mesure de recouvrir un très large éventail d’informations portant sur un très large éventail de sujets, pour ne pas dire infini. Porte atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public ce qui est déterminé contre la définition officielle ou officieuse de ces mots. Une affaire Woerth-Bettencourt porte chez nous, selon ceux qui nous dirigent donc les premiers concernés, atteinte à la sécurité nationale. Ces mots là n’ont été que prétexte depuis des décennies aux pires histoires propagandistes de notre monde « librement libre » de toute propagande.

Alors nous voyons depuis que cette loi a été votée (le 21 décembre 2010) et surtout depuis qu’elle est appliquée (le 1er janvier 2011), nos très chers médias libres claironner que la liberté de la presse en Hongrie n’est plus qu’un lointain souvenir. Jusque là je ne vois personne qui oserait contredire cette thèse qui parait évidente.

Sauf que, ces médias là qui donnent volontiers des leçons de liberté aux autres pays, sont ils eux-mêmes aussi libres qu’ils le prétendent de dire tout ce qu’ils veulent ?

La liberté de la presse existait-elle en Hongrie avant le 1er janvier ?

N’y a-t-il pas eu des cas dans notre libre pays qui est la France, de procès faits à des journalistes pour des motifs très discutables ?

L’espionnage des journalistes afin de découvrir leurs sources pour des publications « portant atteinte à la sécurité nationale » est-il une spécificité d’un pays étranger à tendance autoritaire, ou également d’une libre et parfaite démocratie où règne la liberté de la presse ?

Certes, le contrôle de l’état est surement moins officiel dans le cas de la France ou de l’Allemagne, il reste quand même présent. Et cela va sans mentionner le contrôle de l’argent sur ces mêmes médias. Noam Chomsky, dans son livre Manufacturing Consent, définit un certain modèle qu’il qualifie de modèle de propagande, que Jean Bricmont résume en la phrase suivante : « [le comportement des médias] résulte du fonctionnement d’un marché libre combiné à une distribution très inégalitaire du pouvoir, générateur naturel de "filtres" qui marginalisent l’information dérangeante pour les groupes dominants » (2).

Ce modèle est valable dans tous les pays où la presse est dite libre, c’est-à -dire dans tous les pays où il n’y a pas de contrôle direct de l’état sur les médias. Les deux principaux filtres de ce modèle sont la publicité et la propriété. Les entreprises et groupes qui financent les médias en échange d’espace publicitaires dans ceux-ci sont en mesure de contrôler l’information diffusée. En effet, en cas de désaccord avec le contenu publié, il suffit qu’ils cessent d’acheter ces espaces pour que le média se retrouve avec bien moins de moyens. En ce qui concerne la propriété des médias, Chomsky dit qu’il est logique qu’une institution ne tolèrera pas ce qui est capable de la détruire de l’intérieur, dans son corps même, bien que parfois une certaine « soupape de sécurité » soit la bienvenue, mais avec une influence ou audience limitée.

Certains journaux comme Ouest France ne rechignent pas à défendre la soi disante base démocratique de l’Europe en utilisant une parodie d’internationalisme : « Ce sont des atteintes manifestes aux principes fondateurs de l’Union européenne qui sont en cause. La prudence diplomatique, souvent invoquée, est, cette fois, un peu hors sujet, car ce qui se passe à Budapest, comme dans toute l’Union, nous concerne directement. ». (3) Hypocrisie totale de la part de ce journal dont le patron il y a peu regrettait l’insuffisance de la mainmise de la publicité, donc du capital, sur son journal et sur la presse en général : « Des pubs qui, si nous le pouvions, seraient encore plus présentes dans nos pages, mais malheureusement des… (Hésitations prolongées)… réglementations nous en empêchent » (4). Souvenons nous également de l’attitude de Ouest France lors de la lutte pour les retraites, où nous avons pu voir à quel point ce journal est proche des exploités et respectueux de la démocratie : « Les consignes données aux rédactions par la hiérarchie sont sans ambiguïté : il faut restreindre la couverture des manifestations « pour éviter de lasser » le lecteur ; il importe de mettre l’accent sur les perturbations - lycées bloqués, stations services à sec… - et de donner surtout la parole « aux gens dont l’activité commence à être perturbée par le mouvement ». (5)

Il y a aussi ce comique article du journal Marianne qui va jusqu’à se faire le chantre de la propagande étatsunienne sur l’Amérique du sud en comparant Orbà n Viktor à Hugo Chavez : « Orbà n est désormais décrit comme autoritaire, portraituré en « Chavez européen », porteur d’une dérive jugée fascisante incarnée par la pression qui pèse sur les investisseurs étrangers et les menaces de nationalisations massives régulièrement agitées par les autorités, qui repoussent d’autant les espoirs d’une libéralisation du marché hongrois. » (6). Nous venons de voir qu’il est évident que la situation des médias hongrois ressemble de plus en plus à celle du Vénézuela, avec un très faible contrôle de l’état sur les médias et une florissante bien qu’émergente scène de médias associatifs et alternatifs qui donnent la parole à ceux qui chez nous ne l’ont malheureusement pas ou prou, loin des contrôles d’un état bien moins fasciste que les EU.

Cette loi sur les médias adoptée par le parlement hongrois donne l’occasion à nos chers médias libres de montrer à quel point ils sont libres car non soumis à un tel contrôle officiel de la part de l’état, bien qu’il faille préciser que ce dernier les subventionne. Dénoncer une structure officielle et étatique de censure (en fait, entraînant une autocensure de la part des journalistes) est quand même très insuffisant et a tendance à tourner à l’hypocrisie médiatique générale.

Quitte à défendre la liberté des médias contre l’état, pourquoi ne pas la défendre contre les puissances de l’argent et réellement engager le débat sur des possibilités de contrôle des médias par leurs lecteurs où utilisateurs, plutôt que par des intérêts de plus ou moins grands groupes privés dont le but ultime est de conserver le statuquo capitaliste, c’est-à -dire leur pouvoir tout en faisant du profit. L’Etat est une tyrannie, mais reste l’allié du capital. Se donner bonne conscience en dénonçant les dérives d’un état étranger semble être plus une grande campagne d’autosatisfaction qu’un réel engagement pour la défense de la démocratie, donc des intérêts et des droits du plus grand nombre contre la tyrannie d’une minorité.

Mehdi

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