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Simon Trinidad, le coût de l’engagement

« C’est un putain de choc ! » confiait Simon Trinidad face caméra, encore vêtue de sa tenue vert-olive de guérillero. De son vrai nom Ricardo Palmera, né en juillet 1950, Simon Trinidad est un dirigeant des FARC, arrêté en 2004 à Quito (Equateur). Après des études d’économie à l’université de Bogota, d’où il sort diplômé en 1975, Ricardo Palmera devient banquier et s’installe avec sa famille à Valledupar (nord du pays). Intellectuel engagé, Palmera est enthousiasmé lors de la création de l’Union Patriotique en 1984 : un front politique légal fondé par les FARC (en trêve), le parti communiste et d’autres composantes de la gauche colombienne. Mais rapidement, comme l’ensemble des militants de gauche, il est confronté au massacre systématique des membres et dirigeants de cette nouvelle formation politique. Une répression d’une violence inouïe s’abat sur l’UP dès sa création et jusque dans les années 90, jusqu’à ce que s’éteigne définitivement le mouvement. Loin d’accepter l’existence de ce nouveau parti, la droite réactionnaire et son bras armée, les groupes paramilitaires, vont voués une traque sans pitié à l’ensemble des composantes de l’Union Patriotique. Plus de 3.000 assassinés vont hanter à jamais la gauche colombienne lui rappelant cruellement le prix à payer pour entrer dans le jeu "démocratique" du pays.

Engagé dans ce mouvement citoyen, Ricardo Palmera voit au fur et à mesure ses camarades mourir autour de lui. Comme la plupart des militants, il reçoit, lui et sa famille, des menaces de mort. « Les menaces nous sont arrivées, à moi, à ma femme, à mes enfants. "Ou vous partez ou vous mourrez fils de pute de communistes, guérilleros de merde !", voilà ce qu’ils nous disaient » (1). Le 12 octobre 1987, le candidat à la présidence pour l’UP, Jaime Pardo Leal, est assassiné à son tour. Pour Ricardo cet attentat marque un point de non retour. Il prend alors conscience que le massacre des membres de l’UP ne s’arrêtera pas. Il rejoint, en décembre 1987, le secrétariat des FARC, leur demandant d’intégrer leurs rangs. Jacobo Arenas, dirigeant de la guérilla, refuse, considérant que la place d’hommes comme Palmera n’est pas dans la lutte armée mais de se confronter politiquement à la droite au sein des villes et de la scène politique institutionnelle. Malgré tout, Ricardo reste vivre dans la jungle en compagnie des guérilleros. Face à l’incessante hécatombe de militants communistes de l’UP dans les villes, les dirigeants du groupe rebelle prennent conscience que la voie de la guerre et de la clandestinité leur ait désormais imposé à tous. Arenas décide alors d’accepter l’intégration de Ricardo Palmera au sein des FARC. Celui-ci devient désormais Simon Trinidad, en hommage au Libérateur Simon José Antonio de la Santisima Trinidad Bolivar y Palacios. « C’est un putain de choc, il n’y a pas d’autre mots pour le qualifier ! » explique Simon au sujet de son engagement dans la guérilla, « c’est une importante contradiction qui t’es présentée, c’est l’absence de la femme, des enfants, des commodités de ta vie normale, mais de l’autre côté il y a tes convictions politiques. C’est à dire qui si je ne choisis pas cela qui suis-je ? un traître. Alors tu te dis que non, que malgré la souffrance, malgré le manque, celle de la partie affective nécessaire à l’être humain, j’adhère à la lutte de guérilla » (2). Par la suite l’homme devient un membre dirigeant de l’organisation révolutionnaire. Durant le mandat d’Andrés Pastrana (1998-2002) il participe au dialogue de paix en tant qu’interlocuteur pour les FARC. Dans les rangs de la guérilla, il rencontre et tombe amoureux d’une jeune femme, Lucero, avec qui il aura une fille.

Arrêté en Equateur où il s’était rendu afin de réaliser des prises de contact pour le groupe armé et parvenir à des accords d’échanges humanitaires avec les otages, Trinidad est extradé en Colombie. Là , il est à nouveau soumis à une mesure d’extradition, aux Etats Unis cette fois, pour y être jugé sur des accusations de trafic de drogue et pour séquestration de citoyens nord-américains. Le guérillero est condamné, en 2008, à 60 ans de prison pour enlèvement (les accusations pour narcotrafic n’ayant pu aboutir) et se trouve actuellement enfermé dans la prison de Haute Sécurité (Supermax prison) ADX Florence dans l’état du Colorado.

Le dimanche 19 septembre 2010 les Forces Militaires colombiennes bombardent le campement du 48ème front des FARC dans le Putumayo (sud ouest du pays). Quelques temps après, des mots même du président Santos, le pays apprenait que parmi les 27 morts répertoriés se trouvait le corps de Maria Victoria Hinojosa, connue sous le nom de guerre de "Lucero". Présente sur les lieux alors qu’elle visitait sa mère, la jeune Maria Alexis Palmera, fille de Simon Trinidad et de sa compagne guérillera, est elle aussi tué durant l’opération militaire. Selon le journal VOZ (3), une source militaire affirme que l’armée, informé de la présence de la mineure dans le campement et sachant que celle-ci n’était pas membre des FARC, n’a pas décidé de reporter l’attaque. La mort aura su finalement atteindre les proches du combattant communiste, une façon macabre de rappeler qu’en Colombie, que ce soit dans la légalité ou bien dans la clandestinité, l’engagement révolutionnaire se paye par le sang.

En février 2010, Simon, du fin fond de sa cellule, s’adresse via satellite à un juge colombien et reviens sur son engagement au sein des FARC. Vieilli, en tenue de détenu, surveillé par des gardes, "l’homme de fer" comme l’a surnommé le journaliste Jorge Enrique Botero (4), déclare : « Ma morale, mes convictions, ma fermeté politique, sont à 100%. Ces menottes, ces chaînes, le confinement absolu auquel je suis soumis, l’isolement total, tout cela m’encourage dans la lutte, me stimule à continuer de me battre et me donne raison ». (5)

Loïc Ramirez

(1) Déclaration de S.Trinidad : http://www.youtube.com/watch?v=Q5R7Bener_4&feature=related

(2) Extrait d’interview sur ce lien : http://www.youtube.com/watch?v=2ybf3vP8tOg&feature=related

(3) Voir l’article de Carlos Lozano sur : http://carloslozanoguillen.blogspot.com/2010/11/murio-hija-de-simon-trinidad-en.html

(4) Voir l’excellent ouvrage El hombre de hierro, J.E.Botero, Testimonio, 2008

(5) Déclaration de S.Trinidad : http://www.youtube.com/watch?v=Q5R7Bener_4&feature=related

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