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Sakineh, Theresa et Oussama : la consternation sélective du gouvernement belge.

Le 2 novembre 2010, le Comité International contre la Lapidation publiait un communiqué annonçant que Sakineh Mohammadi Ashtiani devait être exécutée rapidement : « Le premier novembre, les autorités de Téhéran ont donné l’ordre de l’exécuter à la prison de Tabriz. Elle doit être exécutée ce mercredi 3 novembre ». Très vite, Bernard Kouchner, le ministre français des affaires étrangères, a fait savoir que cette information était fausse et que le travail de la justice iranienne dans cette affaire n’était pas fini.

Cette information fausse allait pourtant faire la une de tous les médias dans le monde.
Elle amène notre premier ministre Yves Leterme, qui assure aussi la présidence belge du conseil de l’Union européenne, à réagir à son tour par un communiqué le mercredi matin. Il s’y déclare « opposé à l’exécution de l’Iranienne Sakineh Mohammadi-Ashtiani ». Il se dit «  consterné par les rumeurs entourant l’annonce de l’exécution mercredi matin de l’Iranienne, mère de famille, âgée de 43 ans... » Il se déclare également «  préoccupé par les circonstances entourant le jugement... » et demande aux autorités iraniennes «  d’empêcher l’exécution et de convertir la peine prononcée... » 

Je voudrais dire un mot sur les communiqués de Leterme qu’on n’a jamais vus.

L’information selon laquelle madame Theresa Lewis allait être exécutée aux Etats-Unis le 23 septembre 2010 n’était pas un faux. Elle a été tuée ce jour-là , le soir , par «  lethal injection ». Le décès a été prononcé à la prison de Greensville, à Jarratt, à 21h13 locales. En quittant la prison, l’avocat de Theresa Lewis, James Rocap, sous le choc, déclarait que sa mort illustrait « un système incapable d’être juste... Le système est cassé, salement cassé et d’après moi, il ne peut pas être sauvé... Il y a trop de discriminations ». Ce matin du 23 septembre, on n’a pas entendu monsieur Leterme se dire «  consterné » ou intervenir pour empêcher l’exécution. Et pourtant le cas de Theresa Lewis, 41 ans, était un cas tout à fait similiaire à celui de Sakineh Mohammadi-Ashtiani : madame Lewis avait organisé la mort de son mari et son beau-fils. Et si Leterme avait besoin d’une raison supplémentaire pour être consterné et intervenir : Theresa était dotée d’un QI de 72, la limite de la déficience mentale ax Etats Unis étant fixée à 70 -, limite en deçà de laquelle la Cour suprême interdit les exécutions.

Le 9 novembre, une semaine après le communiqué de Leterme sur Sakineh, la cour d’appel fédérale de Philadelphie, devait décider sur un autre cas : de l’exécution ou la détention à perpétuité de Mumia Abu-Jamal, journaliste et militant de la cause des Noirs des Etats-Unis. Et si Leterme avait choisi ce moment pour se dire «  consterné » d’une mise à mort éventuelle de ce symbole mondial de la lutte contre la peine de mort ? Ce que note le journaliste Marc Metdepenningen dans Le Soir sur les Etats-Unis est aussi d’application pour la Belgique : «  Depuis près de trente ans, Mumia Abu Jamal, né en 1954, croupit dans le couloir de la mort. Ses défenseurs relèvent que les Etats-Unis, si prompts à dénoncer le sort réservé à l’Iranienne Sakhineh, cette jeune femme de 43 ans promise par le régime de Téhéran à la lapidation, font fi des 3.500 condamnés à mort américains, appelés à subir le même sort, fût-ce par des moyens moins spectaculaires mais tout aussi barbares ».

Il n’y a pas seulement la question des deux poids, deux mesures. On peut aussi s’interroger sur le sérieux et la sincérité dans l’opposition du premier ministre belge à la peine de mort même. Il fut un temps où la peine de mort était appliquée partout. L’opposition à cette pratique était à ce moment un acte quasi révolutionnaire. Aujourd’hui, la peine de mort a été abolie dans deux tiers des pays du monde. Parmi les 58 pays qui la maintiennent toujours, la plupart ne l’applique pas. La lutte pour l’abolition de la peine de mort doit continuer, certes. Mais sans opposition aux nouvelles formes modernes de mise à mort, qui ont remplacé les exécutions, l’oppostion à la peine de mort sonne creux. Les conditions de détention appliquées dans les prisons de Guantanamo, Bagram, Abu Ghraib et Rusafa, ou l’enfermement à vie, en solitaire, dans les «  maximum security prisons », ne valent-elles pas la mise à mort d’un détenu ? On n’a pas entendu la voix de la Belgique dénoncer ces pratiques.

Comment se fait-il encore que ni Leterme, ni Van Ackere, ni Van Rompuy ne se déclarent «  consternés » du sort d’un citoyen de leur propre pays, Oussama Atar, âgé de 20 ans lors de son arrestation en Irak par les forces d’occupation américaines ? Pourquoi ne pas se déclarer «  préoccupé par les circonstances entourant le jugement... » quand on sait qu’Oussama a été jugé sans avocat et condamné en première instance à une peine de prison à vie, non pour un meurtre, comme Sakineh ou Theresa, mais pour avoir traversé illégalement une frontière ? Pourquoi ce silence froid qui dure depuis 7 ans ? Pourquoi le gouvernement belge ne s’est-il pas dit «  consterné » en 2004 quand le monde a découvert, atterré, les photos des détenus irakiens humiliés par des militaires américains à Abou Ghraib, prison où ce même jeune belge était enfermé ? Pourquoi le gouvernement belge ne s’est pas dit «  consterné » en 2008 quand la BBC a révélé les images chocs de la prison de Rusafa, tout en sachant que ce même jeune belge y était enfermé ? Pourquoi, aujourd’hui en 2010, toujours pas de communiqué ou de déclaration du gouvenement belge qui a pourtant reçu les preuves médicales qu’Oussama Atar est atteint d’une tumeur ?

Pire.

Pendant 7 ans les autorités belges ont prétendu à la famille qu’elles ne pouvaient pas s’immiscer dans la justice irakienne ou dans les affaires intérieures de l’Irak. Mais pourquoi les autorités belges le font-elles alors en Iran pour Sakineh ? Pendant 7 ans, elles ont dit qu’une campagne médiatique dans la presse risquait de nuire à la situation de Oussama. Mais pourquoi ces mêmes autorités belges participent-elles à la mise sur pied d’une campagne médiatique mondiale pour Sakineh ?

Pour conclure, je voudrais rappeler ce petit message de la famille Atar, posté le 9 novembre 2010, sur le groupe Facebook «  Oussama Atar, sauvons sa vie » : «  «  Monsieur » Vanackere refuse toujours de nous rencontrer et toujours pas de visa pour pouvoir enfin rendre visite à Oussama... Le combat coninue et continuera tant qu’Oussama ne sera pas parmi nous ».

Soutenons-les !

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