RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

L’intégrisme culturel

Le racisme demeure aujourd’hui l’un des traits significatifs des sociétés européennes. Le discours identitaire moderne fonde une nouvelle stratification des groupes humains basée non pas sur la biologie mais sur les différences culturelles entre groupes
« ethniques ».

La doctrine ethnico-différentialiste, version atténuée du concept de race, véhicule les mêmes stéréotypes que le racisme traditionnel. Les inégalités socioéconomiques sont présentées et traitées comme la résultante de l’inadaptation culturelle des classes exploitées : attitude face au travail, immobilisme et stagnation des moeurs, aspirations radicalement différentes,…

Chaque culture est conçue comme une catégorie fermée qui détermine l’identité de l’être. Tous les membres d’une communauté sont supposés partager une âme sui generis, une mentalité commune qui distinguent le groupe. Cette reconnaissance aboutit à une forme de totalitarisme en ce sens que les conduites et pensées des individus sont définies à travers un référent extérieur invariable.

Le propre de l’identité est justement d’être un rapport en constante évolution. La cohésion du groupe communautaire est faible et temporaire ; elle est fonction des nécessités mêmes de la condition d’immigré qui s’implante dans un nouvel environnement et de l’hostilité du pays d’accueil. Exclu de l’espace social, les immigrés sont enclins à se concentrer et à survaloriser des signes de reconnaissance propres.

La communauté n’est pas une catégorie homogène mais une entité mouvante traversée par des lignes politiques, sociales et philosophiques.

La rhétorique raciste postule que l’immigré ne respecte pas les normes sociales et qu’il menace les institutions libérales et démocratiques. En période de crise sociale et économique, la concurrence et la rivalité dégrippent les crispations identitaires.

L’apolitisation des conflits sociaux et l’ethnicisation de la politique sont suggérées par les agents intellectuels de la bourgeoisie qui savent l’avantage qu’ils peuvent en dégager. Non seulement le système économique est ménagé mais la conscience politique s’érode au bénéfice d’identifiants de substitution.

Marx était parfaitement conscient que l’impulsion de l’opposition entre indigènes et immigrés servait la cause des classes dominantes, comme il l’a signalé dans sa lettre du 9 avril 1870 adressée à Siegfried Meyer et August Vogt : « Chaque centre industriel et commercial en Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles, prolétaires anglais et prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais ordinaire déteste l’ouvrier irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie. Il se sent à son égard membre d’une nation dominante, et devient, de ce fait, un instrument de ses aristocrates et capitalistes contre l’Irlande, et consolide ainsi son pouvoir sur lui-même. Des préjugés religieux, sociaux et nationaux le dressent contre l’ouvrier irlandais. Il se conduit envers lui à peu près comme les Blancs pauvres envers les Noirs dans les anciens Etats esclavagistes de l’Union américaine. L’Irlandais lui rend largement la monnaie de sa pièce. Il voit en lui le complice et l’instrument aveugle de la domination anglaise en Irlande.

Cet antagonisme est entretenu artificiellement et attisé par la presse, les sermons, les revues humoristiques, bref, par tous les moyens dont disposent les classes au pouvoir. Cet antagonisme constitue le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, en dépit de sa bonne organisation. C’est aussi le secret de la puissance persistante de la classe capitaliste, qui s’en rend parfaitement compte ». Il suffit de remplacer Irlandais par Arabes ou Musulmans pour que cette analyse retrouve toute son actualité.

La notion de civilisation, version élargie de la logique ethniciste, permet de hiérarchiser les conduites sociales suivant une grille de valeurs européocentriste. On surligne les différences tangibles ou supposées, au profit du civilisateur et bien entendu au détriment du barbare, afin de justifier les ingérences et interventions armées.

Il y a équivalence entre l’universalisation du capital et celle de la civilisation. Depuis le 11 septembre, les Etats-Unis et leurs auxiliaires ont entrepris une croisade civilisatrice pour soumettre l’Orient à l’Occident, pour promouvoir la liberté (de marché) et la démocratie (bourgeoise) dans les pays « archaïques ».

Pour Alex Callinicos le « racisme n’est pas une affaire d’idées dans la tête des gens, mais un problème d’oppression, d’inégalités systématiques dans les droits et les espérances générées par une structure sociale d’exploitation ; la solution, par conséquent, réside dans la lutte politique ». L’injonction morale d’ouverture et d’acceptation des différences est purement déclamatoire si elle ne se prolonge pas par une remise en question des structures matérielles auxquelles le racisme se greffe. C’est l’égalité des conditions réelles qui est le révélateur de la démocratie et le vecteur principal de l’émancipation.

L’exploitation et l’oppression n’ont pas de patrie. Le racisme est l’expression de rapports sociaux inégaux et son dépassement est lié à la révolution socialiste qui démantèlera sa matrice. L’histoire est l’histoire de la lutte des classes. La lutte des populations opprimées dans les pays capitalistes dominants ou dominés, malgré les diverses formes qu’elle peut prendre, est en dernière instance un combat contre le capitalisme et l’impérialisme.

Emrah KAYNAK

URL de cet article 10461
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
La République contre son École
Muriel FITOUSSI, Eddy KHALDI
Certains, après la sortie de « Main basse sur l’école publique », (1) n’ont pas voulu croire, au moins dans un premier temps, dans la radicalité des postulats et parti-pris idéologiques qui avaient présidé, comme nous le dénoncions alors, aux mesures initiées par Xavier Darcos. Puis la « fusée des réformes » a décollé, et les yeux de nombreux citoyens, au-delà même de la communauté éducative, ont été décillés. Les atteintes graves au service public d’éducation se sont succédées à un rythme infernal, de la (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je n’ai aucune idée à quoi pourrait ressembler une information de masse et de qualité, plus ou moins objective, plus ou moins professionnelle, plus ou moins intelligente. Je n’en ai jamais connue, sinon à de très faibles doses. D’ailleurs, je pense que nous en avons tellement perdu l’habitude que nous réagirions comme un aveugle qui retrouverait soudainement la vue : notre premier réflexe serait probablement de fermer les yeux de douleur, tant cela nous paraîtrait insupportable.

Viktor Dedaj

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.