RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
37 

L’avocat général décomplexé Bilger approuve Zemmour et les statistiques ethniques

Philippe Bilger aime la liberté d’expression et les hommes qui « osent dire » ? Très bien ! Allons y ! Il faut rappeler que M. Bilger est un haut magistrat du parquet, avocat général à la cour d’Appel de Paris et que c’est lui qui a demandé et obtenu, lors du procès Halimi, la peine maximale pour Fofana, le principal accusé. M. Bilger, bien que magistrat, s’exprime librement sur son blog. Tant mieux ! Moi aussi. Mais lorsque cet avocat général décomplexé, comme on dit, nous parle de justice, on arrive sur un terrain glissant. Est-ce l’avocat général, tenu par le devoir de réserve, protégé par la loi, qui s’exprime ou tout simplement M. Bilger ?

En tout cas, ce que je viens de lire sous sa plume est tout simplement une honte et c’est d’autant plus grave du fait des fonctions qu’il exerce. Il vient en effet de se porter au secours de Zemmour et soutient tranquillement, par écrit, en pesant bien ses mots, la formule de ce journaliste raciste : « les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes. C’est un fait ». M. Bilger se dit du même avis et souligne « la validité de ce fait », « la justesse de cette intuition ». Il trouve normal que Zemmour, pour qui tout « noir » est un immigré, s’exprime ainsi sur la chaîne France O, qui cible pourtant l’outre mer et à la « diversité », et où, soit dit en passant, Zemmour a une tribune régulière sans que cela dérange outre mesure le délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’outre mer, Karam, qui s’est démasqué en approuvant Zemmour et en attaquant hystériquement Ali Soumaré aussi bien que Marie Luce Penchard, Jean-Paul Huchon ou moi (après tout, ce sont tous des « noirs »…). M. Bilger invite donc les citoyens « de bonne foi » à venir constater que Zemmour a raison en assistant à n’importe quelle audience correctionnelle et parfois criminelle. Sur Europe 1, le magistrat s’est déclaré favorable aux « statistiques ethniques », tandis qu’il déplorait sur son blog que la finalité presque exclusive des statistiques officielles (non ethniques) soit « de masquer ce qui crève les yeux et l’esprit si on accepte de regarder ». Nous savons maintenant pourquoi les racistes (dont le CRAN, et là je comprends que M. Bilger s’amuse) sont favorables à ce type statistiques : pour stigmatiser certains justiciables et assimiler la délinquance à tel ou tel phénotype. Ceci étant, M. Bilger n’a pas pensé que les statistiques ethniques pourraient pousser certains esprits chagrins à dire que s’il y a surtout des « noirs » et des « arabes » devant les tribunaux répressifs et dans les prisons aussi, c’est peut-être parce le système policier et judiciaire est une machine à broyer du noir ou de l’arabe, parce que le système éducatif n’a pas rempli sa mission, parce que la France est un pays où le racisme se porte bien grâce à des gens comme Zemmour.

En parlant de « noirs » et d’ « arabes », M. Bilger affirme au moins clairement l’existence de « races humaines » qu’il croit assez justifier en invoquant l’évidence de son regard et celui des gens de bonne foi (c’est-à -dire les racistes primaires). Bien que lui ne soit pas primaire, il aurait besoin, je pense, de quelques séances de rattrapage en philosophie. Il apprendrait ainsi ce qu’en principe tout lycéen de terminale doit savoir : les sens sont trompeurs et la prétendue évidence fondée sur le regard n’est pas un critère de vérité. Un bâton plongé dans l’eau paraît brisé alors qu’il ne l’est pas. Ce n’est pas un « noir » ni un « arabe » qui l’a dit, c’est Descartes. De même, un magistrat d’apparence respectable, blanc de peau, peut-il se révéler, à l’examen, le pire des salauds. L’apparence n’est pas la réalité. En lisant les auteurs et en faisant travailler son esprit (puisque le même Descartes dont je rappelle qu’il appartenait au « corps traditionnel français » et ne peut donc être soupçonné de complicité avec les trafiquants, nous révèle que le pire imbécile a du bon sens et peut parvenir à la vérité s’il dirige son esprit par une saine méthode) M. Bilger comprendrait ce qu’est un préjugé. Car ne doutons pas de sa bonne foi : pour le moment, il ne le sait pas. Or, pour un magistrat cela peut être très utile. Le racisme est un préjugé qui, hélas, n’épargne pas les magistrats.

Ce que M. Bilger sait en tout cas, c’est que que l’apologie du racisme - la croyance aux « races » humaines - , grâce à un incroyable vide juridique, ne tombe pas sous le coup de la loi. Et il en profite, prenant la précaution, tout en approuvant Zemmour, qui dit que « la plupart » des trafiquants sont noirs ou arabes, de préciser que « beaucoup » le sont. Il a beau dire, par précaution, que tous ne le sont pas, voilà donc un magistrat qui lorsqu’il aura devant lui quelqu’un qu’il pense être « noir » ou « arabe » accusé d’être un trafiquant sera convaincu d’avance qu’il a plus de chances d’être coupable que s’il s’agissait d’un « blanc ». Après de tels propos, les choses sont extrêmement simples. Tout accusé sera désormais fondé à demander de n’être pas jugé par M. Bilger, car un magistrat doit juger sans préjugés ou au moins faire semblant. L’évidence du regard ? M. Bilger semble avoir oublié que la justice est généralement représentée les yeux bandés. Ce n’est pas pour rien. Pour un magistrat, plus encore que pour Zemmour, il ne doit pas y avoir de « noirs » ni d’« arabes », mais tout simplement des justiciables, tous égaux devant la loi et tous présumés a priori innocents. Il serait intéressant de savoir si la ministre de la Justice approuve qu’un magistrat très en vue affirme ainsi en toute quiétude qu’il croit aux races, qu’il défende publiquement un journaliste raciste approuvant le délit de faciès, et qu’il demande des statistiques ethniques pour mieux justifier son propos. Si la Chancellerie laisse faire, laisse dire, pourquoi ne pas lyncher directement les « noirs » et les « arabes » suspects ? Cela désengorgerait les tribunaux, non ? Et pourquoi pas des statistiques ethniques sur les magistrats ? Ne serait-ce pas tout aussi intéressant, après tout, aussi bien en France que dans les départements d’outre mer ?

Par Claude Ribbe
www.claude-ribbe.com

URL de cet article 10291
   
DEPUIS LA NUIT ET LE BROUILLARD - FEMMES DANS LES PRISONS FRANQUISTES - de Juana Doña
traduit par à ngeles Muñoz avec la collaboration de Sara Albert Madrid, février 1939. La Guerre d’Espagne touche à sa fin. Leonor va connaître l’exode, la torture, la condamnation à mort, et les longues années de prison... L’horreur quotidienne de l’univers carcéral franquiste tel que l’ont vécu des milliers de femmes et d’enfants est décrite ici par Juana Doña avec un réalisme sans concession et sans complaisance. Ce livre est son témoignage. Écrit en 1967, publié seulement après la (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales.

P.Barnevick, ancien président de la multinationale ABB.

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.