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Ilhem Moussaïd, le voile et la République

tableau : "Two Muslim Girls wearing the pink Hijab scarf", Kazuya Akimoto

Ilhem Moussaïd, âgée de 21 ans, est une militante du NPA, active dans les quartiers populaires. Aux dires de ses camarades, l’adhésion de cette jeune fille est conforme à l’orientation politique du Parti. Elle même se déclare féministe, pour l’avortement contre l’homophobie et internationaliste.

Jusque là , rien à signaler.

La jeune fille se porte candidate aux élections régionales et est élue dans son comité par 60% des voix. Toujours rien à redire.

Jusqu’au jour où le Figaro s’est intéressé à l’aspect vestimentaire de la jeune candidate. Plus précisément, au « fichu » foulard qu’elle porte pour cacher sa seule chevelure. Depuis, les commentaires fusent de toutes parts. Ils s’appuient sur l’idée que « la lutte pour l’émancipation ne peut s’accommoder du voile, symbole musulman de domination masculine. »

Vision mécanique et simpliste de l’aventure émancipatrice humaine qui mérite qu’on s’y attarde. Quoi de mieux pour commencer que de relater l’anecdote qu’une veille femme voilée m’a racontée en réponse à mon interrogation sur le port du voile.

« Quand mon mari fut assassiné par l’armée française- me dit-elle- j’ai continué le combat en cachant des armes pour le FLN algérien. Mon gourbi était devenu une cache d’armes, un lieu de clandestinité. Arriva le jour de l’indépendance, on m’ installa avec mes cinq enfants dans une maison que lorgnait un voisin, un rallié de la vingt cinquième heure qui voulut nous déloger. »

A cet instant de son récit, elle me regarda bien en face et ajouta « sais-tu mon fils ce que je lui ai dit : j’insulte la mort qui a pris les hommes et épargné les lâches... Je sais ce que vaut ma liberté ; elle m’a appris que la qualité d’un pantalon ne fait pas la valeur d’un homme. »

Autrement dit, l’habit ne fait pas le moine où si on préfère « le voile ne fait pas toujours la soumise. »

Ce qui ne signifie pas pour autant que l’intégrisme musulman n’en a pas fait un symbole de la soumission de la femme. Voilà pour l’anecdote et venons maintenant aux commentaires qui ont suivis l’annonce de cette candidature.

Les donneurs de leçons

Les prises de position de quelques « éminents » responsables politiques de gauche méritent d’être relevées.

La secrétaire du PCF, M.G.Buffet, dévoile dans la candidature voilée du Vaucluse : « ... Un recul du droit des femmes, qui redeviennent un objet instrumentalisation. Il faut arrêter de jouer avec les femmes, de faire peur avec les femmes. »

Et tout naturellement, elle dénonce les responsables politiques qui se prêtent à ce jeu, très dangereux. Cependant, elle ne précise pas à quels responsables, elle fait allusion. Sans doute que son propre parti a déjà joué avec ses femmes voilées. L’affirmation de la Secrétaire du PCF insinue que la candidate est immature puis qu’elle ne se rend pas compte de la supposée manipulation. N’accordant aucun crédit à la profession de foi laïque de Ilhem Moussaïd, M.G Buffet décrète qu’une telle candidate ne peut que « faire peur ». Aux petits blancs ? Sans doute. Il va sans dire que dans ces propos, souffle un air de condescendance et de prétention, voire du mépris.

Le simplisme qui caractérise les positions politiques du PCF, n’est pas nouveau. Un simplisme qui fait du PCF, justement, un jouet démocratique de l’idéologie libérale. Qu’elle s’occupe des Conseils régionaux où PCF et PS votent des budgets pour l’école privée catholique, fragilisant ainsi d’année en année, l’école publique et laïque !

Abordons maintenant les propos du soldat de la laïcité, J.L Mélenchon. « La religion n’a rien à faire dans la politique » dit-il.

Certes, la religion n’a rien à faire dans la chose publique mais Ilham Moussaïd ne dit pas autre chose en affirmant son attachement aux valeurs républicaines. Sauf que... Elle les décline avec un voile sur la tête ! Sûrement qu’avec un string visible et seins en l’air, il n’y aurait eu aucun scandale car la République aurait été sauve.

Est-il conscient que la politique justement est assujettie à une religion, le marché, que ses camarades du PS ont légitimité idéologiquement « sans honte » dans les années quatre-vingt ?

S’il y a un combat idéologique et politique à mener c’est contre cette religion. En s’inscrivant dans un combat anticapitaliste dans le cadre de la république, la candidate du Vaucluse apporte, modestement, son grain de sable dans la lutte contre le divin marché (1) afin de construire une espérance sociale et, il faut bien l’ajouter, laïque. Car s’il y a un changement social et politique a espéré ce n’est nullement dans l’alternance économique du pareil au même au lequel nous ont amené PS et PCF. L’impasse.

Certes, avec cette gauche là , la politique change de modalités mais pour mieux asseoir le fondement même du « marché- religion » au coeur de l’Etat. Dans un monde où l’idéologie libérale occupe tout l’espace publique et même privé, il est temps pour Aurélie Filipetti, Martine Aubry , M.G Buffet, J.L Mélenchon.... de réaliser qu’une prise de conscience de classe n’est nullement un processus linéaire. Se défaire pour faire et se faire exige du temps et du courage. A moins que nos défenseurs de la République, se contentent de militants clones. C’est à dire, d’une éternelle répétition de la même parole et du même geste que l’idéologie libérale a su intégrer, avec intelligence et cynisme, dans « une culture médiatisée ».

Mais « ils sont tellement fascinés par le rendement de l’outil qu’ils ont perdu de vue l’immensité infinie du chantier. » (2) C’est ce qui les a conduit de la lutte des classes à la lutte pour les places.

Insufflant ainsi, d’élection en élection, un esprit de fatalité dans le comportement du troupeau que nous sommes devenus : troupeaux de féministes, de bronzés bien intégrés, de nègres, d’ homosexuels sans oublier le troupeau des « coups » médiatiques tel « Ni pute ni soumise » ou « Don Quichotte ». Troupeaux qui servent aux responsables politiques, les jours de marchés électoraux.

En invitant la société civile dans la politique, ils croient, par la même, qu’ils consolident la
démocratie mais c’est le politique et l’Etat, comme émanation du « nous », qu’ils enterrent. Ignorant ainsi qu’ils honorent le triomphe de l’idéologie libérale.

Parmi ces donneurs de leçons, aucun n’a critiqué D. Stauss-Khan faisant campagne, kipa sur la tête. Qui oserait ?

Enfin, pour clore la première partie de ma colère, je suggère à ses responsables politiques, pour être en cohérence avec eux mêmes, d’inscrire sur le fronton des sièges de leurs partis : « nulle n’entre ici si voile elle porte. » Du moins, mentionner dans les statuts, l’interdiction du port du voile.

Les féministes et le voile

Il est utile de souligner que la candidate Ilhem Moussaïd ne milite nullement pour que d’autres femmes portent le voile. Auquel cas, je comprendrais aisément la riposte des féministes et je me serais associé sans hésitation à leur combat. Où est alors le problème ?

Deux questions pour répondre à ceux et celles qui avancent les arguments « féminisme » et « laïcité » pour fustiger cette candidature.

« La laïcité exclut-elle un croyant des institutions démocratiques de la République ? »

La laïcité a eu pour acte premier, le divorce entre l’Etat républicain et les églises. Au premier, la charge de la chose publique et de l’émancipation de la communauté des citoyens, aux secondes de sauver les âmes de ceux qui le désirent.

C’est ainsi que croyants et non croyants, se côtoient, débattent , s’invectivent sur la chose publique au sein des instances élues. L’abbé Pierre, député en soutane, fut un exemple qui démontre que la République n’a pas failli en l’acceptant au sein de l’Assemblée nationale.

Au contraire, elle peut en ressortir renforcer du moment que les idéaux républicains sont affirmés et défendus. Il faut vraiment que le doute habite les convictions de ses républicains pour qu’ils aient peur de quelques voiles. Une remarque s’impose : la présence d’élus musulmans dans les instances élues dont on veut refuser l’accès à cette jeune candidate parce que voilée crée de fait une inégalité. Les tenants intégristes de la laïcité rétorqueront que le symbole visible de la croyance est contre nature et met en danger celle ci. Autrement dit, point de danger de ce qui n’est pas visible. J’affirme que justement, le visible énonce et de ce fait invite au débat contradictoire. Il est plus aisé de combattre ses éventuels égarements. L’Opus Dei ou « l’oeuvre de Dieu » a tout compris en oeuvrant dans l’ombre comme le stipulent ses statuts.

En effet, « si l’intégrisme musulman fait la « une » des journaux, les activités de la droite chrétienne s’effectuent souvent dans l’ombre, comme en témoigne la troublante ascension de l’Opus Dei. Milice religieuse au comportement de secte, héritière d’un anticommunisme militant, puissance à la fois économique et politique, l’Å’uvre exerce une influence multiforme sur l’Église, mais aussi sur les pouvoirs temporels, qu’elle cherche à infiltrer. » (3)

A ce propos, au sein de l’Etat et de différents gouvernements français, des postes importants ont été et sont occupés par des membres ou des sympathisants de l’oeuvre de dieu. Par exemple, Hervé Gaymard, ancien ministre du gouvernement Raffarin et actuel député. L’influence de cette secte au sein des plus hautes instances de l’U.E est loin d’être négligeable. Cette milice de la droite chrétienne a pour mission de combattre trois taches qui « salissent le monde » : « le matérialisme et l’athéisme », « la libération des femmes » et « la laïcité ». (4)

Au Sénat comme au Parlement, n’en doutons pas, nos donneurs de leçons côtoient, sans le savoir, des membres ou des sympathisants de l’Opus Dei, en costumes cravates et en jupes. Et pour cause, ses membres ne portent pas de de signe ostentatoire puis qu’ils agissent dans la discrétion... Mais ce qui n’est pas visible n’existe pas ! N’est-ce pas.
Certaines militantes sentent le besoin de préciser que ce n’est pas Ilhem Moussaïd en tant qu’ individu qui est mise en cause mais le symbole de... Elles font fi des déclarations de cette dernière qui affirme que « le voile est une part privée d’elle même qui ne constitue pas, pour autant, un frein à ses convictions publiques et laïques. » En fixant le regard sur le voile, on évite ainsi d’interroger le cheminement particulier de la pensée de celle qui le porte. Puisque la réponse est dans le symbole, nul besoin de l’interroger !

Mais au fait, est-ce qu’elle pense ?

J’en arrive à la deuxième question :

« Y a t-il contradiction entre le port du voile et le combat anticapitaliste ? »

L’engagement dans un combat contre le système capitaliste au nom de la justice sociale, de l’égalité et pour une société socialiste présuppose la prise de conscience que l’exploitation et la domination inhérente au système n’est pas l’incarnation d’un quelconque ordre divin. C’est un pas important qu’à franchi la jeune candidate. Un pas qu’elle inscrit dans l’internationalisme, c’est à dire la solidarité dans les luttes à travers le monde contre les tendances totalitaires du marché mondial et pour les libertés des peuples.

Enfin pour terminer, les militants islamistes considèrent-eux- que les normes du port du voile ne sont pas respectées par Ilhem Moussaïd et la soupçonnent même d’être à deux doigts de l’enlever...

En la stigmatisant, on ne l’aide pas dans son aventure collective et on oublie que « nul aujourd’hui n’est seulement ceci ou cela. Indien, musulman, femme, américain, ces étiquettes ne sont que des points de départ. Accompagnons ne serait-ce qu’un instant la personne dans sa vie réelle et elles seront vite dépassées... » (5)

Mohamed El Bachir
13 février 2010

(1) Dany-Robert Dufourd : le divin marché : Edition Denoël

(2) Cheikh Hamidou Kane:l’aventure ambigüe, Edition, Julliard, janvier 1961

(3) Observatoire du communautarisme : http://www.communautarisme.net/L-Opus-Dei-les-soldats-du-communautaris...

(4) Monde diplomatique : la troublante ascension de l’Opus Dei : n° septembre 1995.

(5) Edward Saïd : Culture et impérialisme : (pge 464). Edition Fayard.

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