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Monde commun, écart de revenus , méritocratie, égalité des chances.

Les deux premiers rapports renvoient aux deux seconds : méritocratie et
égalité des chances. Trop d’écart de revenus crée des mondes sociaux
séparés. Deux "France" sont non seulement séparées mais opposées. Cinq
ans après la révolte des banlieues délaissées de la République ces
dernières demeurent éloignées de l’emploi et des richesses alors
qu’ailleurs les riches sont encore plus riches, très riches, trop
riches. Trop signifie que l’égalité des chances ne saurait légitimer une
telle situation.

1) Monde commun et écart de revenus maxi : 1 à 5, 1 à 10, 1 à 40.

Trois grandes propositions d’écart de revenu sont repérables. Proposer
le 1 à 40 signifie ne pas vouloir aller vers un monde commun. Le 1 à 10
qui admet encore de fortes dominations de classe ne produit pas un tel
"effet de monde différent".

Ici la base est le SMIC revendiqué à 1500 euros perçus (net) ce qui
modifie les calculs.

Si le SMIC revendiqué est de 1500 euros (1)

l’écart souhaitable des revenus allant de 1 à 5 passe sur cette base
à 7500 euros . Cette somme constitue la base de départ des revenus des
21 catégories de dirigeants. L’écart de 1 à 5 est clairement
anticapitaliste.

L’écart de 1 à 40 ( 60 000 euros par mois !!!) évoqué il y a peu par
Marianne ne touche que l’hyperclasse mondialisée et protège la
bourgeoisie nationale tant sa composante rentière que capitaliste. Cette
formule légitime ce qu’elle veut combattre. Vouloir un monde commun ne
saurait s’accommoder d’un tel écart.

Un écart de 1 à 10 (1500 à 15 000 euros par mois) parfois proposé
frappe l’hyper-classe et une partie de la bourgeoisie mais protège les
"grands élus", les professions libérales et les capitalistes entre 7500
et 15000 euros. Il s’agit là d’une formule intermédiaire de type
social-démocrate fondée sur une alliance de classe entre le gros du
salariat (moins de 3000 euros) et les cadres supérieurs et une fraction
de la bourgeoisie nationale. Elle est jugée " réalisable " car
susceptible d’être soutenue démocratiquement au plan national.

2) Méritocratie républicaine, néolibéralisme et égalité des chances.

Globalement il est possible de distinguer deux conceptions de la
méritocratie dans les grandes entreprises : d’une part l’une fondée sur
l’arbitraire patronal nommée compétence ou performance et l’autre fondée
sur le diplôme national et la qualification. Les deux peuvent s’inscrire
dans le mode de production capitaliste mais la première est de facture
néolibérale quand la seconde relève de l’Etat social.

La méritocratie comme son nom l’indique défend l’idée de placer sur
les postes de la division hiérarchique du travail les individus
compétents. Mais dans un régime républicain social ces compétences sont
d’une part validées au titre de la qualification (2) et d’autre part ne
seront pas prétexte à sursalaire. Autrement dit la méritocratie
républicaine attribue des fonctions et des postes à des travailleurs
qualifiés, mais pas une affectation très étalée des revenus. S’ajoute un
autre argument : ce serait plutôt le travail pénible qualifié ou non qui
devrait lui être bien payé et gratifié d’un moindre temps de travail.
Tout cela n’épuise pas l’arbitraire mais le limite très fortement. Le
management contemporain "à la performance" et au "mérite" a largement
cassé ce dispositif social.

C’est le système capitaliste qui inverse l’ordre des choses, ce
n’est pas la méritocratie républicaine. Le néolibéralisme a renforcé
cette dynamique inégalitaire. Il a détruit ce que le régime républicain
social avait pu construire contre le capital dans une période favorable.
Cela ne signifie pas que la république sociale d’alors avait
radicalement circonscrit et encore moins éliminé le capitalisme.

L’égalité des chances, discours apparu avec le néolibéralisme, vient
casser l’ascenseur social et légitimer la prédation des riches. Les
néolibéraux ont cassé les normes juridiques protectrices sous le terme
de libéralisation et privatisation. Tous est soumis à la logique
marchande, ce qui intégré au marché comme ce qui ne l’est pas. Les
grandes firmes profitent de cette marchandisation néolibérale. Dans
cette anarchie de marché le thème de l’égalité des chances vient
autoriser les forts à devenir prédateurs et cupides et les faibles à ne
recevoir que la charité et la comùpassion.

Confrontation avec François Dubet. Cet universitaire sympathique et
fort compétent sur ces questions (3), n’a pas le même point de vue. Il
écrit : "L’égalité des chances et la méritocratie qui lui ressemble
comme une soeur sont les seules figures de la justice acceptables dans
une société où nous sommes égaux tout en occupant des positions sociales
inégales". Sont-elles vraiment si ressemblantes ?

Il ajoute : "L’ensemble des recherches sociologiques conduites en France
et ailleurs montre que ni l’école ni le marché du travail ne parviennent
à effacer les effets des inégalités sociales". Surtout pas le marché !
L’école républicaine s’y emploieen vain face au marché.

"L’égalité des chances ne vise pas à produire une société égalitaire,
mais une société dans laquelle chacun peut concourir à égalité dans la
compétition visant à occuper des positions inégales". "Le principe de
l’égalité des chances n’est acceptable que si l’on prend soin de le
situer dans un espace des inégalités sociales elles-mêmes acceptables.
Sans cela, l’égalité des chances peut n’être qu’une idéologie de
vainqueurs justifiant leur succès au nom de leur mérite". Certes.

F Dubet semble ici placer le marché à la place de la logique
méritocratique républicaine : Dans le monde du marché, la croyance est
la même : la prise de risques, les responsabilités et le travail doivent
être sanctionnés parce qu’ils mesurent le mérite de chacun. On croit
d’autant plus à l’égalité des chances et au mérite que l’on pense
souvent que cette forme de justice est efficace : les élites sont les
meilleures possibles, chacun est à la place qui lui convient, chacun a
intérêt à être efficace, ce qui contribue à l’efficience collective et à 
« la richesse des nations ».

L’ambigüité tient au montant de la "sanction" : si très très élevée en
terme de rémunération alors il s’agit du marché mais pas du mérite
puisque la méritocratie ne pose que des affectations de postes mais pas
des affectations financières. Certes il y a une hiérarchie des salaires
et traitements mais cette dernière s’effectue de façon progressive sans
grand saut qui soudainement place les "compétents" dans un autre monde,
celui des grands possédants.

Christian Delarue

1) Des syndicats proposent 1600 euros mensuels pour le smic.

On peut aussi plaider pour un revenu minimal de mi-carrière entre 40 et
45 ans autour de 2000 euros perçu. Une idée à creuser.

2) Le fondement républicain de la qualification.
http://www.lepost.fr/article/2010/0...

3) Redoutable égalité des chances
http://www.communautarisme.net/Redoutable-egalite-des-chances_a668.html
par François Dubet , Libération, 12 janvier 2006

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La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
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« Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix de haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. »

Bertolt Brecht, poète et dramaturge allemand (1898/1956)

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