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Comme toujours sur la Chine, Libération désinforme

À propos de la loi tibétaine sur l’unité ethnique de la Chine

Les critiques injustifiées pleuvent sur la Chine, tout ce qui vient du vieil empire est dénigré, rejeté, banni, les médias s'en donnent à cœur joie et la crise sanitaire n'a rien arrangé. Je m'étonnais presque de la discrétion des mouvements "Free Tibet" quand, au fil de mes recherches, je suis tombée sur un article paru dans "Libération" le 21 mai 2020. Un retour sur l'enlèvement du 11ème Panchen lama il y a 25 ans tient lieu de mise en bouche au problème épineux de la succession du 14ème dalaï-lama, mais la véritable teneur de l'article concernait une loi entrée en vigueur le 1er mai 2020 au Tibet, or cette loi vise à garantir l'unité ethnique de la Chine... "Libé" rassemble ses troupes pour crier au scandale.

Une semaine avant la parution de cet article, Katia Buffetrille, tibétologue française proche du dalaï-lama avait posté un billet à la Tribune de ce même quotidien français réputé "de gauche". Elle faisait remarquer que « cette loi exige de tous les échelons du gouvernement mais aussi de tous les villages, les entreprises privées, les écoles, les centres religieux, etc., de travailler ensemble pour renforcer l’unité ethnique et lutter contre le "séparatisme" (ce terme désignant en réalité toute manifestation d’intérêt pour la culture, la religion et la langue tibétaines, le dalaï-lama, et bien évidemment l’indépendance, etc.). Elle est même utilisée pour encourager les mariages entre Han et Tibétains. »1

Tout un programme ! Formulé de cette manière, on ne peut que s’offusquer de la brutale oppression des autorités chinoises et compatir avec la souffrance des 6 millions de Tibétains vivant sur le territoire chinois.

En creusant un peu, on apprend tout d’abord que cette loi a été proposée le 1 janvier 2020 par le gouvernement local, c-à-d le gouvernement de la Région autonome du Tibet (RAT) dont le président, le vice-président et les membres sont majoritairement tibétains. Selon un article du Xinhua daté du 12/1/2020 : "Pour la première fois, le gouvernement du Tibet a légiféré en vue de garantir l’unité ethnique de la Chine, ceci lors de la troisième session du 11e Congrès du peuple du Tibet qui se tient actuellement. Cet événement souligne l’importance que détient l’unité ethnique dans le développement économique et social de la région."2 Évidemment, on peut se dire que le gouvernement local est poussé par le "central", qu’il obéit aux ordres venus d’en haut. Ce n’est pas faux, mais ça manque de contexte et de perspective historique.

Bref aperçu historique

Si on en croit l’étude fouillée de cinq anthropologues chinois3, "la promotion de l’unité interethnique est issue d’une pratique historique de longue date". Autrement dit, la volonté de garantir une unité n’est pas récente en Chine où elle est gage de stabilité sociale, de progrès économique et d’enrichissement culturel. Elle ne vise pas uniquement les Tibétains, mais concerne toutes les minorités, soit les 55 "shaoshu mingzu" (ou "populations en moindre nombre"). L’histoire de la volonté d’unité ethnique remonte au moins à la proclamation de la République chinoise. En 1912, Sun Yatsen, dans son discours inaugural comme premier président de la république, annonça « l’unification des peuples han, mandchou, mongol, hui et tibétain », les cinq ethnies les plus nombreuses de la Chine. Promouvoir un État multiethnique était le moyen choisi par le gouvernement pour affirmer son héritage de l’empire. En effet, l’assimilation économique et administrative des ethnies minoritaires date du début de notre ère, avec la dynastie des Han qui servit de "modèle" durant les deux millénaires d’histoire impériale.

Dès 1949, la République populaire de Chine (RPC) a fait progressivement passer ce principe multiethnique à la pratique politique qui, immanquablement, se traduit par des règles et des lois objectives. Dès les premières lignes de la Constitution chinoise, on peut lire : "La République populaire de Chine est un État multinational unitaire, créé en commun par les diverses nationalités du pays. Des rapports socialistes fondés sur l’égalité, la solidarité et l’entraide entre les nationalités ont d’ores et déjà été établis et continueront à se renforcer. Dans la lutte pour la sauvegarde de l’union des nationalités, il faut combattre le chauvinisme de grande nationalité - surtout le chauvinisme grand Han -, et aussi le nationalisme local. L’État déploiera tous ses efforts pour contribuer à la prospérité commune de nos diverses nationalités".4

Une représentation des 56 ethnies de la Chine

En 1953, c’est un gouvernement local qui a été le premier à préconiser des activités d’unité interethnique. La préfecture autonome coréenne de Yanbian, dans la province de Jilin, a organisé la première conférence représentative du modèle d’unité interethnique. Elle a pris l’initiative de désigner le mois de septembre comme "mois de la promotion de l’unité interethnique".

Suite aux réformes engagées par Deng Xiaoping et l’ouverture de 1978, la politique ethnique a été réaffirmée et intégrée dans le cadre du développement économique global de la Chine. Provinces éloignées et régions autonomes ont été invitées à participer au mouvement de développement économique et social. L’unité interethnique commença à être intégrée dans la construction économique, culturelle et sociale. Cet effort commun a favorisé la prospérité et le progrès communs de tous les groupes ethniques.

La promulgation et l’application de la loi de la République populaire de Chine sur l’autonomie nationale régionale de 1982 a fait entrer le travail d’unité ethnique dans une ère de légalisation.

L’article 4 de cette Constitution stipule :

"Toutes les ethnies de République populaire de Chine sont égales. L’État protège les droits et intérêts légitimes de toutes les ethnies, maintient et développe des relations interethniques fondées sur l’égalité, la solidarité et l’entraide. Toute discrimination ou oppression d’une ethnie, quelle qu’elle soit, est interdite ; tout acte visant à briser l’unité nationale et à établir un séparatisme ethnique, est interdit. Tenant compte des particularités de chaque ethnie minoritaire, l’État aide les régions d’ethnies minoritaires à accélérer leur développement économique et culturel. Les régions où se rassemblent les minorités ethniques appliquent l’autonomie régionale ; elles établissent des organes administratifs autonomes et exercent leur droit à l’autonomie. Aucune des régions d’autonomie ethnique ne peut être séparée de la République populaire de Chine. Chaque ethnie a le droit d’utiliser et développer sa propre langue et sa propre écriture, a le droit de conserver ou réformer ses us et coutumes."

Cette version de la Constitution adoptée par l’Assemblée populaire nationale le 4 décembre 1982 a subi des révisions en 1988, 1993, 1999, et 2004.

En 1988, la première Conférence sur l’Appréciation de l’unité interethnique s’est tenue à Pékin pour reconnaître les collectifs et les individus qui avaient contribué à la cause de l’unité et du progrès interethniques.

Le 4 mars 2003, le président Hu Jintao a souligné, lors de la 10e session du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois, que "Atteindre le grand objectif de construire une société aisée de manière globale, c’est mieux réaliser la prospérité et le développement communs de tous les groupes ethniques. Pour atteindre la prospérité et le développement communs de tous les groupes ethniques, il faut l’unité et la lutte communes de tous les groupes ethniques."

Autrement dit, le développement économique et social de la Chine ne peut se passer de celui des groupes minoritaires et les groupes minoritaires ne peuvent se passer du groupe majoritaire des Han.

Les groupes de démonstration de l’unité ethnique

En juillet 2012, le 12e plan quinquennal pour la programmation des minorités ethniques publié par le Conseil d’État a appelé à la création d’un certain nombre d’unités de démonstration en vue de favoriser l’unité interethnique et de promouvoir le progrès économique.

Voici quelques exemples concrets de réalisations de ces groupes de démonstration :

 l’université agricole du Sichuan a envoyé une équipe d’ingénieurs agronomes dans la région de Lhassa afin d’y installer des serres à légumes, une pratique qui s’est répandue dans les banlieues des grandes villes tibétaines et qui offre à la population une grande variété de produits frais ;

 l’université des nationalités Dalian dans le Liaoning (nord-est de la Chine) a organisé une équipe de recherche scientifique pour aider les agriculteurs des zones montagneuses de la ville de Tongren dans la province de Guizhou (au sud) à résoudre le problème de la faible teneur en huile des graines de Camellia oleifera (un arbuste originaire de Chine, appartenant à la famille du thé et des camélias) ;

 la ville de Shanghai a mis en place des guichets de service dans les rues et les communautés où se concentre la population migrante des minorités ethniques afin d’aider à résoudre leurs difficultés en matière d’emploi et de scolarisation, et de promouvoir leur intégration dans la ville ;

 le département du travail ethnique de Pékin a mis en place des cours de formation avec la participation d’équipes de bénévoles pour améliorer le niveau de langue nationale des travailleurs des minorités ethniques à Pékin ;

 à l’université des minorités de Wuhan, ce sont des projets de technologie verte qui sont mis en place visant la restauration et la protection des ressources en eau dans le bassin du fleuve Yangtze ;

 la ville de Shenzhen a créé un poste d’assistance juridique en 2012 pour fournir une aide juridique professionnelle ciblée aux minorités ethniques ;

 etc.

En 2014, la Conférence centrale sur le travail ethnique présidée par Xi Jinping a souligné qu’"un grand nombre de communautés, villages, unités, écoles, entreprises, etc. pouvant jouer un rôle de démonstration devraient être créés". En un mot, tous les secteurs de la communauté devraient être mobilisés pour favoriser la volonté d’unité ethnique et aider les minorités ethniques à intégrer le développement économique et social. Il a insisté sur l’importance de répondre aux intérêts de tous les groupes ethniques tout en identifiant et en résolvant les facteurs d’instabilité. En effet, dès le début de la présidence de Xi Jinping, le leader chinois a dû faire face à une vague d’attentats sans précédent sur son territoire, due à l’émergence de l’État islamique en Irak et en Syrie à partir de 2012.

"Parmi les plus importantes attaques, on retient un attentat suicide à la voiture piégée sur la place Tiananmen à Pékin le 28 octobre 2013 qui a fait deux morts et 40 blessés, une attaque au couteau à la gare de Kunming (capitale du Yunnan) le 1er mars 2014 qui a fait 31 morts et plus de 140 blessés, une valise piégée à la gare d’Urumqi (capitale du Xinjiang) le 30 avril 2014 qui a fait trois morts et 79 blessés, ou encore un double attentat suicide à la voiture piégée sur un marché à ciel ouvert d’Urumqi le 22 mai de la même année qui a fait 31 morts et 94 blessés. Ces attaques ont toutes été perpétrées par des militants ouïghours, et certaines d’entre elles ont été revendiquées par le Parti islamique du Turkestan (PIT), organisation séparatiste islamiste luttant pour l’indépendance du Xinjiang."5

L’organisation terroriste ouïghoure visant la Chine a été récemment effacée de la liste noire des États-Unis :« cette organisation terroriste qui est lié aux loups gris de Turquie est bel et bien un danger non seulement pour la Chine mais également pour le Moyen orient, l’Asie centrale, la Russie et l’Europe. Pompeo vient de lui enlever la qualification de terroriste pour pouvoir mieux l’aider à déstabiliser la Chine. Voilà un exemple cynique de la collusion entre les États-Unis et ceux qui commettent des crimes en bande organisée sur nos territoires », explique la journaliste Danielle Bleitrach.6
groupe djihadiste à la frontière ouest de la Chine (2020)groupe djihadiste à la frontière ouest de la Chine (2020)

Contexte actuel de la Région autonome du Tibet (RAT)

Si au Xinjiang le contrôle est sévère depuis les attentats meurtriers de 2013-14, en RAT, il était déjà renforcé depuis les émeutes de 2008. L’intervention de l’Occident dans la "question tibétaine" n’est pas étrangère à cette situation. Tant le TYC7 que l’ICT8, deux ONG émanant de la communauté tibétaine en exil et sponsorisées par les USA et l’Europe, n’ont de cesse de réclamer l’indépendance du Tibet, or cette communauté exilée représente à peine 2% des 6 millions de Tibétains vivant en Chine. Cela vient-il à l’idée de ces groupes « dalaïstes » de demander leur avis à ces millions de personnes ?

A propos de la loi votée par le gouvernement tibétain au début de cette année, Penpa Lhamo, le chef adjoint de l’Institut d’études contemporaines de l’Académie des sciences sociales du Tibet, a déclaré au Global Times : "C’est la première législation sur l’unité ethnique au niveau des régions autonomes à travers la Chine." Jusqu’en janvier 2020, la législation sur l’unité ethnique concernait des entités administratives plus restreintes, comme des districts, des préfectures, des villes, ou des provinces. Le Tibet est la première région autonome à voter une loi sur l’unité ethnique de la Chine : y voit-il un gage de stabilité et de croissance dans une région qui reste la proie de tensions ?

"Pour autant que je sache, le travail législatif a commencé au début de l’année dernière, et il a permis de recueillir des opinions émanant des différents niveaux et groupes sociaux", a ajouté Penpa Lhamo, "La législation tient compte des caractéristiques ethniques locales et de l’objectif d’une gouvernance sociale stable grâce à la volonté d’unité ethnique. Cette initiative est également en accord avec les dispositions de la Constitution sur l’unité ethnique."

À nouveau, c’est une relation win-win : le gouvernement central vise l’intégration des populations du Tibet dans "la grande famille chinoise", tout en respectant les spécificités culturelles et les contraintes économiques des groupes locaux. "Dans la relation entre le ‘central’ et le ‘local’, justement l’accent est mis sur la ‘relation’, sur la dynamique de la relation.../...Chez nous, il y a souvent un dominant et un dominé, plutôt qu’un central et un local ; et le dominant a tendance à renforcer sa domination, sans faire de concessions. Bien sûr, dans le ‘va et vient’ de la Chine, il y a aussi des moments ou des situations où un aspect domine l’autre ; mais là-bas, quand le dominant ‘pousse trop sur la pédale’, il sait qu’il ne restera pas dominant très longtemps ! "9 Les interactions local/central sont multiples, et cela se remarque également au niveau de la législation. Il y a des lois nationales, mais ces lois nationales peuvent être modifiées en fonction des conditions locales, que ce soit au Tibet ou ailleurs en Chine.

Par ailleurs, ce sont des Tibétains qui dirigent leur propre région : la proportion de fonctionnaires tibétains est de 70% dans les grandes villes, et grimpe à 90% et jusqu’à 100% dans les campagnes. Nulle part au Tibet, vous ne trouverez un Han comme "chef de village", ils sont tous Tibétains et sont choisis par élection directe, de même que les fonctionnaires siégeant à la direction des cantons et des départements. Ces fonctionnaires du gouvernement local votent des lois spécifiques, au cas par cas, négociées et convenues entre le "local" et le "central". En général, ces lois favorisent l’intégration des populations tibétaines à la Chine. En voici quelques exemples frappants : la polyandrie et la polygamie sont légales au Tibet, alors qu’elles ne le sont pas ailleurs en Chine ; les taxes sur les revenus sont moins élevées au Tibet que dans le reste de la Chine ; la politique de l’enfant unique n’a jamais été d’application au Tibet ; il n’y a pas d’examen d’entrée dans les hautes écoles ou universités et les bourses d’étude s’obtiennent plus facilement qu’ailleurs en Chine.

Conformément à l’article 36 de la loi de 1984 sur l’autonomie des régions ethniques, les organismes autonomes peuvent décider de la langue enseignée dans les écoles de leur région : "les institutions autonomes peuvent déterminer, d’après la loi, les plans de l’éducation dans la région, l’installation de différentes écoles, la scolarité, les formes, les méthodes, les programmes d’enseignement, la langue employée dans l’enseignement et les règlements de sélection des élèves ou des étudiants. »10 On oublie souvent qu’en RAT ne vivent pas que des Tibétains. On y compte une vingtaine de minorités ethniques qui, chacune, ont leur caractéristiques et leur langue ou dialecte (voir tableau11).

Toutefois l’obligation de connaître la langue nationale est applicable à tous les individus identifiés comme "Chinois", même s’ils sont issus d’une minorité ethnique. La langue nationale, le « putonghua », est le ciment du peuple, mais Madame Buffetrille de conclure dans son billet à la tribune de "Libération", "qu’à Lhassa où le chinois devient obligatoire même dans les jardins d’enfants, les enfants tibétains perdent de plus en plus la maîtrise de leur langue natale sous l’influence du mandarin, alors qu’officiellement, les Tibétains représentent 92% de la population en RAT. Pékin ne peut rêver plus belle assimilation : des enfants incapables de communiquer avec leurs parents et leur communauté autrement que dans la langue du colonisateur et qui ne pourront donc transmettre aux générations futures leur propre langue ni la mémoire culturelle et historique qui s’en nourrit."12

N’en déplaise à la tibétologue française, la dernière fois que j’ai voyagé au Tibet, en septembre 2019, je n’ai entendu parler que le tibétain, excepté aux postes de contrôle des papiers qui se faisaient systématiquement en chinois. On est toutefois content d’apprendre que la tibétologie française reconnaît enfin qu’en RAT il y a 92% de Tibétains.

Les « dalaïstes » s’offusquent

Dans la phrase de l’article 4 de la Constitution de 1982, citée plus haut : "Toute discrimination ou toute oppression à l’égard d’une nationalité, quelle qu’elle soit, est interdite ; tout acte visant à saper l’unité nationale et établir un séparatisme ethnique est proscrit", les dalaïstes ne retiennent que la deuxième partie. Ils oblitèrent la première, cela ne fait pas bon genre de dire que la Chine défend tous les Chinois, y compris ceux des minorités ethniques. Il est impensable pour un dalaïste d’accepter que la Chine n’est pas un tortionnaire complotiste, qu’elle a aussi des intentions louables... tant qu’elle n’y perd pas ses propres intérêts, cela va de soi.

Qui parle de ségrégation ethnique alors qu’on ne lit que des invitations à la coopération, à la solidarité et au partage entre ethnies dans les communiqués gouvernementaux de la Chine, tant au niveau local qu’au niveau national ? Sur les réseaux sociaux, une multitude de vidéos sur le us et coutumes des minorités nationales circulent tous les jours ; par exemple, une amie chinoise m’envoie régulièrement des documentaires sur la RAT via son groupe "Wechat". Aux panoramas superbes des sommets et du haut plateau succèdent les énormes champs de panneaux solaires, les serres à légumes, les rives fertiles du Yarlung Zangpo, puis des vues des monastères et autres lieux culturels. Les Chinois ont une réelle envie de connaître les différentes ethnies de leur pays.

Mais la Chine n’est pas aussi crédible que le dalaï-lama qui appelle à sauvegarder les « identités génétiques et culturelles ». « Les frontières séparant les peuples ne sont pas mauvaises si elles préservent et définissent les identités génétiques et culturelles », a-t-il déclaré sereinement, lors de la conférence des religions à Chicago en 1993.13 Sous des dehors d’Apôtre de la paix, le dalaï-lama tient des discours nationalistes. En 2016, à propos des réfugiés stationnés aux portes de l’Europe, on l’a entendu s’exclamer spontanément : « l’Allemagne, c’est l’Allemagne, elle ne peut tout de même pas devenir un pays arabe ! »14.

En 1991, le leader bouddhiste avait signé la « Charte des Tibétains en exil », elle est encore d’application aujourd’hui. L’article 8 stipule qu’une nouvelle citoyenneté doit être installée en RAT, une citoyenneté basée sur l’appartenance ethnique.15 Dans son autobiographie, le dalaï-lama réitère ses propos en affirmant qu’il voit dans la mixité ethnique « la plus grande menace pour la perpétuation des Tibétains en tant que race autonome ».16 Il a exhorté les Tibétaines en exil à épouser des Tibétains afin que leur progéniture soit des Tibétains de pure souche. En 2003, c’est Samdhong Rinpoché, premier ministre du gouvernement tibétain en exil de 2001 à 2011, qui s’est insurgé contre les mariages mixtes déclarant au journaliste qui l’interviewait : « Un des défis pour notre nation est de garder pure la race tibétaine. »17

Ces déclarations xénophobes et nationalistes sont apparemment plus acceptables pour nos médias que les objectifs de « solidarité entre les différents peuples de Chine » annoncés par le gouvernement qui est accusé de « langue de bois ». Que dire alors des langues de vipère qui ont le toupet de prétendre que la loi sur l’unité ethnique de la Chine "est même utilisée pour encourager les mariages entre Han et Tibétains" ? Ces mariages mixtes sont monnaie courante sur le haut plateau et à ses abords où au moins 40 minorités ethniques se croisent depuis des siècles.18 La tibétologie française s’est-elle "laissé aveugler par l’image d’un Tibet à l’enseigne de pureté ethnique et religieuse, un rêve des groupes fondamentalistes et sécessionnistes19" ?

Souvenons-nous que le racisme est un enjeu important pour la classe dirigeante capitaliste. Elle y a eu constamment recours pour diviser et affaiblir les populations en montant différents groupes sociaux les uns contre les autres, sur la base de leur ethnie, de leur couleur de peau, de leur langue, de leur genre, etc. La lutte contre le racisme sous toutes ses formes est une priorité pour ceux qui se rassemblent pour mener une lutte sans merci contre le néolibéralisme et arrêter ses ravages.

Elisabeth MARTENS

Notes :

1 https://www.liberation.fr/planete/2020/05/21/disparu-depuis-vingt-cinq-ans-le-panchen-lama-mene-une-vie-normale-assure-pekin_1789033

2 https://www.globaltimes.cn/content/1176551.shtml

3 https://ijae.springeropen.com/articles/10.1186/s41257-020-0028-4

4 https://mjp.univ-perp.fr/constit/cn1982.htm

5 https://www.sciencespo.fr/ceri/en/oir/la-lutte-contre-le-terrorisme-et-l-extremisme-au-xinjiang-quelles-methodes-pour-quels-resultats-

6 https://histoireetsociete.com/2020/11/13/les-etats-unis-de-listent-lorganisation-terroriste-ouighoure-visant-la-chine/?fbclid=IwAR3bT46wX-eo1pIj8ewUkroR4ofWpw-g1IG4BeNtySywExnY-zat5NSNnHw

7 http://tibetdoc.org/index.php/politique/exil-et-dalai-lama/474-la-face-cachee-du-dalai-lama-le-tibetan-youth-congress

8 http://tibetdoc.org/index.php/politique/exil-et-dalai-lama/475-la-face-officielle-du-dalai-lama-international-campain-for-tibet

9 http://tibetdoc.org/index.php/politique/region-autonome-du-tibet/48-l-autonomie-du-tibet-une-interaction-entre-central-et-local

10 https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/chine-region-auto-Tibet.htm

11 https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/chine-region-auto-Tibet.htm

12 https://www.liberation.fr/debats/2020/05/15/xi-jinping-le-covid-19-et-les-tibetains_1788441

13 Ahmed Saïfi Benziane, « La bouillabaisse tibétaine », 2008, sur undefined

14 https://www.liberation.fr/checknews/2019/07/10/est-il-vrai-que-le-dalai-lama-redoute-que-l-europe-devienne-musulmane-ou-africaine_1739133

15 "Charter Of Tibetans in Exile (1991 Version)" sur https://www.legrandsoir.info/la-bouillabaisse-tibetaine.html

16Dalaï Lama, « Au loin la liberté », Poche, 1994, ou en langue allemande : « Das Buch der Freiheit », p.253 et p.368

17 Interview au South China Morning Post, 30/08/2003

18 http://tibetdoc.org/index.php/societe/population/212-le-grand-tibet-du-dalai-lama-une-mosaique-d-ethnies-de-langues-et-de-cultures-partie-1

19 http://tibetdoc.org/index.php/politique/exil-et-dalai-lama/56-la-chine-le-tibet-et-le-dalai-lama

»» http://www.tibetdoc.org/index.php/s...
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Journaliste, écrivain, professeur d’université, médecin, essayiste, économiste, énarque, chercheur en philosophie, membre du CNRS, ancien ambassadeur, collaborateur de l’ONU, ex-responsable du département international de la CGT, ancien référent littéraire d’ATTAC, directeur adjoint d’un Institut de recherche sur le développement mondial, attaché à un ministère des Affaires étrangères, animateur d’une émission de radio, animateur d’une chaîne de télévision, ils sont dix-sept intellectuels, (…)
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