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Roland Cayrol : "Socialistes, votez Royal sinon Reims !"

Comme l’ensemble de ses confrères, Roland Cayrol a su utiliser la préparation du Congrès du PS pour s’exposer médiatiquement, et livrer une vision orientée de la politique. Dans ce domaine, les commentaires de Cayrol ont atteint les limites du genre…
Dans plusieurs interviews consacrées au Congrès du Parti socialiste et publiées dans nos journaux, notre sondeur fait étalage d’une partialité rarement atteinte, conjuguée à un délicieux manque de compétence.

Le Parti socialiste ringard et déchiré : un ticket Royal-Bayrou !

Dans sa tentative d’ingérence dans les affaires internes du Parti socialiste et de ses militants, le sondeur parvient, merveille de contradiction, à affirmer que tous les courants du parti ont les même opinions, tout en défendant la candidature de Royal au nom de sa différence. Appréciez le ménagement du propos : « il n’existe même pas de nuances entre les principales motions. Toutes disent la même chose. » (1). Une question : Cayrol a-t-il seulement lu les motions, au nombre de 6, qui allaient de l’altermondialisme à l’accompagnement du libéralisme ?

Derrière ce constat, on pourrait croire à un regret exprimé par Cayrol le professeur de science politique. Il n’en est rien puisqu’il préfère s’exprimer sur la personnalité des candidats socialistes, leurs « caractères », leurs « tempéraments » : selon lui, « ce n’est qu’un conflit de personnes (…) en rien un conflit politique » (2). La dépolitisation qu’il évoque est l’oeuvre des sondeurs, friands d’une « peopolisation » de la politique qui aide à vendre leurs études d’opinion. Le Congrès du PS est ainsi vu sous le seul angle d’un combat de personnes. Sans faire de l’angélisme politique, il faut rappeler que le Congrès de Reims ne mettait pas en concurrence des personnes, mais des motions. Et que des orientations politiques étaient en jeu.

Dans ce jeu des sept familles, Cayrol a tout de même un penchant pour Ségolène Royal, et conseille au PS, en toute objectivité il s’entend, de se rapprocher de Bayrou. Pourquoi Royal ? Elle représente « un parti moderne qui lutte dans la France d’aujourd’hui, qui ne rêve pas », et selon son humble avis, c’est ce que « les gens ont envie de voir » (3). Il va sans dire que face à cela, l’ancienne ministre et maire de Lille, Martine Aubry, est une douce utopiste droit sortie du Front populaire, voire de Germinal. De plus, il la qualifie de « cacique » pour insinuer une pratique du pouvoir autoritaire et passéiste. Ce choix de personnes est crucial, la survie du PS est en jeu pour le sondeur : « Je ne pense pas qu’il implosera dans les prochaines années si Ségolène Royal est élue. A l’inverse, si c’est Martine Aubry, il y a un risque de rupture ».

Pour Roland Cayrol, l’alliance avec le centre apparaît comme une vérité historique, un déterminisme implacable que rien ne contredira : « il faudra bien s’élargir (…) le réalisme serait de se poser la question des alliances ». Il affirme ainsi avec aplomb que « Royal a raison » de se rapprocher du centre. (4)

Le meilleur des sondeurs peut se tromper sur le Parti socialiste

Les sondeurs, Roland Cayrol au 1er rang, se défendent à corps et à cri de prédire les résultats des élections, en avançant une métaphore fausse et lassante par son hypocrisie : le sondage comme photographie de l’avis des Français à un instant T. Jamais, donc, ce dernier n’oserait prédire l’avenir électoral de la gauche. « Ce n’est pas en rassemblant la seule gauche que le PS peut gagner ? », lui demande innocemment le Parisien. Sans l’ombre d’un doute, Cayrol répond par la négative, armé ce jour-là d’un appareil photo à puissant zoom sur l’avenir.

De la même manière, un politologue et sondologue chevronné comme M.Cayrol balaierait d’un revers de manche une question telle que « Quel est votre pronostic sur l’issue du vote des militants au Congrès du PS ? ».

Le Dauphiné Libéré a eu l’outrecuidance de la lui poser. Sa réponse ? « Martine Aubry devrait l’emporter d’environ 20 000 voix. Je me base sur un report à 50/50 des voix recueillies par la motion Delanoë et un excellent report de celles de la motion Hamon ». La sacro-sainte déontologie du sondeur ? Par-dessus bord ! Aucune retenue, aucune prudence, et des calculs au pifomètre. La mise au point est à revoir.

Ce n’est pas très charitable de prendre en défaut le flair de Roland Cayrol, présenté comme un « spécialiste du PS », mais nous ne résistons pas à cette envie. Quand on sait que le résultat du vote au second tour a donné 67 000 voix environ aux deux candidates, une erreur de 20 000 est loin d’être anecdotique ! Selon ce calcul, Martine Aubry l’aurait emporté par 57% des suffrages. A ce niveau, ce n’est plus une marge d’erreur mais un plantage abyssal.

Plus besoin d’en rajouter. Vous croyez encore dans l’ « expertise » des sondeurs, vous ?

D’où parles-tu, camarade Cayrol ?

Après l’annonce de la vente de ses parts dans l’institut CSA à Vincent Bolloré, on aurait pu imaginer le sondeur Cayrol retourner à sa monacale vie de chercheur, loin des plateaux télévisuels. Las ! Il reste « conseiller spécial » auprès de cet institut, sans que l’on sache bien ce que recouvre cette fonction, et à ce titre commente abondamment l’état de l’« opinion publique » face au Congrès du Parti socialiste. « Directeur de recherche à Sciences po », « Spécialiste du PS », « Conseiller spécial », Cayrol multiplie les casquettes, brouille volontairement les repères pour profiter des bénéfices de tous ces rôles. Ses analyses, sur lesquelles nous allons nous pencher, s’appuient-elles sur une recherche universitaire ? Sur un sondage ? Sur son « expérience » ? Lecteurs, vous êtes priés de croire le multicasquettes Cayrol sur parole.

« Conseiller spécial », est-ce à dire que ce sondeur ne fait qu’analyser le travail de ses confrères dans les médias pour donner une plus value à la marque CSA, et qu’il ne s’abaisse plus à plonger dans la tambouille des chiffres ? Pire encore, est-ce à dire qu’il conseille les sondeurs de cet institut dans l’interprétation de leurs chiffres ? Ce qui reviendrait à dire que les chiffres en eux-mêmes ne disent rien et que c’est l’interprétation, forcément orientée, du sondeur, qui crée l’« opinion publique ». Un véritable désaveu pour la sondologie. Nous attendons les éclaircissements nécessaires.

Sondons les sondages
www.sondonslessondages.org

(1) Le Dauphiné Libéré, 17 novembre 2008

(2) Le Parisien 19/11/2008

(3) Le Parisien, 26/11/2008

(4) Une même partialité s’est étalée dans la feuille de chou Libération, qui collectionnant les unes sur « Ségolène » s’est fendu d’un sondage en forme de soutien, au lendemain du vote des motions où Royal est arrivée de peu en tête, et arithmétiquement en ballotage défavorable pour le deuxième tour. Tout est dans la question du sondage commandé au nouvel institut Viavoice : « Au PS, la motion de Ségolène Royal est arrivée en tête du vote des militants avec 29 % des voix. A votre avis, Ségolène Royal ferait-elle un bon 1er secrétaire ? ». Une attitude plus que partagée par la presse « de gauche ». Le Nouvel Observateur pousse la mauvaise foi jusqu’à faire un gros titre sur les « 47% des Français pensent que le PS devrait s’allier aux centristes » quand on apprend dans le corps de l’article que 48% des français sont en faveur d’alliances avec la gauche ! Passons sur la manoeuvre consistant à interroger l’ensemble des français sur ce sujet, dont des personnes votant à droite et qui auront tendance à prêcher le rapprochement avec leurs positions.

Enfin, le vocabulaire utilisé par nos amis sondeurs pour analyser le parti socialiste relève plus souvent d’un diagnostic clinique que de la science politique : « quel est le problème du PS ? » « manque de crédibilité », « crise »,…Pour preuve ce sondage TNS Sofres, où les sondés pouvaient choisir entre deux items : « le PS vit-il une crise passagère ? » ou « le PS vit-il une crise profonde ? ». Une question totalement orientée, à laquelle 13% des personnes (qui ont mystérieusement été éliminé du graphique) ont eu le toupet de ne pas répondre ou, pire, de dire que le PS n’était pas en crise.

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Contre-discours de mai de François Cusset
Bernard GENSANE
François Cusset. Contre-discours de mai. Ce qu’embaumeurs et fossoyeurs de 68 ne disent pas à ses héritiers. Actes Sud, 2008. Bizarrement, on a très peu célébré le cinquantenaire de Mai 58, la chute de la Quatrième République, le coup d’État feutré de De Gaulle, l’instauration d’une nouvelle République, donc d’un nouveau partage institutionnel du pouvoir, avec un renforcement du rôle de l’État, de sa prééminence, tout ce que les " gaullistes " libéraux d’aujourd’hui vomissent. (…)
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