SNCF : faisons le point

Pour les cheminots, la lutte continue. Ils se battent pour eux, et aussi pour nous, usagers – pardon : « clients » – de ce qui doit demeurer un service public, et pour nous citoyens face au capitalisme financier qui nous aliène et nous bouffe la vie. Il faut les aider matériellement. Pour ma part, c’est fait, et ce sera, si nécessaire, fait de nouveau.

Quels sont les enjeux ?

Au premier chef, empêcher la privatisation de cette société, voulue par Macron, après que d’autres – la droite, les faucialistes – ont privatisé La Poste, France Télecom, Air France et d’autres fleurons qui appartenaient à l’État, c’est-à-dire au peuple.

Macron a choisi la méthode des ordonnances, dans le cadre d’un calendrier accéléré pour faire ratifier son projeeeet avant la fin juin. Il veut soumettre le rail à la concurrence, ce qui n’est en aucune manière une obligation de la réglementation européenne, quoiqu’en disent la Macronie et les médias à sa botte. Nous sommes ici dans un choix purement idéologique. Il veut changer le statut de la SNCF, qui deviendrait une société anonyme, l’État devenant un actionnaire parmi d’autres (comme pour Air France, EDF, GDF). Promesse sera faite que l’État restera majoritaire mais il ne se passera pas dix ans avant qu’il devienne minoritaire.

Concomitamment, le projeeeet implique la suppression du statut des cheminots qui, dans la logique d’une société d’État, garantit la continuité du service public. Il implique également la suppression de milliers de kilomètres de lignes secondaires, non « rentables ». 200 gares, au moins 50 lignes sont condamnées. Il reviendra aux régions, si elles le peuvent et le souhaitent, de pallier les déficiences, l’absence de l’État.

La SNCF compte 100 000 cheminots de moins qu’il y a trente ans. 25 000 suppressions d’emplois sont prévues dans les cinq ans à venir. Les médias à la botte ont fait courir divers mensonges sur les « privilèges » des cheminots :

  • les agents ne sont employés à vie que s’ils sont recrutés avant l’âge de 30 ans.
  • ils ne partent pas en retraite à l’âge de 50 ans mais entre 50 et 52 ans pour les conducteurs, 55 et 57 ans pour les autres employés. La durée de cotisation ayant été allongée depuis 2008,
  • ils subissent une décote telle qu’ils ont intérêt à partir vers 62 ans s’ils veulent bénéficier d’une retraite à peu près décente.

Les salaires à la SNCF n’ont rien d’exorbitants : 60% des agents gagnent moins de 3 000 euros brut par mois. La prime « escarbille de charbon dans l’œil » a été supprimée au début des années 70. La prime pénibilité, après 25 ans en 3X8, est de 26 euros par mois. Ce qui se situe loin des émoluments de tel ou tel membre du gouvernement actuel ayant traîné ses bottes dans les instances dirigeantes de la Société. Les cheminots bénéficient de 28 jours de repos annuel et de 10 jours de RTT.

Le statut des cheminots n’est pas un mille-feuilles d’avantages : il permet d’adapter les conditions de travail aux besoins du service public, 24 heures sur 24, 365 jours par an.

La dette de la SNCF est de 53 milliards d’euros. Elle est due pour une bonne part aux investissements considérables exigés par l’État pour financer les lignes à grande vitesse. L’État français ne finance que 32% des besoins de l’entreprise, contre 50% pour l’État allemand et 90% pour l’État suédois. Chaque année, la SNCF paye 1 milliard 700 millions d’euros d’intérêt aux banques, par exemple à la banque Rothschild, chère à notre banquier national. Le déficit n’est nullement causé par le statut des cheminots.

Perpétuellement endettée, la SNCF a recours à de la sous-traitance privée, dont les coûts, en particulier en RH, sont moindres. La SNCF a même dû entretenir des filiales qui sont en concurrence directe avec elle, comme Géodis pour le fret par camion (ancienne entreprise privée rachetée par la SNCF et qui a acquis en 2015 pour 800 millions de dollars l’entreprise étasunienne de logistique Ozburn-Hessey Logistics dont le chiffre d’affaires est de 1,2 milliard de dollars).

Les projets de construction de l’entreprise se feront dans le cadre de partenariats publics privés (les PPP). La ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux va coûter 8 milliards d’euros. Vinci assurera 10% du financement. Mais ses bénéfices seront garantis par l’État grâce à un droit de péage de chaque passager.

Ouvrir à la concurrence transformera plus que jamais les employés en variables d’ajustement. Elle va faire grimper les tarifs, comme cela a été observé en Grande-Bretagne (30%). Les Britanniques dépensent six fois plus que les Français pour leurs transports ferroviaires (14% de leurs dépenses mensuelles). Á noter que, dans le sud de l’Angleterre, 80% des trains arrivent en retard.

Les services publics ne sont pas des marchandises. Tout privatiser, c’est – à terme – nous priver de tout. « Nous » étant, pour commencer, les « clients » de la France profonde, où il n’y a déjà plus de médecine de proximité, de maternités, de crèches publiques, de bureaux de postes, de gendarmeries.

La fin de la SNCF en tant que service public, c’est l’accroissement des inégalités entre les Français.

C’est cela, le projeeeet « citoyen » du macronisme.

Bernard Gensane

COMMENTAIRES  

09/05/2018 21:11 par irae

C’est aussi un précédent et s’il réussit, rapidement suivi, par l’éducation nationale dont les financements vont déjà au privé (merci au machiavel queutard de Jarnac), le système de soin (déjà bien entammé avec la mutuelle obligatoire) et puis doucement il y aura des milices oups des sociétés privées pour assurer la sécurté (déjà le cas sur les aéroports) et enfin le retour aux fermiers généraux pour collecter l’impôt en s’en mettant plein les fouilles au passage.

Tant de modernité laisse pantois.

10/05/2018 00:11 par Michel

Bonjour ;
LES CADRES SUPÉRIEURS SNCF ÉCRIVENT À LA MINISTRE

"En France, l’infrastructure ferroviaire est la seule infrastructure lourde à ne pas être placée dans le périmètre de l’Etat contrairement par exemple aux routes et aux fleuves et à ce qui se fait d’une manière ou d’une autre dans les pays comparables comme l’Allemagne. Le réseau ferroviaire relève de l’aménagement du territoire et donc de l’Etat. Or, jusqu’à maintenant, force est de constater que l’Etat et les politiques ont fait des projets TGV parfois discutables, en se servant de la SNCF comme banquier, en délaissant les transports de la vie quotidienne et en laissant l’infrastructure se dégrader.
Le premier ministre prétend que la dette de la SNCF, c’est la dette des cheminots et que ce sont eux qui génèrent cette dette. Or, encore récemment, il a fallu acheter des matériels non strictement nécessaires et il est bien connu que les estimations de trafic de la ligne PARIS-BORDEAUX ont été sur estimées pour faire passer le projet (comme d’autres) et qu’il faudra verser à VINCI des compensations très importantes."

J’ajoute mes détails sur la ligne PARIS-BORDEAUX qui est gérée en PPP (partenariat Public/Privé, contrat qui comme chacun sait fait que l’État (SNCF) est toujours perdant !) et comme le trafic a été surestimé et qu’il y a moins de fréquentations (entre Paris et Poitiers) que prévu dans le contrat, celui-ci prévoit des compensations de la SNCF à VINCI. Pour le trafic PARIS-POITIERS après 7 mois d’exploitation (juillet/décembre 2017) la SNCF a versé 155 M€ à VINCI... Ouverture de la ligne TGV Paris/Bordeaux en juillet 2017.

https://doc-10-8g-docs.googleusercontent.com/docs/securesc/ha0ro937gcuc7l7deffksulhg5h7mbp1/r5jbq5eltda0m69k68s5ij43hj7bd1ik/1523980800000/00131264090822091889/*/1xR5LjAb9mqSInHiELHWIovVW6hvk2nee?e=download

Dans le cadre "privatisons les profits, socialisons les charges" les actionnaires se portent toujours bien !

10/05/2018 09:56 par AF30

Le silence est plus efficace que la propagande. Ainsi toutes ces informations, l’article et les commentaires, ont peu ou pas de chance d’être le sujet des infos. La propagande finit toujours par se ridiculiser dans ses excès. On enrage de constater l’absence des analyses ou des propositions alternatives. Quant aux débats, comme ils relèvent bien souvent de la recette du pâté d’alouette, leur effet est pire encore que leur abscence.

10/05/2018 11:09 par Autrement

Merci à Michel d’ajouter encore des points sur les i !
Les cheminots ne devraient pas dire : "Nous avons été reçus par la ministre, ou par le premier ministre" (quelle bonté de la part de ceux-ci !),
mais : "Nous avons reçu la ministre et le premier ministre, et au vu de leur attitude autoritaire et de leur ignorance crasse de nos problèmes, assortis de mensonges bien trafiqués, nous les avons démis de leurs fonctions".

10/05/2018 18:56 par pauvre d'eux

A l’évidence le gouffre de la "dette" SNCF concerne en premier lieu le TGV. Or il appert que seuls 1% des voyageurs SNCF par an prennent le TGV. Pour les autres, trains de banlieue, Corail, inter cité, etc sont le lot des derniers de cordée...

10/05/2018 22:29 par Chris

" Il veut soumettre le rail à la concurrence, ce qui n’est en aucune manière une obligation de la réglementation européenne, quoiqu’en disent la Macronie et les médias à sa botte. Nous sommes ici dans un choix purement idéologique. "

Voici comment on se voile la face depuis plus de 25 ans. Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron... ou tartenpion, voila les avatars d’une même politique : Celle du néo-libéralisme c’est à dire pour cette partie du globe celle de l’UE.

11/05/2018 23:43 par Frédéric Maurin

Bonjour !
"Ce qui se situe loin des émoluments de tel ou tel membre du gouvernement actuel ayant traîné ses bottes dans les instances dirigeantes de la Société"

Précisons bien : Florence Parly avant d’être touchée par la grâce jupitérienne "a pu toucher 52.000 euros net mensuels en 2017 lorsqu’elle travaillait à la SNCF".

http://rupturetranquille.over-blog.com/2017/11/balance-ta-truie.html

https://www.marianne.net/politique/salaire-mirobolant-la-sncf-pour-florence-parly-circulez-y-rien-voir

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