Pour Benoît Bréville, dans son éditorial, Israël a perdu les faveurs de l’opinion publique américaine. Conscient du péril, le premier ministre Benyamin Netanyahou a annoncé l’ouverture d’un « huitième front », la « bataille pour la vérité »,afin de reconquérir les cœurs et les esprits. Tel-Aviv n’avait jamais négligé ce terrain, mais ses efforts s’étaient surtout concentrés sur les médias traditionnels. Or, comme l’a expliqué M. Netanyahou lors d’une rencontre avec des influenceurs américains à New York le 26 septembre, « les armes changent avec le temps. (…) Le plus important aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux ».Loin d’être épargnées par la censure, les plates-formes Instagram, TikTok, X, Facebook ou YouTube ont néanmoins vu circuler des milliers de messages et de vidéos contournant le discours officiel. Journalistes indépendants, témoignages de Palestiniens, images de corps mutilés : quand ils s’informent autrement, les citoyens avalent plus difficilement que tout est permis au nom du « droit d’Israël à se défendre ».
Pour Serge Halimi, même les Américains se lassent d’Israël : « L’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 17 novembre dernier, d’un plan américain pour Gaza très favorable à Israël représente un succès diplomatique pour ce pays. Mais, simultanément, la cause israélienne devient de plus en plus impopulaire aux États-Unis, malgré la puissance de son lobby. »
Frédéric Lebaron retrouve le soufle de 1995 : « Lorsque les mouvements sociaux piétinent, que l’austérité budgétaire domine le débat public, qu’un président français et une bureaucratie européenne voient dans le réarmement et la rhétorique guerrière les remèdes à leur folle impopularité, il est bon de se rappeler qu’en novembre-décembre 1995 un grand refus populaire avait grippé la machine et ouvert de nouveaux horizons. »
Grégory Rzepski estime que les patrons piquent une crise : « Le « patron des patrons » Patrick Martin s’inquiète d’un budget « suicidaire » ; l’élite économique fait de la surenchère. Mais les organisations patronales ont-elles jamais donné dans la nuance ? Elles s’y montrent à coup sûr moins enclines quand le capitalisme français se fissure, rattrapé par ses divergences, en particulier sur le rôle de l’État.
Selon Maurice Lemoine, au Honduras, la gauche défend son bilan : « Au pouvoir depuis 2022, Mme Xiomara Castro et ses ministres ont multiplié réformes sociales et mesures agraires, mais peinent à solder l’héritage de la période ouverte par le coup d’État de 2009. Pris entre les attentes populaires, la résistance de l’oligarchie et les manœuvres de Washington, ils se préparent à de nouvelles élections générales, le 30 novembre. »
Michael Pauron explique comment le Rwanda a fait le pari du sport : « Première nation d’Afrique à avoir accueilli les championnats du monde de cyclisme sur route, en septembre 2025, le Rwanda finance aussi des équipes de football de renommée mondiale. Si cette diplomatie sportive en plein essor lui permet de redorer son image, abîmée par un régime autoritaire et son implication dans la guerre des Kivus, l’objectif est aussi d’attirer des investissements dans ce pays enclavé. »
Évelyne Pieiller analyse La privatisation des imaginaires : « Le service public fait ce qu’il peut, le privé fait ce qu’il veut. Les malheurs du Louvre d’un côté, la vitalité de la Fondation Cartier de l’autre en seraient une démonstration de plus. Fatalité des impératifs budgétaires ? Non : une casse politique. »
Igor Delanoë estime que le pouvoir syrien conserve la carte russe : « Conséquence de la guerre en Ukraine, où Moscou a engagé l’essentiel de ses forces, la Russie a observé impuissante la chute du régime de M. Bachar Al-Assad, qu’elle avait sauvé en 2015. L’ancien dirigeant syrien lui garantissait l’usage de deux bases militaires de portée stratégique. Quel sort leur réservent les anciens rebelles, aujourd’hui aux commandes du pays, et que bombardait hier l’aviation russe ? »
Pierre Rimbert traque la psychose des dirigeants européens : « Les dirigeants européens croient-ils sincèrement que les chars russes défileront bientôt à Varsovie ou à Berlin ? Ou leur ébriété guerrière vise-t-elle surtout à légitimer une politique qu’ils présentent comme la seule possible mais dont ils savent l’impopularité : l’austérité pour le peuple, l’opulence pour l’armée ? « Nous sommes dans une confrontation avec la Russie », déclarait le président français Emmanuel Macron le 1er octobre dernier, alors que des survols de drones perturbaient le trafic aérien dans plusieurs pays européens. « Nous sommes tous en danger, les missiles russes les plus avancés pourraient frapper Rome, Amsterdam ou Londres à cinq fois la vitesse du son », a fait écho le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) Mark Rutte. Face au Kremlin, qui « se prépare à une confrontation à l’horizon 2030 avec nos pays », « ce qui nous manque, c’est la force d’âme », a estimé le chef d’état-major des armées le 18 novembre à l’occasion du congrès des maires de France. La nation doit « accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement ». Pour transmuter l’or de la protection sociale en plomb et en canons, il convient que l’angoisse de la guerre dépasse le mécontentement populaire. »
Lise Triolet est allée observer des châteaux de sable high-tech dans le désert saoudien : « C’est un grand projet censé aboutir à la plus impressionnante réalisation mondiale de la première moitié du siècle. Avec ses villes avant-gardistes, ses énergies renouvelables et ses multiples innovations, Neom incarne les ambitions modernisatrices du très autoritaire prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Salman. Pour l’instant, faute de réalisme et de cohérence, la montagne n’accouche que d’une souris. »
Pour Frédéric Lordon, La France insoumise n’est toujours pas anticapitaliste : « On préfère prévenir : c’est un peu long, et parfois un peu abstrait. Mais c’est la question qui veut ça. Il suffit de savoir si on veut en parler sérieusement ou pas, et, si oui, faire avec ce que ça implique. C’est un débat stratégique, donc c’est un débat théorique. Disons les choses d’emblée. De tous les personnages politiques de la Ve République, on n’en trouve aucun qui ait l’envergure intellectuelle de Jean-Luc Mélenchon. La pensée de Mon Général n’était guère allée au-delà d’« une certaine idée de la France » (on n’a jamais vraiment su laquelle), la culture littéraire de Mitterrand ne lui donnait aucune intelligence de la société capitaliste – puis nous sommes entrés dans l’ère des comptables imbéciles et des énergumènes fascisateurs. L’intellectualité de Mélenchon a façonné toute la FI, qui est la seule formation politique institutionnelle où l’on pense, et l’Institut La Boétie est à cet égard une remarquable réussite – comme en témoigne son dernier ouvrage, Nouveau peuple, nouvelle gauche, récemment paru. C’est donc Antoine Salles-Papou qui s’y est collé. Même si j’avoue continuer de ne pas comprendre quelle mouche a piqué la FI à vouloir tout soudain se dire anticapitaliste – on ne lui avait rien demandé de tel –, il lui faut bien défendre sa nouvelle revendication maintenant qu’elle l’a lâchée dans la nature. A. S.-P. n’a donc ménagé ni sa peine ni son temps – on lui en sait gré. Quant à la réussite de son entreprise, c’est autre chose. Je le lui dis bien amicalement : il est passé à côté de tous mes arguments, et pas qu’un peu.
Pourquoi ses habitants fuient le Bhoutan, le « pays du bonheur », demande Hélène Ferrarini ? L’image d’Épinal associe le Bhoutan, petit pays enchâssé au cœur du massif himalayen, à la sérénité des cimes. Loin du chahut des métropoles occidentales, ses habitants cultiveraient un art de vivre ancestral, une disposition singulière à la félicité. Sur place, on découvre une autre réalité, qui mêle bouddhisme, cryptomonnaies et chômage. De sorte que beaucoup partent.
Pour de Philippe Descamps et Ana Otašević, au Monténégro, la balkanisation favorise le clanisme : « Pour la première fois de son histoire, le Monténégro connaît un changement de pouvoir par les urnes. Sous la férule de M. Milo Ðukanović, l’équipe sortante a été successivement communiste, nationaliste panserbe et russophile ; indépendantiste, puis atlantiste et proeuropéenne… La nouvelle majorité n’échappe ni aux logiques identitaires ni aux pressions extérieures qui imposent un cadre étroit au renouveau attendu. »
Sans les femmes, l’Espagne s’arrête (Angélique Mounier-Kuhn) : « Après avoir été cantonnées au foyer pendant les décennies franquistes, les Espagnoles se sont hissées à l’avant-garde du combat féministe mondial. Depuis une vingtaine d’années, les avancées ont été particulièrement remarquables sous les gouvernements de gauche. Au point de ranimer les vieux démons du machisme.
À New York, une victoire a été remportée contre le cynisme (Paul-Élie Ranson) : « La veille de son élection comme maire de New York, Zohran Mamdani était qualifié d’« islamo-marxiste » par un commentateur de CNN. Mais aussi de « communiste » par le président Donald Trump qui a fait fortune dans l’immobilier new-yorkais. À partir du 1er janvier prochain, M. Mamdani, un « démocrate-socialiste » assez éloigné des sociaux-démocrates européens, dirigera donc la capitale financière du monde. Et ce musulman solidaire de la Palestine sera également le maire d’une ville qui compte une population juive à peu près égale à celle de Tel-Aviv. Le résultat, que nul n’aurait imaginé il y a six mois, doit beaucoup à un taux de participation record et à la mobilisation de 100 000 volontaires. Ils ont, selon les mots de Zohran Mamdani, « effacé le cynisme qui définit la politique américaine. » Cette fois-ci, des milliardaires comme Bill Ackman ou Michael Bloomberg (ancien maire de New York) ont dépensé, en pure perte, des « dizaines de millions de dollars pour convaincre ceux qui gagnent 30 dollars de l’heure que leurs ennemis sont ceux qui gagnent 20 dollars de l’heure. » Et que crèches municipales, contrôle des loyers et gratuité des transports seraient des hérésies communistes aux États-Unis. »
La tentation indépendantiste est grande en Espagne, selon Christophe Ventura : « À l’instar d’autres pays européens, l’Espagne est confrontée à de fortes revendications nationalistes, régionalistes ou indépendantistes. Mais par-delà les Pyrénées, leur histoire s’inscrit dans celle, spécifique, d’une longue confrontation opposant les « nations historiques » au centre politique madrilène. »s
Pour Ignacio Cembrero, l’Espagne a choisi Rabat et s’efforce de ménager Alger : « Peut-on admettre la marocanité du Sahara occidental sans braquer l’Algérie, qui soutient les indépendantistes du Front Polisario ? Pour Madrid, l’équation s’avère des plus complexes, d’autant que les deux protagonistes n’hésitent pas à recourir à l’arme de l’immigration clandestine. »
En Espagne, le Premier ministre Sanchez semble inamovible (Hubert Peres) : « Le président du gouvernement espagnol dirige le pays depuis 2018, une durée inégalée en Europe de l’Ouest. À la tête d’une frêle coalition parlementaire dont le salut dépend en dernier ressort des partis indépendantistes, il défend un bilan économique et sociétal à contre-courant de ceux de la plupart de ses homologues sur le Vieux Continent.
Philippe Leymarie évoque la faramineuse augmentation du budget de la Défense nationale française : « Dans un contexte de « chasse aux milliards », au gouvernement comme au sein des assemblées parlementaires, comment la faramineuse augmentation du budget de la défense – plus 6,7 milliards d’euros, alors que presque tous, sauf la justice et l’intérieur, connaissent au minimum « une légère baisse en valeur », comme dit le premier ministre Sébastien Lecornu – a -t-elle pu passer pratiquement inaperçue ? Et ne sera sans doute pas débattue… faute de combattants ! »
André Singer décrit la cavalcade autoritaire de Jair Bolsonaro : « Ancien parachutiste, le président brésilien Jair Bolsonaro sait que l’une des meilleures stratégies de défense consiste à attaquer. Accablé par les institutions du pays pour sa gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19, il profite de l’épisode pour accuser le Congrès, la justice et les gouverneurs d’opposition de dérive dictatoriale, alors que les appels à la destitution se multiplient. »
Tony Blair fait des affaires en Afrique (Rémi Carayol) : « Après son départ du 10 Downing Street, en 2007, M. Anthony Blair a entrepris de monnayer, à travers des activités de conseiller et de conférencier, le prestige de son ancienne fonction et le carnet d’adresses qu’il y avait acquis. Face aux polémiques suscitées, l’ex-premier ministre britannique s’est recentré sur la philanthropie, espérant restaurer une réputation en chute libre. Avec un succès mitigé… »
Thierry Discepolo dénonce ce que Bolloré fait au livre, aux éditeurs et aux auteurs : « Où l’on a vu que les campagnes de communication, d’un gros groupe éditorial à l’autre, peinent à masquer l’unité de ligne politique chez ces acteurs économiques interchangeables. Il est courant de dénoncer les avantages que la propriété du réseau des librairies Relay conférerait à Hachette pour diffuser sa production. On pourrait reprocher la même chose au patron d’Editis, qui a, lui, mis la main sur la Fnac. On doit surtout préciser que les groupes éditoriaux ont, tous autant qu’ils sont, un accès privilégié aux rayons des supermarchés – indispensables à la diffusion de masse. Et pour en rester aux kiosques de gares – ,l es privilèges qui seraient accordés aux livres de Hachette provoquent la plainte d’à peu près tous les éditeurs français depuis… le milieu du XIXème –, un comptage élémentaire permet d’établir que les Relay sont le pré-carré des principaux groupes éditoriaux, que les marques de Madrigall et d’Editis n’y sont pas moins présentes que celles de Hachette, et que le palmarès d’occupation correspond plus ou moins au rang en chiffre d’affaires. »