Les deux tiers de nos créanciers sont domiciliés au Caïman, au Luxembourg de Juncker et dans le Royaume-Uni de Cameron,

Christophe Alévêque et Vincent Glenn. On marche sur la dette.

De même que la guerre est une affaire tellement sérieuse qu’il ne faut pas la laisser aux mains des militaires, il est bon que les gens doués de bon sens et d’une vraie conscience politique s’emparent de l’économie (qui, comme l’affirmait régulièrement Bernard Maris, ne saurait être une science), actuellement aux mains d’économètres qui ne jurent que par la fin de l’histoire et la domination du capitalisme financier.

Après la cinglante Horreur économique (1996) de l’écrivaine Viviane Forrester, voici un petit ouvrage roboratif, une sorte de capitalisme pour les Nuls, rédigé avec le plus grand sérieux par l’humoriste et comédien Christophe Alévêque (qui ne l’a jamais vu faire tonner « Bella Ciao » avec ses musiciens n’a rien vu) et le cinéaste Vincent Glenn, auteur de films documentaires qui prennent le contre-pied du libéralisme obligé (« Davos, Porto-Alegre et autres batailles », « Ralentir Ecole »).

La thèse centrale de ce livre éclate de simplicité : « Quel est le pays le plus endetté du monde ? Les Etats-Unis d’Amérique. Quel est la seule puissance au monde ? Les Etats-Unis d’Amérique. » La France n’a pas à rougir, avec sa dette publique de 2 000 milliards d’euros. Le problème n’est pas le problème mais le bout par lequel on prend le problème. La dette de la France est de 2 000 milliards d’euros. Mais la France produit 2 000 milliards de valeurs économiques par an. Pendant ce temps, notre beau pays a un patrimoine (ménages, entreprises et Etat) de 16 700 milliards d’euros. Les intérêts de la dette publique représentent deux tiers de l’impôt sur le revenu. Nos impôts passent donc très directement dans la poche des créanciers privés de la France. On va donc tailler dans tout ce qui rend nos vies supportable : santé, école, Pôle Emploi etc.

Tout part d’Adam Smith et sa Richesse des nations (1776) qui, en forgeant l’expression « la main invisible du marché », invente l’économie en tant que discipline autonome, comportant ses propres règles qui ne sont pas celles qui régissent la société. L’économie serait « dirigée par la main d’une divine providence » et s’imposerait mystérieusement à des adorateurs mystiques et consentant à leur propre mystification.

Selon les auteurs, les premières dettes remonteraient à 3 500 ans avec notre ère, en Egypte, donc avant l’invention de la monnaie, du temps du troc. Puis les humains inventèrent les banques, banco, banca en Italien. Dans les villes italiennes, les banquiers travaillaient au marché assis sur un banc. Lorsqu’ils faisaient faillite ou s’adonnaient à l’usure, on rompait leur banc (bancarotta, banqueroute, bankruptcy). Aujourd’hui, les banquiers peuvent dormir sur leurs deux oreilles, c’est-à-dire sur de l’argent qu’ils ne possèdent pas : ils ont le droit de prêter dix fois plus d’argent qu’ils ont en réservent parce qu’il y a beaucoup moins de billets en circulation que d’argent sur les comptes. D’où ce vertige métaphysique : de quoi l’argent qui circule dans le monde est-il le nom ? Où est le virtuel, où est le réel ?

Vaste question à laquelle il est inutile de s’escrimer à répondre. Plus pertinent est de s’intéresser à ce que les auteurs appellent le « magma » : C’est par exemple « l’argent que vous avez placé dans une banque qui l’investit dans un fonds, qui a racheté une assurance, qui a misé dans l’immobilier, assurance rachetée par un autre fonds qui est en train de faire faillite et qui va en revendre une partie et réinvestir dans une banque qui, elle-même, vient d’embaucher Jérôme Kerviel etc. » L’important étant que les banques, comme l’ont appris les gogos zuniens qui avaient placé leurs économies chez les frères Lehman, jouent désormais contre leurs clients. Dans certains films catastrophe, il y a parfois un semblant de début de morale : lors de la crise des subprimes, la banque a saisi les maisons des mauvais payeurs, s’est retrouvée propriétaire de milliers de résidences que plus personne ne pouvait racheter. Le prêteur a donc fait le tapin et l’Etat a déboursé. Et c’est reparti comme en 40. Ou en 29…

Autre crapulerie inouïe, à laquelle Adam Smith en personne n’aurait pas pensé : la banque Goldman Sachs connaissait les problèmes de la Grèce encore mieux que Juncker ou Lenglet. Elle prit quelques risques minimes et joua contre son client. Elle aida le gouvernement à maquiller les comptes de l’Etat et investit dans des fonds spéculatifs en pariant que le pays ne pourrait bientôt plus rembourser ce qu’il devait. La banque a donc poussé à la cata en misant sur la cata. Goldman Sachs a empoché au passage 600 millions de dollars de commission pour ses précieux conseils es manipulations et 400 millions par an sur les biens publics grecs jusqu’en 2037.

Le terrain de jeu est désormais phénoménal puisque les transactions financières sont à peu près cent fois plus importantes que l’économie réelle : « De l’argent qui achète de l’argent ! Un jeu dans un jeu. Même au casino les joueurs n’ont pas le droit de parier sur les autres joueurs. Dans la finance, oui. »

En France, la loi stipule expressément qu’il est interdit de savoir le nom de nos créanciers. Sûrement parce que les deux tiers d’entre eux sont domiciliés au Caïman, au Luxembourg de Juncker et dans le Royaume-Uni de Cameron, le gros bébé à la cuiller d’argent dans la bouche.

Selon les auteurs, la croyance qui dicte la politique de rigueur de l’Allemagne et donc de l’Europe serait qu’Hitler est arrivé au pouvoir suite au traumatisme de l’hyperinflation des années 1920. Or, bien au contraire, c’est la déflation qui a le plus favorisé son avènement. Mais tout cela est de l’histoire ancienne et l’important n’est pas là. A la base de tout, il y a la nomination par De Gaulle, comme Premier ministre, du serviteur en chef des Rothschild, le fondé de pouvoir Pompidou qui, bien sûr, a renvoyé l’ascenseur en réformant les statuts de la Banque de France en janvier 1973. La création monétaire fut rapidement transférée aux banques privées et les « plans de rigueur » tombèrent sur le coin de l’œil des Français. J’ai encore en mémoire ce slogan dans les manifs’ : « Barre Un, Barre Deux, Barre-toi ». Michel Rocard, gauchiste bien connu, brossa le bilan des quarante dernières années en calculant que, sans les intérêts prix au passage par les banques privées, la dette serait de 16% du PIB au lieu de quasiment 100% aujourd’hui.

La finance tient tout. Le reste n’est que gesticulations policées. Demandez aux syndicats qui ont « l’honneur » de siéger à Bruxelles. Le président de la BSE est Mario Draghi, ancien haut fonctionnaire, ancien directeur général du Trésor public italien chargé des privatisations, membre du conseil d’administration de banques et sociétés en phase de privatisation ENI, IRI, Banca Nazionale del Lavoro, IMI), vice-président pour l’Europe de Goldman Sachs. Le nouveau commissaire européen à la Stabilité financière, au Service financiers et à l’Union du marché des capitaux (non seulement ça existe mais tout tourne autour de ça) est Jonathan Hill, fondateur d’un cabinet de groupe de pression qui a comme client la banque HSBC et l’institution qui gère la City de Londres.

Que ceux qui, à gauche, pense que l’on peut réformer le système de l’intérieur nous écrivent, ils ont gagné une reproduction d’un assignat du banquier Law de Lauriston ! L’Euro, qui, selon le génie Jacques Attali, ne devait pas survivre à l’hiver 2013, passera d’autres hivers au service des requins de la finance.

Paris : Editions de la Martinière, 2015

COMMENTAIRES  

29/07/2015 14:02 par Roger

Je recommande ce livre qui vaut son pesant de thèses d’économie !
C’est bien sûr plaisamment enlevé, avec un dosage d’humour, d’ironie et de sarcasme qui n’enlève rien à la justesse de l’ analyse des "mécanismes financiers" qui sont utilisés par les banques. A ma connaissance, aucun des grands spécialistes ès économie qui sévissent dans nos media ne s’est risqué à la démonter...
Je recommande particulièrement l’histoire d’un billet de 50 € qui permet en circulant de régler les dettes de plusieurs personnes, et qui s’avère être un faux billet que son 1er propriétaire déchire en bout de circuit.
Achetez ce livre, ça fera une petite assurance chômage pour C.Alévêque, car il dit la vérité et risque bien d’être exécuté !

29/07/2015 19:30 par Mondzelewski

Petite remarque sur la "main invisible" dans "La Richesse des Nations" d’Adam Smith, histoire d’effectuer les vérifications qui s’imposent : si vous ne tenez pas à le lire attentivement, ouvrez l’ouvrage en pdf dans Adobe, cliquez sur l’onglet "Edition" ; cliquez sur "Rechercher" ; tapez "main invisible" ; "enter" : vous ne trouverez qu’une seule occurrence et cela n’a rien à voir avec ce qu’on lui fait dire depuis longtemps. Adam Smith n’était pas le salaud qu’on pense, mais les salauds en ont fait leur icône, à nous de débusquer leurs mensonges.

29/07/2015 22:05 par franck irribarria

Bonsoir,

j’invite tous ceux qui s’interressent à la dette des états, aux crises financières.. de ce documenter sur le 100 % monnaie.

Plusieurs prix Nobel et de très grands économiste ont de tous temps plébiscité ce modèle de gestion de la monnaie

et de création monétaire.

Le 100 % monnaie, c’est l’état , et lui seul, qui crée la monnaie, donc, fini la dette vis à vis de créanciers privés,

aujourd’hui en France cette dette vis à vis des créanciers privés est de 2000 milliards d’euro.

les différentes activités bancaires sont toutes séparées, cloisonnaient, les compte courants "a vue" par exemple,

ont obligatoirement leur équivalent en billet dans le coffre de la banque, donc, cette argent ne plus disparaitre comme

par magie pour rembourser les pertes de jeu de la finance casino, la finance n’y a pas accès, et il faudrait faire brûler

tous les billets qui sont physiquement dans les coffres des banques.

L’argent sur les comptes à vue, ne peut pas non plus être utiliser pour faire du crédit....

Bref, le 100 % monnaie, ce n’est que le modèle le plus plébiscité par tous les plus grands économistes du millieu

du 19 eme à aujourd’hui, si vous ne connaissez pas le 100 % monnaie, documentez vous, et SVP, FAITE CIRCULER

L’INFO, ça urge, ça urge.........

cordialement

franck

30/07/2015 09:16 par Bernard Gensane

Merci pour votre remarque. Je cite Wikipedia anglais :

In economics, the invisible hand is a metaphor used by Adam Smith to describe unintended social benefits resulting from individual actions. The phrase is employed by Smith with respect to income distribution (1759) and production (1776). The exact phrase is used just three times in Smith’s writings, but has come to capture his notion that individuals’ efforts to pursue their own interest may frequently benefit society more than if their actions were directly intending to benefit society. Smith may have come up with the two meanings of the phrase from Richard Cantillon who developed both economic applications in his model of the isolated estate.

30/07/2015 11:37 par CN46400

Une idée pour contrer les manigances bancaires de la BCE à la lumière des évènements grecs : Recréer les CCP, le "P" devenant un "F" pour français. Pas de frais, découvert interdit, entièrement informatisé, uniquement utilisés par carte à puce, accès à tous les distributeurs de billets. Gestion coopérative contrôlée par un comité de sages désignés par les orga parties prenantes.....

30/07/2015 13:42 par Dwaabala

Quelques remarques sur ce compte rendu de lecture et ses annotations fort intéressantes.
« ... la nomination par De Gaulle, comme Premier ministre, du serviteur en chef des Rothschild, le fondé de pouvoir Pompidou qui, bien sûr, a renvoyé l’ascenseur en réformant les statuts de la Banque de France en janvier 1973. La création monétaire fut rapidement transférée aux banques privées et les « plans de rigueur » tombèrent sur le coin de l’œil des Français »
Ce qui répond aux thuriféraires de « l’État-nation » ; car c’est bien de lui qu’il s’agit, celui des grands capitaux au temps de la république gaullienne : voyez alors la valse des responsables entre les postes ministériels et ceux de PDG des multinationales sous de Gaulle.
Cette domination des grands capitaux fut encore compensé pour un temps sur le plan social par l’action des forces qu’il a dû neutraliser par le biais de l’« Europe », favorisé en cela par la chute du camp communiste, ce qul a conduit à l’état actuel.
« Que ceux qui, à gauche, pense que l’on peut réformer le système de l’intérieur nous écrivent... »
Cette phrase est une litote. Ceux qui pensent qu’il faut renverser le système ne vont pas plus loin : ils doivent commencer par le vivre, comme les premiers. Et ne savent pas davantage où les mèneraient leurs préconisations « sortir de l’euro, sortir de l’Europe ».
Si bien que la conclusion « L’Euro, qui, selon le génie Jacques Attali, ne devait pas survivre à l’hiver 2013, passera d’autres hivers au service des requins de la finance. » est d’une grande justesse.

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