Brésil, démocratie en danger.

Photo : Marielle Franco

Ce pays n’est plus le même. Un nouveau type de régime est en place. Il vide chaque jour un peu plus la sève démocratique et sociale du pays. Dans le silence médiatique, droits sociaux et démocratiques sont rongés quotidiennement. Répression des mouvements sociaux (hier professeurs mobilisés à Sao Paulo violentés et gazés pour avoir demandé la sauvegarde des financements des écoles), désintégration par "inanition" des services publics et des politiques sociales (plus de financements sans formellement stopper les programmes) comme l’a parfaitement exposée dans un débat du FSM l’ancienne ministre de Dilma Rousseff Nilma Lino Gomes (ministre des femmes, de l’égalité raciale et de la jeunesse), super austérité, judiciarisation de la vie publique, militarisation de la sécurité publique à Rio, pouvoir médiatique au service de ces évolutions.

Ce coup d’Etat contre la démocratie est polymorphe, progressif, sectoriel, il agit par petites touches, désarme en anesthésiant l’opinion publique, agit en conservant les apparences de la normalité.

C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier l’affaire Lula, qui risque d’être emprisonné, éliminé de la présidentielle qu’il gagnerait , sans que la justice ait seulement fait la preuve de sa culpabilité.

Un autre régime donc.

"Quel avenir pour la gauche ?" était le titre d’un débat organisé mercredi 14 mars par le réseau CLACSO (plus grand réseau latino-américain de recherche sociale) dans le cadre d’une journée consacrée à ses cinquante ans d’existence.

Le pré-candidat du PSOL (Parti socialisme et liberté, à gauche du Parti des travailleurs) , le jeune Guilherme Boulos (leader du Mouvement des travailleurs sans toits) a rappelé que "le gouvernent non-élu de Michel Temer a ramené en deux ans le Brésil cinquante ans en arrière"

Et de rappeler l’enjeu de la présidentielle à venir : " dans ce contexte , toute la gauche va agir dans l’unité. Lula doit gagner. Son élimination de cette élection ne serait pas que la sienne mais elle signifierait l’élimination du camp populaire tout entier et sa disparition du pouvoir d’Etat ".

Dans une ambiance d’assemblée en ébullition, le participant réalise que les gens présents au FSM sont en état de résistance démocratique. C’est le sens du slogan "Fora Temer" (dehors Temer). C’est frappant. Sidérées par ce basculement réalisé en deux ans tandis que les forces de gauche vivaient encore sur le (faux) sentiment de leur hégémonie dans la société, elles doivent maintenant se réinventer dans un contexte où elles sont réprimées.

"Dans la séquence précédente, entre 2002 et l’après 2008, la croissance économique a permis une redistribution sociale sans toucher aux privilèges de l’oligarchie. Désormais tout a changé. La seule manière de gouverner pour une majorité populaire sera de briser ces privilèges".

Un autre régime donc.

Salvador, 14 mars au soir vers 22 heures . Tandis qu’avec Eric Coquerel, Florence Pozanski et Erik de France insoumise, nous dînons avec Guilherme Boulos et son équipe, nous apprenons l’assassinat de Marielle Franco, jeune conseillère municipale du PSOL à Rio. Tuée dans sa voiture de neuf balles avec son chauffeur depuis un autre véhicule, Marielle Franco était une farouche opposante à la politique policière du gouvernement dans les favelas.

"On ne peut pas écarter un crime politique, une exécution" me glisse Guilherme Boulos, larmes aux yeux.

Le PSOL exige une enquête immédiate rigoureuse. De nombreuses réactions surgissent partout sur les réseaux sociaux.

Un autre régime donc.

Toujours pas un mot dans les médias sur le FSM. Ils préfèrent faire leurs "Une" sur la tenue, en même temps, du Forum économique mondial pour l’Amérique latine à Sao Paolo. Un World Economic Forum présenté comme celui de la recherche d’une croissance économique au bénéfice de tous....

Et dans les autres pages internationales, il n’existe qu’un seul problème en Amérique latine : le Venezuela.

Un autre régime donc : la guerre, c’est la paix.

Christophe VENTURA

COMMENTAIRES  

15/03/2018 21:17 par Roger

C’est très exactement ce qui se prépare en France et en Europe. les media sont redevenus la propriété d’oligarques et ne se privent pas de manipuler ou d’anesthésier l’opinion. Faire élire Macron en travaillant de longue date à lui opposer Marine Le Pen, c’est un savoir faire qu’il faut prendre au sérieux. Mettre en scène un Président conquérant tout en jouant un pseudo-conflit avec lui, c’est de la stratégie bien cousue (même si pour ceux qui savent voir, c’est de fil blanc). la militarisation de la police et des forces de maintient de l’ordre, l’atteinte progressive aux libertés (loi d’exception normalisée), la destruction du droit social, le démantèlement des services publics et de l’Etat social, tout cela va dans le sens de la logique du capitalisme.L’usage du 49-3 sur des questions d’idéologie économique et de l’arrangement permanent avec tous les grand fraudeurs fiscaux, au contrôle du net en passant par l’affaiblissement du parlement...etc... la démocratie lui est insupportable, sauf dénaturée en spectacle ubuesque, comme le modèle de référence US nous le donne à voir au quotidien.
Et je n’arrive plus à croire en la possibilité d’une révolution, même citoyenne !
Oui l’Amérique du sud est notre avenir (demandez donc aux grecs ce qu’ils en pensent !).
Parce que au fond du fond le capitalisme est ontologiquement un fascisme .

17/03/2018 17:17 par caius

Et comme par hasard, l’intègre "juge" Moro qui a fait condamner Lula a participé à "l’International Visitor Leadership Program" : les fameux voyages tout frais payés aux USA où l’on inculque aux "young leaders" combien il serait profitable à leurs carrières de disposer d’un carnet d’adresse de décideurs étasuniens à condition bien sûr de servir les intérêts des USA

17/03/2018 19:02 par Assimbonanga

L’article est en Une du magazine Reporterre aujourd’hui : Le Forum social mondial et le Brésil bouleversés par l’assassinat d’une militante. https://reporterre.net/Le-Forum-social-mondial-et-le-Bresil-bouleverses-par-l-assassinat-d-une

18/03/2018 09:34 par Assimbonanga

Ce matin, France Inter évoque le forum social au Brésil. Avec leurs mots déformants ils nous balancent qu’on va manquer d’eau "à cause du réchauffement climatique", ces blaireaux ! Bien sûr c’est pas à cause de notre gestion industrielle des ressources, guidée uniquement par le rendement à court terme et le taux de profitabilité, l’agriculture débridée qui pompe un max, les sociétés comme Coca-cola et ses consœurs. Et France Inter omet de parler de l’assassinat de Marielle Franco. C’est gros, non ? L’information est décidément de plus en plus verrouillée.

18/03/2018 12:38 par latitude zero

Parce que au fond du fond le capitalisme est ontologiquement un fascisme .

"L’impérialisme , stade suprême du capitalisme" , auquel on peut rajouter le facisme stade ultime de l’impérialisme.

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